Désolant ! Les vociférations des forces hostiles au mariage des homosexuel(le)s, à l’égalité des femmes et des hommes, à la PMA* ont fini, contre toute attente, par avoir raison de la loi Famille. Ce lundi 3 février, au lendemain d’une énième Manif pour tous, J-M Ayrault a en effet annoncé le report de la loi, si ce n’est le retrait définitif. Il a ainsi, de manière calamiteuse, offert une victoire à ceux qui placent leurs convictions religieuses au dessus des lois de la République.
Le gouvernement qui promettait de défendre «toutes les familles» vient de fait de donner raison aux partisans d’un modèle familial unique et exclusif. Mais de quoi a-t-il eu peur ? Des accusations de «familiphobie» des manifestants ? Des campagnes de désinformation des lobbies religieux et extrémistes ? Du contexte d’ «hystérisation» du débat ? Ou de la perspective d’autres défilés à l’approche des élections municipales et européennes ?
Outre que c’est une humiliation pour la Ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti qui préparait ce texte de longue date, c’est surtout une fin de non recevoir pour de nombreuses familles, notamment recomposées, qui espéraient des réformes. Exit donc les évolutions attendues, comme le statut du tiers ou la facilitation à «l’accès aux origines» aux adoptés, nés sous X ou d’un don de gamètes.
Le projet de loi qui, faut-il le rappeler, n’intégrait nullement l’ouverture de la PMA comme le clamaient pourtant ses détracteurs, avait au moins le mérite d’aborder la notion de parentalité sous un nouveau jour, plus conforme aux réalités des familles d’aujourd’hui : celles-ci ne sont en effet plus seulement- et c’est inscrit dans la loi – constituées d’une maman + un papa + un enfant, mais sont bien plus diversifiées monoparentales, recomposées, reconstituées…
Valoriser la parentalité sociale
Une des avancées phares du texte visait notamment à reconnaître le rôle du tiers-parent, avec l’ouverture de nouveaux droits au beau-parent dans les familles recomposées et adoptantes. En confortant le statut des personnes qui «font famille» au sens large, cette mesure devait permettre de valoriser la parentalité sociale, qui met en avant le projet parental, porteur de la vie de l’enfant, et non le lien biologique.
Avec ce revirement, le gouvernement donne l’impression d’abandonner en rase campagne un chantier auquel le candidat Hollande avait pourtant promis de s’attaquer.
Reste aussi la question de la PMA que l’on avait déjà en son temps retiré de la loi mariage avec la promesse de son intégration dans la loi famille à venir ; promesse repoussée par la suite par le Président de la République avec une saisine surprise du Conseil Consultatif National d’Ethique, qui ne cesse à son tour de repousser ses travaux sur le sujet…
La question de la PMA semble être devenue totalement taboue !
Et le gouvernement donne une nouvelle fois le sentiment de conforter les plus obscurantistes de notre société qui, évidemment, triomphent. Et pourtant, disons le clairement, la question de la PMA mérite réflexion et décision car elle touche à une valeur essentielle de la République : l’Egalité. En effet les couples lesbiens peuvent désormais se marier mais ne peuvent pourtant pas bénéficier, à l’exemple des couples hétérosexuels, de l’accès à la PMA. Une telle situation interpelle et de nombreuses voix réclament une égalité de traitement pour tous les couples.
Ainsi donc, à défaut d’avancées législatives, les couples lesbiens se voient contraints de continuer à aller dans d’autre pays comme l’Espagne pour bénéficier, moyennant finances, de la PMA. Ces femmes doivent aussi, et cela beaucoup ne le savent pas, continuer à prendre des risques de santé en raison des traitements hormonaux différents entre la France et les pays dans lesquels elles se rendent.
Refuser d’être trompé par le chant des sirènes
Et pourtant, en des temps pas très lointains de campagne électorale, le Président de la République, alors candidat, avait déclaré, dans le magazine «Têtu», être en faveur de la PMA. pour les couples lesbiens. Comment comprendre qu’aujourd’hui le même cède aux thèses alarmistes et rétrogrades des tenants d’un modèle familial unique et qui nourrissant le débat de peurs et des rumeurs, rejettent d’abord et surtout ceux qui ne s’y conforment pas ?
Faut-il rappeler à nos gouvernants que c’est bien en refusant d’être trompé par le chant des sirènes qu’Ulysse a pu échapper aux récifs les plus meurtriers et qu’il a fini par retrouver… sa propre famille !
Mais sans attendre les fruits imprévisibles d’un tel rappel, il revient aux forces progressistes, qui luttent pour l’égalité des droits entre tous les enfants, entre les citoyens et citoyennes, entre les différentes formes de famille, de se mobiliser.
A son modeste niveau, l’association des Bascos a décidé, de saisir les parlementaires du Pays basque pour leur demander de travailler dans les meilleurs délais avec leurs collègues à la rédaction d’une proposition de loi intégrant la PMA. Un premier retour positif a déjà été enregistré.
C’est ce même message de sursaut que l’association transmettra, de vive voix, à la Garde des sceaux, Christiane Taubira, qui sera bientôt en terres basques.
Pour convaincre, nous aurons la patience de Pénélope; à nos gouvernants d’avoir le courage d’Ulysse !
* Procréation Médicalement Assistée