Lieu de mémoire démocratique

Pont Avenida Irun Hendaia.

Au fil des siècles passés, l’ouvrage plus que centenaire a joué un rôle essentiel de part et d’autre de la Bidassoa. Irun et Hendaye lui sont très attachées. L’Etat français y voit plutôt une porte d’entrée pour immigrés, à verrouiller au risque de drames humains à répétition.

Vu du Pont Avenida

La construction du pont Saint-Jacques- Santiago à Irun, aura permis de fluidifier la traversée de la Bidassoa à son embouchure, entre Hendaye et Irun. Efficace, l’ouvrage moderne de béton gris, sans grâce particulière, a été ouvert en 1966, alors que le boum touristique vers l’Espagne battait son plein. Il joue pleinement le rôle qui lui a été imparti, tout comme le pont de Behobia. De même qu’en amont le pont de l’A63, ouvert en 1972, capable d’avaler ses 10.000 camions/ jour. Reste que le pont le plus remarquable d’Irun est bel et bien le pont Avenida, à deux pas de l’embouchure du fleuve…

Inauguré en 1915, l’Avenida deviendra-t-il ce lieu de mémoire démocratique souhaité par la municipalité d’Irun ? José Antonio Santano, maire socialiste de la ville, en a émis le souhait dernièrement en présence du secrétaire d’Etat espagnol à la mémoire démocratique, venu par lui-même juger sur place. Si l’on brandit ce concept de « mémoire démocratique », c’est qu’il se réfère à la loi adoptée en 2021 par le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez.

Ce texte s’inscrivait dans la lignée de la loi dite de mémoire historique que son prédécesseur José Luis Rodriguez Zapatero avait fait adopter en 2007. La loi Zapatero, faut-il le rappeler, n’était pas pour plaire au gouvernement du Parti Populaire puisqu’elle concernait essentiellement la période de la guerre civile et du franquisme. Le dirigeant du PP Mariano Rajoy se permit d’ailleurs de ne même pas lui accorder le moindre crédit en 2013 et 2014, alors qu’il était chef du gouvernement.

Il a tout vu et entendu

L’Avenida côtoie deux voies dont l’une est dévolue au Topo reliant les gares de Hendaye- Irun-Donostia (1912-1913), l’autre l’étant à la ligne de chemin de fer internationale Hendaye-Madrid (1862). L’Avenida (de style moderniste) a la particularité d’arborer une magnifique rambarde métallique ouvragée, couleur bleu layette, réplique de l’originale qui avait été forgée dans les parages.

Fermé à la circulation automobile bien sûr, restauré il y a peu (2,2 millions d’euros de travaux), le pont est ouvert aux piétons mais pas aux deux-roues.Témoin des affres de la guerre d’Espagne, que ce soit l’incendie de la ville d’Irun puis du passage de dizaines de milliers de gens chassés par la guerre en 1936 et cherchant refuge en France, de milliers d’émigrants portugais fuyant la misère et la dictature dans les années 60, sans compter les allées et venues des travailleurs journaliers et aux beaux jours, le spectacle de ces touristes français pressés de s’offrir de belles premières vacances sur les côtes espagnoles. Il aura tout vu et entendu du haut de sa rambarde. Y compris goûté une ouverture salutaire de part et d’autre, un besoin de nouveauté et un vent venu d’ailleurs.

Bouclé côté français

Le paradoxe à ce jour, est que si l’Avenida est accessible côté Irun, il ne l’est plus côté Hendaye. Du moins pour le moment. Bouclé à l’aide de barrières métalliques. L’objectif français est clair : réduire les possibilités de franchissement aux candidats à l’émigration (le plus souvent d’origine africaine et subsaharienne) qui, désoeuvrés et en attente d’une opportunité, se retrouvent jour après jour, par grappes, à Santiago. Plusieurs d’entre eux se sont malheureusement noyés dans les eaux de la Bidasoa. La France reste sourde. En novembre 2022, un groupe de manifestants excédés par l’attitude française avait démonté ces barrières métalliques installées au bout du pont, avec pour slogan : « Mugak apurtu, zubiak eraiki ». « Effacer les frontières, construire des ponts… »

Le paradoxe à ce jour, est que si l’Avenida est toujours accessible côté Irun, il ne l’est plus côté Hendaye.


Gernika, lieu de mémoire démocratique

Le gouvernement espagnol a par ailleurs décrété que la ville de Gernika serait déclarée lieu de mémoire. Mais il a commis l’erreur de ne pas s’en être entretenu préalablement avec les autorités de Biscaye qui ont affiché leur mécontentement. D’autant que le dernier anniversaire du bombardement de Gernika (le 26 avril dernier) s’est déroulé en présence du ministre de la présidence Felix Bolaños. Une première. Mais le ministre venu de Madrid a, comme tous ses prédécesseurs, refusé de « demander pardon » à la cité au nom de l’Etat espagnol. En 1987, le président allemand avait pourtant déclaré qu’il « assumait la barbarie commise à Gernika » par la Légion Condor…

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Une réflexion sur « Lieu de mémoire démocratique »

  1. Merci de consacrer un article à ce pont. Je peine à comprendre le fait que l’Etat français s’acharne à maintenir fermé l’accès au pont – qui plus est par une hideuse grille de chantier. Les agents de la PAF sont hyper présents dans le quartier…. et un autre pont, heureusement ouvert, se trouve à quelques centaines de mètres. Est-ce une volonté d’exprimer symboliquement un contrôle de la frontière dans le paysage? Si tel est le cas, un beau grillage façon San Isidro serait un bon investissement… Enfermons-nous, mais que cela ressemble à quelque chose. Dans tous les cas, si la décision de l’Etat français est pérenne, il faudra penser à déplacer la stèle en honneur à « tous les républicains défenseurs de la République Espagnole » qui se trouve à deux pas de la grille française, car elle mérite mieux qu’une situation dans un tel cul de sac.

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