Xabi Larralde ne sous-estime pas le rôle prépondérant que joue l’Europe dans la gestion de notre quotidien. Mais il ne voit dans le parlement de Strasbourg que faiblesse et effacement. Il est tenté par l’abstention.
La construction d’une fédération européenne est en soi une idée louable à laquelle j’adhère personnellement. Mais dès le départ, l’architecture libérale de l’Europe actuelle a situé le processus européen dans une trajectoire anti-démocratique. En particulier, en instituant une Banque Centrale Européenne (BCE) totalement indépendante du pouvoir politique, le traité de Maastricht a confisqué à la délibération politique un élément fondamental du pouvoir économique : la politique monétaire. On en est arrivé ainsi au fonctionnement caricatural de l’euro. La BCE a interdiction de financer les déficits publics.
Graves déséquilibres
De ce fait, nos sociétés ploient sous la charge de dettes publiques octroyées en bonne partie par des banques qui, elles, bénéficient d’une ouverture à plein (et à pas cher) des vannes du crédit de la part… de la BCE. Et tout cela sous la houlette d’un président de la BCE (Mario Draghi), qui est un ancien dirigeant de Goldman Sachs, la même banque américaine qui a initié les premières opérations de spéculation contre les dettes souveraines en Europe en 2009 : on croit rêver !
Par ailleurs, au lieu de permettre une convergence des économies, l’euro a généré de graves déséquilibres. Le passage à l’euro a fait sauter les barrières que constituent des monnaies différentes entre pays et du fait de la constitution d’un grand marché intérieur européen, ceux qui avaient un avantage industriel initial ont renforcé leurs positions en bénéficiant des effets de taille et d’agglomération. Ainsi, la zone euro est aujourd’hui scindée en deux. Au nord, les pays qui ont vu leur base industrielle se renforcer : Allemagne, Pays- Bas, Belgique, Autriche, Finlande. Et au Sud, les pays qui ont subi un processus de désindustrialisation : la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, mais aussi la France.
Les niveaux de désindustrialisation des pays du sud de la zone euro sont tels qu’il faudrait une politique industrielle volontariste de plusieurs années pour y remédier. Dans cette situation, le devenir de la zone euro tient au fait que les pays du nord acceptent des transferts financiers vers les pays du sud, c’est à dire l’évolution vers un modèle fédéral instituant un pouvoir budgétaire (et donc politique) européen.
Démocratie foulée aux pieds
Malheureusement, une double donne s’impose à nous. D’une part, l’Europe fédérale ne se fera pas, car les pays du nord comme l’Allemagne ne sont pas disposés à accepter des politiques de transferts budgétaires.
Et d’autre part, l’Europe politique recule sous les coups de boutoirs anti-démocratiques. En la matière on peut citer deux précédents particulièrement marquants.
L’Europe fédérale ne se fera pas,
car les pays du nord comme l’Allemagne
ne sont pas disposés à accepter
des politiques de transferts budgétaires.
Le non au référendum sur le projet de “constitution” européenne de 2005 en France, contourné par la signature du traité de Lisbonne en 2007. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de 2012, qui érige la “règle d’or” de l’équilibre budgétaire en norme, et oblige les Etats ayant des déficits publics dépassant les 3% du PIB à se soumettre à des programmes de “restructuration”: marché du travail, retraites, réductions des budgets sociaux, de santé et d’éducation, privatisations. Ainsi, la volonté populaire démocratiquement exprimée est foulée au pied et les peuples dépossédés de leur souveraineté budgétaire, non au profit d’un pouvoir politique à l’échelle européenne, mais d’un quarteron de technocrates à la solde du monde financier et des multinationales. Dans ces conditions, comment veut-on que les populations s’identifient au projet européen?
L’Europe libérale a tué l’Europe politique. Face à ce constat dramatique, le Parlement européen ne pèse pas grand-chose, car il a très peu d’incidence dans les délibérations européennes. Malgré tout, en tant qu’abertzale, on peut considérer qu’il est fondamental que la réalité d’Euskal Herria soit représentée dans les débats européens, surtout dans la phase actuelle de résolution du conflit. Mais on peut comprendre la désaffection des citoyen(ne)s pour ces élections et l’envie de rester à la maison qui les taraude.
Nous sommes ici conscients de ce que tu évoque. Pas besoin d’un sermon.
Mais au final, tu voteras toi pour ceux qui aideront les habitants d’Euskal Herri comme J. Bové ou par ton abstention, tu votes MAM, ou pire ?