Un raz-de-marée électoral ou un tremblement de terre politique : les mots manquent pour qualifier l’extraordinaire succès remporté par les nationalistes écossais lors des élections législatives britanniques du 7 mai : 56 députés sur les 59 élus par les circonscriptions écossaises sont désormais des députés du Scottish National Party. Ils n’étaient que six jusqu’à présent. Ils vont former un bloc renforcé par les trois députés du Plaid Cymru, le parti nationaliste gallois, lui aussi membre de l’Alliance Libre Européenne.
La locomotive écossaise tourne à plein régime et elle entraîne derrière elle tous les partis de l’Alliance Libre Européenne, nos quarante partis nationalistes en quête d’autodétermination pour leurs peuples.
Dans une Europe dont le projet « d’unité dans la diversité » est en pleine régression, dominée par des Etats de moins en moins fédéralistes, la force du message envoyé par le peuple écossais va obligatoirement faire bouger les lignes. Car, six mois après le référendum sur l’indépendance du 18 septembre 2014 – 45% de yes, 55% de no- la question écossaise s’impose à nouveau sur la scène britannique comme sur la scène européenne.
Les résultats de l’élection législative ont montré que le vote négatif du référendum de septembre dernier n’avait pas freiné la montée en puissance du sentiment national écossais. La soif de liberté du peuple écossais, si elle a été hésitante il y a six mois, est restée ancrée dans les coeurs. Une dévolution forte au sein du Royaume-Uni avait été promise aux Ecossais et avait finalement convaincu une majorité en faveur du vote non, mais les réformes sont restées bloquées par la classe politique londonienne.
Avec 56 députés SNP à Westminster, ce processus de dévolution va prendre une nouvelle force.
En effet, David Cameron est pris au piège de ses propres promesses, celles faites aux Ecossais et celles de son programme électoral de tenir un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Ce sera un moment clef du débat dans les mois à venir: comment rester unis dans l’ensemble britannique si l’Ecosse veut rester européenne et l’Angleterre en sortir?
Si les options divergent sur ce point entre l’Ecosse et le reste du Royaume-Uni, la question de l’indépendance sera alors à nouveau posée par des Ecossais qui ne voudront pas suivre le vote majoritaire à Londres. Mais, même si elles convergent et que Londres opte pour le statu quo, la question restera posée sur le fond: l’Ecosse ne doit-elle pas être maîtresse de ses choix quand se pose une question aussi fondamentale?
L’autre ligne de force de l’action du SNP en Ecosse a été la priorité donnée aux couches sociales les plus défavorisées. Le contraste entre la politique sociale menée à Edinburgh et celle qui sévit à Londres est la marque de fabrique de la gouvernance d’Alex Salmond dont les options ont encore été renforcées quand Nicola Sturgeon, dès le référendum passé, lui a succédé comme leader du parti et premier ministre écossaise. Droits d’inscription des étudiants, développement des crèches, renforcement de la protection sociale, développement des structures de santé publiques, partout où les compétences de l’autonomie écossaise le permettaient, Alex Salmond a fait le choix d’une Ecosse plus sociale en opposition à une Angleterre plus libérale. Il l’a fait dans les limites du possible en ces temps de crise, sans jamais remettre en cause les équilibres économiques du pays.
Une dévolution forte au sein du Royaume-Uni
avait été promise aux Ecossais
et avait finalement convaincu une majorité en faveur du vote non,
mais les réformes sont restées bloquées
par la classe politique londonienne.
Mais la différence est très sensible avec la dureté du système libéral anglais, et le peuple écossais, à la tradition sociale très ancienne, s’est pleinement reconnu dans ce choix politique. C’est en menant une politique ouverte au plus grand nombre que l’on réussit à rassembler le plus grand nombre: cette lapalissade mérite d’être mieux comprise par tous les partis politiques nationalistes dont la première mission est de rassembler leurs peuples dans un projet national commun.
L’exemple écossais nous inspire et nous enthousiasme. Au tour des Catalans maintenant de prendre le relais: élections plébiscitaires de la prochaine Generalitat le 27 septembre prochain pour réunir une majorité en faveur de la déclaration d’indépendance.
Le peuple corse aussi doit tracer sa route pour son émancipation en Europe. Un rendez- vous important aura lieu en décembre prochain avec l’élection territoriale. Les exemples venus d’Europe doivent nous inspirer nous aussi: union et accords politiques au sein du mouvement national, pragmatisme et efficacité dans la gestion de la chose publique quand des responsabilités nous sont confiées, politique sociale forte en direction des plus défavorisés. Aidons-nous et l’Europe des peuples nous aidera.
Article publié avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire Arritti.