L’érosion silencieuse du statut d’autonomie

La ministre basque Olatz Garamendi présentait, en septembre, le rapport Higadura isila.
La ministre basque Olatz Garamendi présentait, en septembre, le rapport Higadura isila.

Le gouvernement basque dénonce une érosion généralisée des compétences du statut d’autonomie de la part de l’État espagnol qui limite ainsi l’action de Gasteiz dans treize domaines. Un rapport de 700 pages présente la situation en détail et ouvre la porte à la nécessité d’un nouveau statut garantissant des relations “d’égal à égal”.

Higadura isila, l’érosion silencieuse, tel est le titre du gros pavé que le gouvernement d’Iñigo Urkullu a jeté dans la mare le 9 septembre dernier. Sur la couverture du livre, apparaît le tronc de l’arbre de Gernika : en regardant de plus près, on voit qu’il est attaqué par la vermine, tout un symbole. L’élaboration de ce document a commencé lors de la précédente législature, il décrit comment le pouvoir central mène son travail de sape à partir de trois méthodes : au gré des opportunités, il s’approprie la totalité de compétences transversales, c’est-à-dire partagées entre Madrid et Gasteiz selon le texte du statut d’autonomie de 1979. Autre angle d’attaque, il se saisit des situations d’urgence —soudaine crise économique mondiale, crise sanitaire du Covid— pour s’attribuer d’autorité des pouvoirs du ressort du gouvernement autonome. Ou encore les relations se judiciarisent et les recours sont arbitrés, soit par la Cour suprême, soit par le Tribunal constitutionnel qui penchent toujours en faveur de l’Espagne. Et le tour est joué, à coup de manœuvres financières, d’ingénierie juridique et de décisions judiciaires. Ce que le parlement espagnol a accordé il y a 42 ans, puis a été avalisé par référendum, est retiré peu à peu par les Hautes cours qui sont dépourvues de toute légitimité politique. Ce scénario, qui hier rabota brutalement le statut d’autonomie catalan, déclencha la montée en puissance du souverainisme dans ce pays.

Au Pays Basque, tous les domaines sont touchés, du plus dérisoire au plus sensible. En voici une liste non exhaustive. L’Education fait l’objet de plus de cent pages dans le rapport Higadura isila. Elle est du domaine exclusif du gouvernement autonome, qu’importe, Madrid décide unilatéralement du nombre d’heures consacrées à la lecture durant la scolarité des élèves basques. La loi espagnole “Lomce”, mise en œuvre par le PP, voulait définir la langue véhiculaire en usage à l’école et le contenu des programmes ou encore le montant des bourses scolaires. Sur ce dernier point, les juges ont tranché en faveur de l’Espagne.

