“Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?” Non, avaient répondu à 56,7% les électrices et électeurs de Nouvelle-Calédonie lors du premier référendum d’autodétermination, le 4 novembre 2018.
Dans le cadre des accords de Nouméa, un second référendum se tiendra ce dimanche 4 octobre. 180.640 électeurs, selon des chiffres transmis par le haut-commissariat de la République, sont appelés à répondre à la même question.
Une manière de repasser le plat à chaque victoire du “non”, qui avait été négocié lors des accords de Nouméa, signé en 1998 entre l’État, les indépendantistes du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) et les Caldoches non-indépendantistes.
Seules les personnes inscrites sur la liste électorale spéciale pour la consultation peuvent prendre part au vote et doivent, notamment, justifier d’une résidence continue en Nouvelle-Calédonie depuis au moins le 31 décembre 1994, être natif de l’archipel ou relever du statut civil coutumier kanak. En cas de nouvelle victoire du “non” ce 4 octobre, un troisième référendum peut être organisé d’ici 2022.
L’enjeu pour les partisans de l’indépendance est de mobiliser les abstentionnistes. Le référendum de 2018 avait compté 33.000 abstentionnistes notamment dans les communes indépendantistes où le taux d’abstention était le plus élevé. La campagne électorale a donc notamment porté sur cette réserve de voix possible. L’organisation du scrutin est placée sous l’autorité d’une commission de contrôle, présidée par le conseiller d’Etat, Francis Lamy qui promet de déployer des délégués dans chacun des 241 lieux de vote et des 304 bureaux. Un groupe de 12 experts de l’ONU est également sur place “pour suivre le déroulement du processus”. La Nouvelle-Calédonie étant l’un des rares territoires sans Covid-19 de la planète —26 cas déclarés dont aucun local— toutes les personnes arrivées de l’extérieur sont placées en quatorzaine dans des hôtels dédiés.
Campagne à l’aveugle
Concerts, pique-niques, réunions de proximité, meetings, sur le terrain, la campagne se déroule sans incident et dans une ambiance bon enfant. Sur le terrain politique en revanche, le climat est plus tendu. Le FLNKS a notamment reproché à l’Etat de “ne plus être impartial” après avoir autorisé l’utilisation du drapeau bleu-blanc-rouge, en dérogation au code électoral, durant la campagne officielle et celle de la Marseillaise dans les clips télévisuels.
La campagne se déroule sans incident et dans une ambiance bon enfant. Sur le terrain politique en revanche, le climat est plus tendu. Le FLNKS a notamment reproché à l’Etat de “ne plus être impartial” après avoir autorisé l’utilisation du drapeau bleu-blanc-rouge, en dérogation au code électoral, durant la campagne officielle et celle de la Marseillaise.
La campagne se déroule également “à l’aveugle”. Contrairement à 2018 il n’y a eu lors de cette campagne qu’un seul sondage, publié en mars dernier et qui confirmait les tendances du résultat de 2018. Cette absence de sondages s’explique par le rôle démobilisateur qu’ils auraient eu en 2018 auprès des électeurs du camp loyaliste qui se voyaient très largement vainqueurs et ont été déçus par le caractère modeste de leur victoire.
Les forces en puissance
Ce camp loyaliste est constitué par la coalition de droite “Les Loyalistes” emmenée par Sonia Backès, la présidente (LR) de la province Sud, et qui rassemble plusieurs partis anti-indépendantistes dont le Rassemblement National. L’autre acteur du camp loyaliste est le parti centriste Calédonie Ensemble dirigé par Philippe Gomès. Chez les indépendantistes, on trouve comme il y a deux ans l’UNI, l’UCFLNKS et nationalistes, mais également le Parti travailliste qui avait choisi de boycotter le référendum il y a deux ans.
