Dans son numéro du 26 août 2021, le journal Sud-Ouest publie une interview d’Emmanuelle Wargon, ministre du logement et invitée des Entretiens d’Intxauseta, sur la problématique de l’habitat dans les zones tendues, comme Iparralde (1). Pour l’association Alda, qui défend les habitants des milieux et quartiers populaires du Pays Basque, elle y défend une stratégie clairement anti-sociale et les positions qu’elle défend vont aggraver la crise du logement qui frappe durement les territoires comme le nôtre. La mobilisation citoyenne est plus que jamais d’actualité avec notamment la grande manifestation unitaire du samedi 20 novembre à Bayonne, pour le droit au logement accessible pour toutes et tous.
La ministre a tout faux sur la crise du logement au Pays Basque !
Dès sa première réponse madame la ministre répète le postulat éculé que “la première chose à faire, c’est de construire plus pour rendre le marché du logement plus abordable.” Non, madame la ministre, en Pays Basque, construire plus n’a jamais permis de faire baisser les loyers, au contraire. Le Pays Basque n’est pas un territoire avec un déséquilibre ponctuel de l’offre et de la demande, c’est un territoire dont la très forte attractivité doit se lire sur le temps long. Construire plus sans système de régulation, comme cela a été fait dans les années 80, 90, 2000 ou 2010 ne résoudra pas la crise. Au contraire, on le constate aisément aujourd’hui, ce sont les constructions neuves dont les loyers sont les plus élevés, inaccessibles aux habitants du territoire.
24 communes du Pays basque bénéficient d’un encadrement des loyers à la relocation, c’est à dire l’interdiction d’augmenter le loyer lors d’un changement de locataire, mais les constructions neuves ne sont pas soumises à cet encadrement et sont souvent 20 à 30% au dessus du prix du marché, tandis que les locations les plus anciennes disparaissent en devenant des meublés touristiques ou des résidences secondaires (environ 600 résidences secondaires supplémentaires se créent chaque année en Pays basque par l’achat de logements existants). Les logements neufs plus chers remplacent peu à peu les locations abordables existantes. C’est pourquoi, pour Alda, la réponse de madame la ministre sur l’éligibilité du Pays basque à l’encadrement “renforcé” des loyers, permettant un plafonnement des loyers des nouvelles constructions n’est pas acceptable. “Permettre à l’expérimentation de durer suffisamment longtemps et de décider à l’issue s’il faut ou non ouvrir les critères ou généraliser” revient à refuser ce dispositif pour ce territoire pendant au moins 8 ans (2). Le Pays basque ne peut se permettre d’attendre 8 ans. Au contraire, le passage en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale de la loi 3Ds à l’automne est l’occasion d’élargir dès maintenant les critères de cette expérimentation et de commencer, dès aujourd’hui, à plafonner les loyers ici également.
Pour la ministre, le droit d’avoir 2 logements passe avant celui d’en avoir un !
L’autre problème de l’augmentation du prix du foncier et des loyers est la très forte concurrence des meublés touristiques et des résidences secondaires qui créent l’inflation et diminuent le nombre d’offres accessibles à l’année. Alda ne peut que se réjouir de voir la ministre acter la prochaine mise en place locale de procédure de compensation (3) que l’association a plaidée au niveau de la CAPB. Par contre et sur la question des résidences secondaires, le refus de la ministre d’envisager une réforme des droits de mutations (qui obligerait un acquéreur à payer au final plus cher s’il destine son achat à être une résidence secondaire plutôt qu’une résidence principale) est tout simplement déplorable. Opposer un tel refus à la mesure la plus facilement et immédiatement applicable pour freiner la prolifération des résidences secondaires revient à dire que ce gouvernement ne compte rien faire contre ce véritable fléau. Sans mesure forte sur cette question, les promesses de plus-value à la vente l’emporteront toujours sur le “civisme” des propriétaires.
Une ligne clairement anti-sociale
Sur le logement social, enfin, Alda tient à en rappeler l’urgence. Quantitativement, le nombre de logements sociaux sur le territoire est beaucoup trop faible par rapport aux besoins de la population. Une demande sur 6,5 aboutit à ce jour et de très nombreuses familles restent sans solution. Le détricotage de la loi SRU par la loi 3Ds, qui veut assouplir les obligations des communes sur cette question est un très mauvais signal qui leur est envoyé. Il est peu probable que celles qui n’ont pas atteint leur quota alors qu’elles y étaient contraintes, le fassent maintenant si elles n’y sont qu’incitées. Qualitativement une grande partie du parc de logement social du Pays basque est vétuste. Alda est confronté au quotidien aux problèmes d’isolation, de dégradation, d’humidité ou de moisissures dans certains quartiers. Plus que d’effets d’annonces, le logement social a besoin de moyens supplémentaires conséquents pour se développer mais également pour assurer l’entretien et la rénovation du parc existant. L’Etat doit se donner les moyens de rattraper le retard pris ces dernières années. Les déclarations de la ministre concernant la baisse des APL et ses conséquences sur les bailleurs sociaux ne laissent hélas rien envisager de bon dans ce domaine.
Manifestation le samedi 20 novembre
Bref, la ligne du gouvernement en matière de logement est-on ne peut plus claire : rien ne sera fait de son côté pour le rendre plus accessible aux secteurs les moins riches de la population et pour résoudre la crise sans précédent affectant les territoires comme le nôtre dans ce domaine. Plus que jamais la mobilisation citoyenne la plus massive et déterminée possible est indispensable pour faire bouger les choses dans le bon sens. Alda donne rendez-vous à la population le samedi 20 novembre à Bayonne pour la grande manifestation unitaire pour le droit au logement accessible pour toutes et tous !
(1) Article accessible à l’adresse : https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/entretiens-d-inxauseta-il-faut-favoriser-les-proprietaires-qui-ont-la-demarche-civique-de-louer-a-des-loyers-abordables-5384652.php
(2) Durée de l’expérimentation en cours proposée par la loi 3Ds
(3) Obligation pour un propriétaire qui souhaite convertir un logement en meublé de tourisme de produire également un logement qui sera mis à la location à l’année.