Les élections municipales et régionales voient la progression des abertzale PNV et EH Bildu en Hegoalde. L’union des droites espagnolistes et la montée du PSOE au détriment de Podemos font perdre aux abertzale la direction de la province de Navarre et sa capitale. En Catalogne, ERC devient le premier parti du pays. Oriol Junqueras en prison, Carles Puigdemont en exil, la candidate PNV et celui d’EH Bildu sont élus députés européens.
Plusieurs scrutins ont eu lieu le 26 mai. Les élections municipales et européennes étaient organisées dans tout l’État espagnol qui constituait une circonscription unique pour les deuxièmes. La Navarre et la plupart des communautés autonomes —hormis la Catalogne, l’Andalousie, la Galice et la Communauté autonome basque (CAV)— renouvelaient leurs assemblées régionales. La CAV élisait seulement ses délégués foraux siégeant dans chacune des trois députations. L’ensemble des résultats de ces scrutins se situe dans le sillage des élections législatives espagnoles il y a un mois, qui ont vu la progression des partis abertzale, la victoire du PSOE, l’affaiblissement de Podemos et l’éclatement de la droite, avec pour corollaire l’effondrement du PP. La participation aux élections de dimanche dernier a été forte, en particulier pour les Européennes, entre 64 et 65%, alors qu’elle n’était que de l’ordre de 45% en 2014. En Navarre, elle a été particulièrement élevée, entre 70 et 72%.
Elections municipales et forales dans la Communauté autonome basque
L’hégémonie du PNV croît dans les trois provinces, il atteint 36,24% des voix, contre 33,13% en 2015. En tête dans les trois députations et les trois capitales, il réalise en Biscaye et à Bilbao des scores exceptionnels, proches de la majorité absolue. Il parvient à Gasteiz à évincer le PP qui dirigeait la ville. Mais son accession au pouvoir négociée avec d’autres formations, s’annonce complexe. En Gipuzkoa, le PNV dépasse le score historique qu’il réalisa en 1983, avant sa scission avec EA. Il triomphe dans la capitale Donostia. Arrivé premier à Zarautz, Beasain, Elgoibar, Azkoitia, Hondarribia, Tolosa et Arrasate, le PNV qui se dit ouvert au dialogue tous azimuts, gouvernera la plupart du temps en alliance avec les socialistes, son partenaire traditionnel. Le PNV dirigera députations, capitales, villes importantes et gouvernement de Gasteiz, il est le maître de la CAV. L’époque où il devait composer avec le PP, le PSOE ou EH Bildu, en fonction des provinces et des scrutins, est révolue. La stabilité des alliances du PNV et ses capacités de gestion, payent et sont reconnues par l’électorat.
EH Bildu progresse légèrement : de 23,39% il y a quatre ans, il atteint aujourd’hui 24,79%. Son fief demeure le Gipuzkoa. Sur les 88 municipalités de la province, il est en tête dans 49 d’entre elles, en particulier à Pasaia qui était aux mains des socialistes et à Bergara, Ordizia, Tolosa, Azpeitia, Villabona, Zestoa, Orio, Lezo, hier dirigées par un maire PNV. Mais dans la plupart des cas, il devra bâtir des majorités avec des partenaires.
Le PSOE gagne deux points (16,1%) et se maintient dans ses bastions habituels (Irun, Eibar, Zumarraga, rive gauche du Nervion). Podemos et le PP demeurent faibles (7,32% et 5,87%), hormis pour ce dernier en Araba où il conserve quelques municipalités et huit députés foraux.
La chute du PP est particulièrement spectaculaire à Gasteiz : en tête en 2015 avec 9 conseillers, il rétrocède au soir du 26 en quatrième position (5 élus). Vox et Ciudadanos sont inexistants, ils n’ont aucun élu municipal ou foral en Hegoalde, le second est seulement présent sur la liste Na+ en Navarre.