De la flotte des véhicules officiels à  la carte de stationnement des handicapés

Dans un tout autre domaine, l’État reprend par simple décret le contrôle de la gestion de la carte de stationnement des personnes handicapées. Idem pour la gestion de la flotte de véhicules motorisées dont les institutions gouvernementales basques ont besoin. En matière agricole, le gouvernement de Gasteiz ne peut plus agir quant à l’attribution des AOC vinicoles. Le Tribunal constitutionnel considère que l’État peut intervenir directement dans la régulation de l’activité commerciale, en particulier concernant le nombre d’heures de travail hebdomadaire. Le montant maximum du revenu dans la fonction publique est défini par Madrid. L’aide sociale, compétence exclusive selon l’article 10 du statut d’autonomie, est devenue une compétence partagée, puis par le biais de la loi sur la dépendance et une décision du Tribunal constitutionnel, elle relève aujourd’hui quasi exclusivement de l’État central, dans le cadre de la caisse de Sécurité sociale qu’il contrôle. Les politiques d’aide au retour à l’emploi et d’aides aux jeunes, font l’objet de litiges incessants. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et le logement se heurtent aux directives de l’État quant aux normes concernant la surface des ascenseurs ou l’aménagement des ports et des espaces côtiers. Madrid veut garder la main sur la planification générale de l’activité économique. La santé n’échappe pas à sa voracité centralisatrice, la prise en charge des soins dentaires et le co-financement des frais pharmaceutiques sont devenus du ressort de Madrid. L’implantation d’un système de clefs électroniques pour les usagers des services publics est soumise à un contrôle de l’État et à une autorisation du ministère de l’économie et de la transformation digitale. La loi basque sur la police autonome et son système de recrutement et de gestion des employés intérimaires, a fait l’objet de recours de la part de l’État. Cette question n’est toujours pas réglée.  Etrange situation que celle du gouvernement autonome basque. D’un côté, après d’âpres négociations à l’occasion de trop rares fenêtres de tirs liées à la fragilité des majorités au pouvoir, il obtient quelques transferts de compétences qui ne sont jamais que l’application d’une loi-cadre votée il y a 42 ans, le statut d’autonomie. En avril 2021, ce fut la compétence de la gestion des prisons, la politique pénitentiaire demeurant toujours aux mains de l’État central. Bientôt, ce sera le tour de la gestion du Revenu minimum vital(1). Mais de l’autre, il est confronté à une guéguerre permanente, l’Espagne tentant de récupérer de la main gauche ce qu’elle lui a accordé de la main droite.

Relations bi-latérales et droit de décider

Olatz Garamendi, ministre basque en charge de l’auto-gouvernement, conclut de ce rapport qu’il illustre la nécessité de construire une relation bi-latérale, avec l’État, dotée de garanties. Pour être sûr que ce qui est négocié et signé au terme d’un accord entrera dans les faits, pour fluidifier les relations et surmonter les conflits judiciaires. Olatz Garamendi le précise, cela suppose de redonner vie à la notion de pacte, ainsi, aucun des partenaires ne pourra agir de façon unilatérale. D’où la mise en avant de relations à caractère égalitaire, avec un système de contraintes ou de garanties permettant d’être sûr que les décisions prises en commun seront exécutées et que personne ne les remettra en cause ultérieurement.

Pour résoudre la question, la solution d’un nouveau statut est sur la table depuis 2012, date à laquelle le Lehendakari Iñigo Urkullu est arrivé au pouvoir. L’échec du projet de souveraineté-association promu par Juan José Ibarretxe est dans tous les esprits. Le coup d’arrêt porté à deux référendums unilatéraux et à la proclamation d’indépendance des Catalans, la violence de la répression espagnole qui a suivi, montrent les limites de l’exercice. Le débat ressurgit en Pays Basque par épisodes, il tourne autour de la nécessité de fameuses “relations bi-latérales” entre Gasteiz et Madrid, du “droit de décider” et de ses modalités, formulation soft du droit à l’autodéterminantion. Leur obtention devrait être acquises de façon légale et négociée entre les partenaires. La place et le moment de la “consultation référendaire” sont également évoqués. En décembre 2019, un accord de principe a été signé par le PNV, Podemos et le PSOE local. Sur son contenu, on ne sait rien, si ce n’est que le projet doit rassembler une large majorité transversale, en décodé, l’accord de partis abertzale et espagnolistes. Donc un compromis qui limite forcément son ambition et sa portée. Depuis plus rien.

Jaungoikoa eta lege zaharra,  le grand retour

Coup de gong le 16 septembre dernier lors du débat de politique générale au Parlement de Gasteiz. Le président Urkullu ressort quelques vieilles idées de derrière les fagots. Il souhaite “revenir à la souveraineté d’avant 1839”, c’est-à-dire d’avant l’abolition des Fueros, les droits historiques détenus par les Basques depuis des siècles et qui furent en Euskal Herri l’enjeu principal des guerres carlistes. Iñigo Urkullu défend la notion de “Concierto politico” entre Etat et institution autonomique, comme fonctionne l’actuel “Concierto economico”, issu précisément des Fueros et organisant les rapports sur le plan économique et fiscal. “La formule du Concierto nous permet la réintégration forale intégrale, c’est-à-dire l’annulation définitive de la loi d’abolition des Fueros ; nous revenons à la souveraineté antérieure à 1839 ; elle consolide le système politique du vivre ensemble” et signifie le retour à une “souveraineté partagée”. Gros avantage aux yeux du PNV, la Constitution espagnole n’a pas besoin d’être modifiée car elle permet explicitement cette solution. Elle stipule noir sur blanc dans une de ses dispositions finales que la loi d’abolition des Fueros du 25 octobre 1839 est définitivement annulée, concernant les trois provinces, de Bizkaia, Araba et Gipuzkoa.

