Si l’argument financier ne peut tenir pour expliquer la réforme des retraites, une volonté de partage des richesses et de partage du travail permettrait en revanche d’équilibrer le système en augmentant par exemple les cotisations patronales, en réduisant le temps de travail, en accédant à une vraie parité hommes/femmes. Le rapport actifs/retraités a été divisé par 2,3. Mais dans le même temps, le PIB par habitant a été multiplié par 3,4. Il n’y a donc pas, à ce jour, de problème systémique de financement des retraites.
On sent intuitivement que derrière la réforme des retraites se cache d’énormes enjeux de société. Ceci étant, j’ai tendance à penser qu’un militant abertzale, de gauche, écologiste et féministe ne peut qu’être, a priori, contre cette réforme, tant on ne peut accorder quelconque bénéfice du doute sur son bien fondé à un pouvoir macronniste qui a exonéré les riches de l’ISF et réprimé violemment la révolte des gilets jaunes.
Alors comment se situer un peu objectivement dans ce débat ?
Précisément, en mobilisant les données fondamentales les plus pertinentes, ce qui n’est pas toujours évident…
A ce titre, des statisticien·ne·s de l’INSEE, en lutte contre la réforme, viennent de publier une note très éclairante (Analyse retraites numéro spécial de décembre 2019).
Partage des richesses et du travail
Notons, en premier lieu que l’argument affirmant qu’il n’y a pas assez d’argent ne tient pas. Au niveau démographique, en 1960, il y avait 4 actifs pour 1 retraité. Aujourd’hui, il y a 1,7 actifs pour 1 retraité. Le rapport actifs/retraités a été divisé par 2,3. Mais dans le même temps, le PIB par habitant a été multiplié par 3,4. Il n’y a donc pas, à ce jour, de problème systémique de financement des retraites.
L’avenir dépendra effectivement des choix de société que nous entendons mettre en oeuvre, en particulier en matière de partage des richesses et de partage du travail.
Première piste pour maintenir à flot le système de répartition : tout simplement augmenter les cotisations. En 2019, les allègements généraux de cotisations patronales représentent 52 milliards d’euros, le déficit 2018 des caisses de retraites est de 3,5 milliards d’euros : on voit qu’il y a de la marge !
Deuxième piste : plutôt que d’allonger la durée de travail, faire en sorte que tout le monde puisse travailler. La diminution significative du taux de chômage permettrait, à elle seule, de résorber le déficit des caisses de retraites du fait du supplément de cotisations qu’elle engendrerait.
Enfin, il convient de souligner qu’un autre choix de société assurerait la pérennité du système de retraites par répartition : l’égalité hommes/ femmes.
En effet, pour des postes de qualifications égales, les hommes touchent des salaires en moyenne 10% plus élevés. Cet écart est de 19% entre les métiers dits “masculins” et ceux supposés “féminins”. La revalorisation des salaires des femmes garantissant une stricte égalité entre les hommes et les femmes serait largement suffisante pour combler le déficit des caisses de retraites. A contrario, ce sont les femmes qui risquent de pâtir le plus de la réforme qu’entend mettre en oeuvre le pouvoir macronniste. Plus spécifiquement, le principe affiché par ce dernier selon lequel “un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous”, loin de réduire les inégalités, les perpétuent au contraire.
Ainsi, avec la prise en compte de l’ensemble du parcours professionnel au lieu des 25 dernières années, les personnes qui auront connu des interruptions d’activités, des petits boulots, des périodes de chômage seront particulièrement pénalisées. Or, on sait que les femmes sont beaucoup plus affectées que les hommes par le travail à temps partiel, les contrats précaires, et le chômage.
Ainsi, dans la génération des personnes nées en 1956 (qui ont donc aujourd’hui 63 ans), une femme sur deux a plus de 20% d’années incomplètes au moment de faire valider son droit à la retraite, contre 6% des hommes.
N’en doutons pas, l’année 2020 sera très fortement marquée par les mobilisations contre la réforme des retraites. Au vue des enjeux de sociétés qu’elle sous-tend, il est important que nous, les abertzale, y participions massivement.
L’année 2020 sera aussi celle des élections municipales. Je souhaite bon courage aux candidat-e-s se targuant de bénéficier de l’investiture de La République En Marche. Rien que pour la constitution des listes, il leur faudra être imaginatifs pour convaincre d’éventuelles colistières du bien fondé des politiques du gouvernement qu’ils soutiennent. Sans parler de la prise de contact avec les citoyennes quand la campagne battra son plein…
Urte berri on denei!
Tout à fait d’accord avec cette analyse il faut le dire et le redire l’approche comptable est scandaleuse car fondée sur un déni de réalité économique que macron déguise en soi-disant principe de réalité
Par ailleurs nous sommes de plus en plus nombreux, notamment avec « Nouvel Donne » à militer pour un meilleur partage du travail avec la semaine des 32 h ou de 4 jours, comme levier radical à la baisse systémique du chômage et donc aussi pour la confortation du système de retraite solidaire par répartition…ne lachons rien.
Denis Luthereau