Elections municipales et autonomiques en Navarre
Trois partis de droite, le PP, les régionalistes UPN et Ciudadanos ont fait alliance et se présentaient sous l’étiquette NA+, dans le but affiché d’évincer les abertzale d’un pouvoir qu’ils avaient perdu il y a quatre ans. NA+ arrive largement en tête avec 36,52% des voix et 19 députés, sur les 50 que comporte le parlement de la Communauté forale de Navarre. Le PSOE reprend du poil de la bête après la grave crise qui l’avait agité il y a quelques années : son soutien à la droite en 2011 puis l’irruption de Podemos dans la paysage politique avaient entraîné son effondrement, en 2015, son électorat avait fondu de 40%. Dans le sillage de “l’effet Sanchez”, le PSOE parvient à rassembler 20,60% des voix (11 députés), contre 13,37% en 2015 (7 élus). Les socialistes détiendraient la clef du pouvoir en Navarre. Geroa bai dirigeait la province dans le cadre d’une coalition quadri-partite (EH Bildu, Podemos, Ezkerra et Geroa bai), il avait le soutien d’un PNV très marginal. La formation emmenée par Uxue Barkos arrive en troisième position avec 9 députés et progresse en voix (de 15,83% en 2015 à 17,36% aujourd’hui). Il est suivi par EH Bildu qui maintient lui aussi le nombre de ses élus (8, soit 14,61%) et augmente très légèrement le nombre de ses électeurs. Podemos chute lourdement et arrive en cinquième position. Avec seulement 2 députés, il en perd 5 par rapport à 2015 (de 13,67% à 4,74%). Podemos suit en cela le reflux général de cette formation dans tout l’État espagnol, mais l’effet est ici accru car le PSOE récupère son électorat traditionnel. Enfin, la petite formation de gauche Izquierda-Ezkerra perd elle aussi un élu et n’a plus qu’un seul représentant à la chambre (3%). La capitale Iruñea qui avait pour maire un indépendantiste d’EH Bildu, suit le même scénario. NA+ atteint 40,58% des voix et 13 élus. Tout près de la majorité absolue qui se situe au-delà de 14 conseillers. EH Bildu demeure bien implanté dans les municipalités de la Navarre atlantique (Bera, Lesaka, Baztan).
L’arrivée des abertzale au pouvoir en Navarre avait été la divine surprise de 2015, mais elle aura été de courte durée. Elle était liée à une conjoncture particulière. La gestion de la province fut parfois difficile avec des épisodes qui ont parfois déçu certains abertzale, mais surtout elle succombe face à une droite espagnoliste qui a su faire taire ses dissensions pour arriver à ses fins. La Navarre est la seule communauté autonome de l’État espagnol où la droite est en tête, alors qu’elle s’écroule partout ailleurs. Mais NA+ n’est pas encore au pouvoir, il lui faut trouver un allié. Les socialistes comptent bien l’en empêcher, mais l’opération semble très complexe. La Navarre risque d’être ingouvernable, une dissolution et des élections anticipées ne sont pas à exclure. Le succès de la droite espagnole violemment anti-basque et son retour aux affaires grâce à sa démarche unitaire, devrait faire réfléchir les formations abertzale où la logique des partis prend le pas sur l’intérêt national.
Aux élections municipales et forales,
l’hégémonie du PNV croit dans les trois provinces.
EH Bildu progresse légèrement.
Son fief demeure le Gipuzkoa.
Ce scrutin européen a lieu dans une circonscription unique,
celle de l’Etat-nation.
D’où la nécessité de trouver des partenaires
si les minorités nationales veulent obtenir
une représentation au parlement européen.
En Catalogne
Le parti indépendantiste ERC effectue un énorme bond en avant dans les municipalités du pays : de 8,59% en 2015 (267.657 voix), il passe à 23,48% (819.845 voix). De quoi donner un peu de baume au coeur de ses députés incarcérés, en particulier l’ex-viceprésident du gouvernement Oriol Junqueras. La montée en puissance d’ERC se fait en partie au détriment de JxCat, la formation de Carles Puigdemont. De 21,17% (659.891 suffrages) en 2015, elle totalise aujourd’hui 15,39% des voix (537.463). Les socialistes stoppent leur hémorragie et progressent : 14,33% il y a quatre ans, 21,92% en 2019. A gauche, Podemos et sa version locale progresse, de 5,67% à 9,24%. Ciudadanos améliore très légèrement son score et le PP déjà marginal, chute encore (de 4,74% à 3,10%).