Le PNV est né à la fin du XIXe siècle, suite à la défaite militaire carliste qui a entraîné la deuxième abolition des Fueros par l’Espagne en 1876. Il renoue donc avec ses origines idéologiques, son nom en euskara, Jaungoikoa eta lege zaharra (JEL), Dieu et les vieilles lois, fait explicitement référence à ce passé fueriste, fondement historique de la souveraineté basque. Présentée d’un point de vue plus moderne, la proposition du chef du gouvernement autonome s’apparente au système confédéral suisse ou au fédéralisme allemand.

En réaction, le PSOE local et EH Bildu se sont montrés critiques. Le premier reconnaît la recentralisation des compétences de la part de l’État, mais l’attribue d’abord au PP, hier au pouvoir à Madrid. Il refuse de regarder vers de solutions du XIXe siècle et se prononce contre “le droit de décider”. Quant à la gauche abertzale, elle accuse le PNV de renoncer précisément à ce même droit.

(1) Une vingtaine de compétences qui depuis longtemps devraient échoir au gouvernement basque sont toujours détenues par Madrid. Le jeu des négociations pourra durer quelques décennies de plus.

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Une réflexion sur « L’érosion silencieuse du statut d’autonomie »

  1. Franco hil ondoren, demokrazia itzulita eta autonomien estatua ezarri ondoren galdera hori egiten zion bere buruari batek baino gehiagok: « Zergatik ETAk ekintza gogorretan jarraitzen du orain? » galdera horren erantzunak mota askotakoak dira: abian ezarri baino lenenago konstituzio berri hau ez zuten onartzen ezkerraldeko alderdi abertzaleek; « konstituzio honi ez  » zekarten afitxak ugariak ziren Hego Aldeko kaleetan; bereziki zortzigarren artikuluari zegokien; hots Iberiako nazione bat Espainiatik banandu nahi izatekotan, zenbakien demokrazian izanik ere, Espainiako Armadak boterea lortzen ahal zuen Espainiako Batasunaren gorde eta zaintzeko. Hori da Algeriako arazoan 1961 garren urtean OAS erakundeak eta generale laukoteak egin nahi zuena. Orduan 1936 urtekoa bezalako altxamendu bat bermatzeko gai da Espainiako Demokrazia, Horretaz gainera Nafarroa Estatutuaren kanpoan kokatzeko ahalegin guztiak egin ditu Madrilek, Hortik dator berreskualduintzearen prozezuaren zailtasuna, hizkuntza zonifikaziarengatik bereziki. Hors Euskal Herriarentzat askatasun mugatua izan da eta izaten da. Horregatik jarraitu zuen ETAk. Momentu gogorrenetan HAS alternatiba proposatu zuela gogoratu behar da ere. Naski desmasidak akatsak eta inplikatu gabeen kontrako ekintzak izan direla, erakunde armatuarentzat kaltegarria izan zena; halako ekintza horiek GAL ek egindako erailketen ondorioak izan dira.Orain 1978 garren urtean hitzeman ziren eskumen guztiak ez dituzte eman, eta areago abian daudenak, murrizten ari dira. Horrelako politika baten egiteko eskubiderik ez dago. Horri irtenbide baten atzeman nahi izatekotan, KAS alternatiba edo Lizarra Garazi itunetara itzuli behar da eta Espainiak egiten duen maskaradari behin betiko amaiera bat eman.

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