Face au rouleau compresseur uniformisateur du pouvoir français, le Pays Basque Nord a su faire preuve de volonté et d’intelligence pour se forger des outils nécessaires à la sauvegarde de son identité, de sa langue et au développement de son économie. Ikastola, AEK, radios, Herrikoa, Ehlg en témoignent. Et le dernier né, l’eusko, aussi.
Quand je dépense un euro, je ne sais pas ce qu’il devient… Même quand je décide de ne pas le dépenser n’importe où, ni n’importe comment, en choisissant, pour toutes les bonnes raisons qui m’appartiennent, la personne ou la structure auprès de qui je fais mes achats, en choisissant le type de produit que je veux acquérir, même dans ce cas, je ne sais pas ce que devient mon euro. Car, si la personne à qui j’ai donné mon euro va en tirer une partie de son revenu, ce qui me convient tout à fait puisque j’ai fait le choix de lui acheter un produit, je ne sais toujours pas ce que deviendra à terme mon euro qui, c’est le but de la monnaie, circulera de mains en mains, jusque dans des mains qui auront une stratégie et un objectif à l’opposé des miens, et certainement aussi de celui à qui j’avais donné mon euro lors de mon achat initial.
Contre-pouvoir
Une monnaie n’est pas neutre dans le fonctionnement de l’économie. Moi qui suis attaché, par exemple, à une économie qui favorise le bien être individuel et collectif, à une agriculture paysanne qui respecte la nature et le consommateur, à un développement harmonieux du Pays Basque, je peux, à l’instar de ce que je décrivais plus haut, voir les euros que je dépense, tomber à un moment donné dans l’escarcelle de telle firme agroalimentaire qui dépense son budget dans la mise au point des cultures transgéniques, ou de telle banque qui finance le développement des agro-carburants, ou, tout simplement, de telle antenne présente au Pays Basque et qui appartient à un grand groupe dont les centres de décisions sont extérieurs au pays et dont la finalité des résultats financiers est de rémunérer au maximum les actionnaires. Finalement, alors que je pourrais avoir prise sur une partie de l’argent que je dépense, celui-ci peut quitter le pays pour aller alimenter des stratégies qui tuent mon pays ou/et qui vont à l’encontre du type de développement que je souhaite globalement. Face à ce phénomène largement dominant dans le monde de la finance, l’une des formes de résistance et de contre-pouvoir, à ma portée, est la monnaie locale.
L’esprit qui anime
nos démarches collectives agricoles
est le même que celui qui anime l’eusko.
Par exemple, une AOC,
ou herriko haragia ou herriko ogia,
c’est la même cohérence
que l’eusko qui n’est autre
que le herriko moneta.
L’eusko ne peut être utilisé qu’ici : c’est donc, d’abord, un outil de relocalisation de l’économie, de la valeur ajoutée et de l’emploi. Il se définit comme la monnaie locale basque, écologique et solidaire. Parce que le Pays Basque n’est pas une mine qu’on exploite tant que son image de qualité produit du jus à force d’être pressé, parce que le Pays Basque ne peut rendre que ce qu’on lui donne, l’adhésion à l’eusko est conditionnée à un minimum de pratiques existantes et à des engagements en direction de la relocalisation de l’économie, du respect de l’environnement et du développement de l’euskara. Toutes les personnes et toutes les structures du Pays Basque qui sont impliquées à un titre ou à un autre, sur le terrain social, économique, culturel, dans la construction d’un territoire vivant et solidaire, devraient logiquement adhérer à l’eusko et lui donner de l’ampleur. Plus nous serons nombreux à utiliser l’eusko, et plus il nous sera facile de trouver, dans le réseau, la possibilité d’écouler les eusko. Déjà aujourd’hui, les possibilités sont au-delà de ce que la plupart de chacun d’entre nous imagine.
Concernant les questions agricoles, j’ai l’habitude de dire que dans chaque kilo d’aliment que l’agriculture a la charge de produire, il doit y avoir de l’emploi, de la biodiversité, de la valeur ajoutée, de la qualité et de la santé, et que cette agriculture est l’agriculture paysanne multifonctionnelle.
De la même façon, chaque fois qu’il est possible, il faut que dans l’euro qu’on dépense, il y ait de l’emploi local, de la valeur ajoutée, des pratiques vertueuses, de l’euskara, bref un ensemble de réalités qui continueront à alimenter l’image positive de ce Pays. Et cet euro multifonctionnel ne peut être que l’eusko.
L’esprit qui anime nos démarches collectives agricoles est le même que celui qui anime l’eusko. Par exemple, une AOC, ou herriko haragia ou herriko ogia, c’est la même cohérence que l’eusko qui n’est autre que le herriko moneta.
Revendiquer ce qui dépend
d’un pouvoir extérieur est nécessaire,
mais, mettre en pratique
ce qui ne dépend que de nous
est primordial !
Il appartient à chacun d’entre nous de l’expliquer et de convaincre. Ce qui peut freiner à devenir prestataire de l’eusko, c’est la crainte de se retrouver avec des d’eusko sur les bras et d’être obligé de les reconvertir en euros en subissant un prélèvement de 5%.
Pour contribuer à lever cette appréhension, Euskal Herriko Laborantza Ganbara, après discussion avec l’association Euskal moneta, a mis en place un dispositif sur trois ans pour encourager les producteurs fermiers à entrer dans l’eusko.
Ainsi, ceux qui n’arrivent pas à écouler leur eusko peuvent les amener à Laborantza Ganbara qui leur rendra en euros 100% la première année, 98% la seconde année et 97% la troisième année.
A charge pour Laborantza Ganbara, d’écouler ces eusko. Ceci permettra à chacun, dans la période de trois ans, de trouver les réseaux nécessaires pour écouler tous les eusko.
Revendiquer ce qui dépend d’un pouvoir extérieur est nécessaire, mais, mettre en pratique ce qui ne dépend que de nous est primordial !