La mise en scène éhontée du procès stalinien dont les dirigeants indépendantistes ont été les jouets, a certainement joué en faveur de la mobilisation de l’électorat catalaniste et de son virage du côté du parti indépendantiste historique. La veille du scrutin, l’Espagne avait fait sortir de prison les quatre députés catalans pour assister à la séance d’ouverture du parlement espagnol. Leur présence sera de courte durée. Les magistrats ont décidé qu’ils seraient tous suspendus. Autre humiliation insupportable, la nécessité pour les députés indépendantistes de jurer le respect de la Constitution espagnole qui précisément les emprisonne. Ils ont dû se prêter à cette palinodie éhontée, mais en langue catalane et en rappelant le mandat de leurs électeurs en faveur de la république et de l’autodétermination. Le tout sous le chahut organisé par les députés espagnols soucieux de couvrir leurs déclarations en les rendant inaudibles.
Tous les yeux étaient rivés sur Barcelone, dirigée par la leader de Podemos Ada Colau. Finalement, la ville a fait arriver en tête le candidat d’ERC, Ernest Maragall. Il totalise 10 élus sur 41 et 21,35% des voix. Ada Colau obtient le même nombre d’élus et 20,71% des suffrages. Le PSOE arrive en troisième position avec 8 conseillers, suivi de Manuel Valls (6 élus). Il obtient un élu de plus que Ciudadanos qui le soutenait. Le PP et ses 2 conseillers municipaux sont en queue de peloton. L’ancien premier ministre français qui se voyait déjà maire de Barcelone, reçoit une claque monumentale. Il avait axé sa campagne sur l’indivisibilité de l’Espagne et un nationalisme pur et dur, parés des vertus de l’ouverture sur l’Europe, le monde et du rejet de nouvelles frontières.
Elections européennes
Ce scrutin a lieu dans une circonscription unique, celle de l’Etat-nation. D’où une difficulté supplémentaire pour les minorités nationales du royaume, la nécessité de trouver des partenaires si elles veulent obtenir une représentation au parlement européen. Le PNV a dû renoncer à faire liste commune avec son allié traditionnel JxCat (ex-CiU), dirigé aujourd’hui par Carles Puigdemont. L’évolution indépendantiste de cette formation rendait impossible une alliance même de façade.
Le PNV est plus que jamais sur une ligne autonomiste, de négociation et d’alliance avec le PSOE qui lui doit son accession au pouvoir en Espagne. Le Parti nationaliste basque a donc constitué la liste CEUS (Coalition pour une Europe solidaire), avec des petits partis canariens, galiciens, valenciens, des Iles Baléares, Atarrabia et Geroa bai. Sa tête de liste et député sortante, Izaskun Bilbao, a été réélue.
Carles Puigdemont a bâti la liste Lliures per Europa rassemblant plusieurs partis catalans. Elle comprend des dirigeants exilés, ainsi que le chanteur basque Gorka Knörr qui vit en Catalogne. Le 2 mai, Lliures per Europa a obtenu un peu plus d’un million de voix dans l’État espagnol et deux élus, dont Carles Puigdemont. Il totalise 28,5% des suffrages en Catalogne(1), devant la liste promue par ERC. Un beau soutien adressé par les Catalans à leurs dirigeants exilés.
Des Républiques maintenant décliné en plusieurs langues, tel est le nom de la liste emmenée par le député ERC incarcéré Oriol Junqueras. Elle rassemble des candidats basques d’EH Bildu, du BNG galicien, des Asturiens, Canariens. Baléares, Aragonais, Valenciens. Avec 21,2% des voix en Catalogne et 1.257.464 voix (5,61%) dans l’Etat, cette liste enverra trois députés à Strasbourg, dont le Basque Pernando Barrena. L’Espagne fera tout pour empêcher les députés catalans en exil ou incarcérés de siéger. L’attitude du parlement européen si décevant à l’égard de l’indépendantisme catalan et pourtant tellement pro-européen, est très attendue.
(1) Curiosité de ce scrutin, 5054 électeurs de la Communauté autonome basque ont voté pour la liste de Carles Puigdemont.