Dans le détail, les deux camps ne sont pourtant pas aussi marqués. Il y a d’abord l’ambigüité de l’Eveil Océanien (EO). Créé en mars 2019, pour défendre les intérêts de la communauté wallisienne et futunienne, ce parti a remporté 8,5% des suffrages exprimés dans la province Sud lors des dernières élections provinciales, et se voit bien en faiseur de roi. La formation s’est alliée au FLNKS au Congrès de Nouvelle- Calédonie, permettant à Roch Wamytan, candidat des indépendantistes, d’en être élu président. Dans la province Sud, c’est par contre la formation loyaliste de Sonia Backès qui a été soutenue par EO et la formation s’est également parfois affichée aux côtés des centristes de Calédonie Ensemble aux municipales. Difficile à situer pour ce référendum, l’Eveil Océanien n’a d’ailleurs pas donné de consigne de vote pour le 4 octobre. Une hésitation que l’on retrouve dans le camp loyaliste ou se distinguent plusieurs nuances de “non”.
Plusieurs nuances de “non”
Dans leur brochure électorale, “Les Loyalistes” affirment défendre les “valeurs calédoniennes, les valeurs humanistes et chrétiennes, le respect des anciens, la protection de l’environnement, le profond attachement à la terre, ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes”. Selon leur projet, “La Nouvelle-Calédonie [serait] reconnue comme un territoire de la République à statut particulier”. Ce statut renforcerait les pouvoirs des trois provinces, au détriment du gouvernement collégial de l’île, et assouplirait les restrictions d’accès au corps électoral au détriment, donc, de la représentation des Kanaks.
Selon le projet des loyalistes, la Nouvelle-Calédonie serait reconnue comme un territoire de la République à statut particulier. Ce statut renforcerait les pouvoirs des trois provinces, au détriment du gouvernement collégial de l’île, et assouplirait les restrictions d’accès au corps électoral au détriment, donc, de la représentation des Kanaks.
Du côté des centristes de Calédonie Ensemble, on défend plutôt “une émancipation au sein de la République française”, en dénonçant les “propos haineux et racistes” de “certains membres du front loyaliste” et l’on affirme ne pas porter “un ‘non’ radical qui rejette l’autre mais plutôt un ‘non’ de respect et de projet”. Ce “non” qui n’est pas un “oui” au projet des loyalistes trouve encore une autre signification pour la formation Dynamique Autochtone, une petite formation kanak qui avait fait campagne pour le “oui” il y a deux ans et se ravise cette fois. “Nous sommes des indépendantistes qui votent ‘non’. Nous ne votons pas contre l’indépendance. Notre ‘non’ n’est pas comme celui de la droite locale, ce ‘non’ de la peur, selon nous. Voter ‘non’, c’est respecter la poignée de main”. Une poignée de main qui s’est invitée dans la campagne, jusque sur les affiches de Calédonie Ensemble, pour rappeler “l’esprit” de la signature des accords de Matignon, menée en 1988 sous l’égide de Michel Rocard, mettant fin aux violences sur les îles.
La loyaliste Sonia Backès rappelle également cette symbolique en estimant que “la démocratie est mise à mal” par le projet indépendantiste, et qu’il faut “revenir à l’esprit de la poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou”, les deux ennemis politiques qui scellèrent les accords de Matignon. Vraisemblablement cette poignée de main reste tout de même sujet à interprétation. Mais c’est loin d’être le seul sujet polémique entre les anti-indépendantistes et les formations kanaks.
La poursuite des transferts de compétences, de l’État français vers le gouvernement calédonien, ou le vote du budget supplémentaire lié à la crise sanitaire et au plan de sauvegarde de l’économie constituent d’autres pommes de discorde. Avec bien sûr, le nerf de la guerre, en l’occurrence le nickel, ressource économique essentielle de l’archipel. Le groupe brésilien Vale a décidé de mettre en vente en février 2020 la mine et l’usine d’affinage de Golo, au sud de Nouméa. En mai, une société australienne avait été retenue au détriment de celle de la Sofinor (une société détenue à 85% par la province Nord, à majorité indépendantiste). Devant les protestations des indépendantistes et des écologistes, qui dénonçaient une opération boursière, la société australienne s’est finalement retirée. Le dossier divise le camp loyaliste, la présidente de la province Sud, Sonia Backès, n’hésitant pas à dénoncer “une entreprise de déstabilisation de la Nouvelle-Calédonie menée par Calédonie ensemble et les indépendantistes”. Manquerait plus que les Kanaks exploitent aujourd’hui leurs ressources naturelles.