Par 247 pour et 76 contre, l’Assemblée nationale a voté le 8 avril dernier la loi dite “Molac”, ouvrant d’une manière non-expérimentale l’enseignement immersif des langues régionales et la création d’un forfait scolaire pour les écoles privées dispensant une scolarisation en langues régionales. Pour le député du Morbihan Paul Molac, ce vote a “marqué un tournant”. Malgré le recours de dernière minute, porté devant le Conseil constitutionnel par une soixante de députés de la majorité, l’artisan de cette loi reste confiant et estime dans Enbata que “la portée de ce vote ne se mesure pas seulement au regard des avancées pour nos langues” et qu’il “a permis de montrer que le clan jacobin était en réalité réduit à la portion congrue au sein des parlementaires.”
Quels sont les points forts de ce texte de loi ?
Il y en a plusieurs ! Je me réjouis notamment que l’on ait pu dès la première lecture à l’Assemblée en février 2020 faire voter des dispositions qui avaient été rejetées lors de la commission. Notamment l’article premier qui permet de donner une déclinaison législative à l’article 75-1 de la Constitution et qui inscrit désormais à l’article 1er du Code du patrimoine que l’Etat et les collectivités territoriales concourent à l’enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues. J’ajoute que l’ensemble des initiatives en matière de signalétique bilingue dans les services publics est désormais protégée par la loi, ce qui garantit une meilleure sécurité juridique en la matière. Les signes diacritiques en langue régionale à l’état-civil sont désormais reconnus. Mais surtout, la victoire la plus dure à obtenir est bien celle qui concerne les articles relatifs à l’éducation, comme la reconnaissance de l’enseignement par immersion, et donc la possibilité de l’exercer à l’école publique sans être restreint au stade des expérimentations. Je pense également à la question du forfait scolaire en faveur des écoles associatives, qui a fait couler beaucoup d’encre et a été adopté de justesse.
On a entendu à maintes reprises
l’idée que la France était riche de sa diversité,
et qu’il était temps qu’elle se réconcilie avec ses territoires.
Le débat à l’Assemblée a montré des jeux politiques plus ou moins prévisibles. Quels enseignements en tirer ?
Les débats ont été intenses et passionnés. La plupart des parlementaires de la majorité ont choisi de se détourner de la position exprimée par le Ministre Blanquer, symbolisant l’uniformité et la verticalité à la Française. Au contraire, on a entendu à maintes reprises l’idée que la France était riche de sa diversité, et qu’il était temps qu’elle se réconcilie avec ses territoires. Que les habitants qui s’y trouvent devaient et pouvaient nécessairement s’exprimer dans leur langue et renouer avec la transmission de notre patrimoine culturel immatériel. Je pense que cette journée du 8 avril a marqué un tournant. Il y aura un avant et un après, car les digues ont sauté. La portée de ce vote ne se mesure pas seulement au regard des avancées pour nos langues, mais il a permis de montrer que le clan jacobin était en réalité réduit à la portion congrue au sein des parlementaires. Cela nous laisse plus d’espoir à l’avenir notamment quand les questions relatives à la différenciation ou la décentralisation vont arriver sur la table. Et je n’ose imaginer désormais que les candidats à la prochaine élection présidentielle relèguent ces thématique à la fin de leur programme.
La portée de ce vote ne se mesure pas seulement
au regard des avancées pour nos langues,
mais il a permis de montrer que le clan jacobin
était en réalité réduit à la portion congrue au sein des parlementaires.
Au terme du délai disponible, une soixantaine de députés a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. En quoi consiste-t-il ?
C’est bien difficile à dire. En ce moment, ce recours n’a toujours pas été publié par les auteurs, et l’on se demande bien pourquoi. On ne sait même pas officiellement qui sont l’ensemble des signataires car la liste n’est pas dévoilée. Ce qu’ils ont confirmé, c’est que le recours porte uniquement sur l’article relatif au forfait scolaire. Je reste assez serein à ce sujet car le Conseil constitutionnel, qui a la faculté de s’autosaisir de toute disposition du texte et n’est pas restreint au périmètre de la saisine, ne le fait en réalité que rarement. De plus, il a déjà rendu une décision en 2009, à propos de la loi Carle, sur le sujet du financement des écoles privées par les collectivités et il n’avait à cette époque rien trouvé à y redire. Je ne vois pas à ce jour comment il pourrait changer de jurisprudence en la matière.
Je ne vois pas à ce jour
comment le Conseil constitutionnel
pourrait changer de jurisprudence en la matière.
Donnons le nom d’une Ikastola à cet homme, il le mérite bien !!
Euskara, jalgi hadi mundurat