L’Edito du mensuel Enbata
« Ce pôle métropolitain Pays de Béarn est comme l’instrument d’un rééquilibrage territorial vis-à-vis de la Communauté d’agglomération Pays Basque”, telle est une partie du texte fondateur de l’institution béarnaise créée le 18 janvier 2018 par arrêté préfectoral. François Bayrou, maire de Pau, qui a été porté à la présidence, a rappelé en préambule la riche histoire du Béarn, État indépendant régi au XIIe siècle par les Fors de Béarn, fondements d’une démocratie unique en son genre à l’époque.
Ce nouveau pôle métropolitain regroupe sept des huit intercommunalités béarnaises. Manque celle du Pays de Nay. Elle compte 327.154 habitants. Cette structure, prévue par la loi NOTRe, est une fédération d’intercommunalités qui ne perçoit pas l’impôt et dont le budget se nourrit de la contribution volontaire de ses membres. On voit ici les limites de l’exercice qui ne veut pas laisser aux seuls Basques la volonté d’une affirmation collective identitaire fondée sur une histoire et une culture singulières, mais refuse, par le choix d’une fédération d’intercommunalités existantes, l’intégration démocratique de toutes ses communes pour la gestion unique d’un destin commun.
Mais au-delà de cette frilosité, en s’affichant Béarn, nos voisins vident du même coup la raison d’être du département, le dévitalisant de l’intérieur, que le député basque à l’Assemblée de 1789, Joseph Garat, jugeait contre-nature. Le cours inexorable du quotidien rendra, sans nul doute, justice à notre conventionnel d’Ustaritz.
Il suffit pour cela d’observer le rapide investissement des élus basques dans la nouvelle institution qui nous est propre. Il est vrai que, côté basque, cette conscientisation vient de loin. Comme un contrepoint à l’éveil abertzale de la population, nos élus ont appris à se rencontrer, à élaborer ensemble un futur, à s’organiser pour débattre avec l’État en rencontrant à Paris le ministre de l’Intérieur, dans le cadre du Conseil des élus. Parallèlement, il revenait au Biltzar de défendre une institution en soutenant la création d’un département Pays Basque, fort du vote personnel de 64% des maires. Comme fut également remarquable la candidature à trois élections sénatoriales des maires d’Idaux-Mendy, d’Espelette et d’Arbérats, Frantxoa Dascon, Andde Darraidou et Xalbat Bacho, porteurs du département Pays Basque. C’est ainsi que, peu à peu, s’est opéré le grand renversement de nos élus qui, en trois décennies, sont passés de l’hostilité ouverte, voire militante, anti-basque, à l’engagement pour l’euskara, la défense des réfugiés, de l’institution spécifique. C’est Max Brisson, qu’on ne voyait pas là, qui construit et préside l’Office public de la langue basque lorsqu’il affronte préfet et recteur pour conventionner Seaska avec l’État. C’est l’unanimité de nos parlementaires qui, par défaut et sur lettre du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, missionne le préfet pour accompagner les votes des 158 conseils municipaux de nos trois provinces afin de créer, le 1er janvier 2017, la Communauté d’agglomération Pays Basque.
C’est le soutien à Laborantza Ganbara dans ses procès avec l’État où s’illustra l’avocat Jean-René Etchegaray. C’est l’engagement de ce dernier dans Batera et sa présence à ses manifestations, dont certaines face aux forces de l’ordre. C’est sa présence à la conférence d’Aiete pour le cessez-le-feu d’ETA, puis avec les artisans de la paix, la remise des armes clandestines, le 8 avril 2017 en Iparralde, avec la complicité, acceptée par Paris, des juges et des polices… Dans ce grand basculement, il faut reconnaître à Jean-René Etchegaray une place déterminante pour avoir réussi, par une présence sur l’ensemble du territoire et de ses conseils municipaux, la conception à Hasparren et la mise en place de l’agglomération unique Pays Basque dont il fut porté à la présidence. C’est pour cela que beaucoup de journalistes le nomment sympathiquement Lehendakari. C’est pourquoi la mauvaise humeur manifestée à l’encontre de Jean-René Etchegaray par le président du gouvernement basque, Iñigo Urkullu, dans Sud Ouest, lors de la rencontre internationale d’Arnaga, le 2 mai dernier, officialisant la dissolution d’ETA, a été mal vécue, y compris parmi les membres du PNV d’Iparralde : “il y a sans doute trois présidents de collectivités, une en France, la Navarre et le Pays Basque, mais il n’y a qu’un seul Lehendakari, et sans jouer les immodestes, il est ici”.