Retour sur la réussite de la manifestation du 20 novembre pour le droit de se loger et vivre au pays et ce qu’elle permet de construire. Voici les stratégies gagnantes qui pourraient fonder un front large du logement et du foncier.
“Manifestation monstre” a écrit le quotidien Sud-Ouest en parlant du rassemblement pour le droit de vivre et se loger au pays qui a rassemblé 8.000 personnes à Bayonne ce samedi 20 novembre. Le succès rencontré par les organisateurs de cette mobilisation était autant qualitatif que quantitatif : nombre de visages nouveaux montrant qu’elle avait attiré bien au-delà des habituels cercles militants, forte présence de jeunes, et pluralité des sensibilités politiques, syndicales et associatives ayant répondu présentes au rendez-vous.
Une première en Pays Basque mais également en France
Alors que le Pays Basque nord connaît des tensions immobilières depuis des décennies déjà, c’est la première fois qu’une manifestation était appelée sur la question du logement. Le succès rencontré n’en est que plus significatif. Et il représente également une première dans l’État français, au moins au regard des dernières décennies. Même sur Paris, les plus gros rassemblements sur le logement n’ont jamais rassemblé plus de 3 ou 5000 personnes. Contrairement à la sécurité sociale ou aux retraites, le logement, qui est pourtant le premier poste de dépenses des ménages, ne s’est jamais converti en sujet de mobilisations de masse, d’imposantes manifestations de rues. La réussite du pari du 20 novembre n’en est que plus remarquable.
Cela en fait un moment-clef en ce sens que cette réussite transforme une question qui jusqu’alors occupait surtout les élu.e.s, les technicien.ne.s et les militant.es, en objet de mobilisation sociale, massive et populaire. Cela a et aura des conséquences en profondeur ici et ailleurs.
Vers un Batera du logement ?
La manifestation du 20 novembre était pensée comme un début et non comme une fin en soi. Elle devait être le déclic suffisamment fort pour lancer une sorte de Batera des questions foncières et immobilières, une sorte de front large du logement. Sa réussite pose les bases d’une coalition unitaire qui pourra réellement peser dans ces domaines-là.
La question va donc se poser “pour quoi faire ?” ou “autour de quelle stratégie ?”. Cinq points de revendications et de propositions ont été détaillés et servaient de base politique à la manifestation du 20 novembre. Celles et ceux qui ont participé à cette mobilisation ont donc manifesté leur accord et leur soutien à ces cinq points-là. Élu.es, militant.es, organisations seront désormais invité.es à se montrer cohérent.es avec ces objectifs-là et à défendre le mieux possible l’obtention ou la réalisation de ces propositions et revendications.
Stratégies gagnantes
Nous savons ce que nous voulons, se pose la question de comment l’obtenir. Nous devons penser des stratégies gagnantes, pas des stratégies de témoignage. Il ne s’agit pas de passer les prochaines années à dire qu’on a un sacré problème, à le dénoncer, à crier notre colère, mais au contraire à remporter victoires d’étape sur victoires d’étape, pour peu à peu impacter réellement les diverses facettes de cette crise multicausale du logement et du foncier.
Nous devons penser des stratégies gagnantes,
pas des stratégies de témoignage.
Il ne s’agit pas de passer les prochaines années
à dire qu’on a un sacré problème, à le dénoncer,
à crier notre colère,
mais à remporter victoires d’étape sur victoires d’étape.
Nous devons éviter de tomber dans l’instrumentalisation du problème. Cette instrumentalisation peut répondre à des objectifs très divers et parfois contradictoires, mais dans tous les cas, elle constituerait la pire des stratégies et la population ne nous le pardonnerait pas. Elle fera vite la différence entre le fait de travailler à résoudre les problèmes réels, à changer réellement les choses et celui de surfer sur la crise du logement avec d’autres motivations. Certains peuvent être tentés de se servir de la situation souvent dramatique du logement pour renouer avec des stratégies du passé. D’autres pour cliver politiquement, pour capitaliser électoralement le problème plus que pour le solutionner. D’autres encore pour démontrer qu’il n’y aucune solution possible sans sortir du capitalisme ou passer par le grand soir. Autant de manières possibles de se fourvoyer en alignant initiatives, revendications ou positionnements visant plus à dénoncer le problème, exprimer notre colère, qu’à définir des objectifs atteignables à court, moyen et long terme et à construire les stratégies adaptées pour les arracher un à un. Nous avons un devoir de réussite.
Il y a urgence
Nous sommes nombreuses et nombreux à penser au contraire qu’il faut mettre sur la table des objectifs gagnables et se dépêcher de les arracher, pour diverses raisons complémentaires. Tout d’abord, évidemment, parce qu’il y a urgence. Toute une partie de la population, la jeunesse et les secteurs les moins riches, est en train de se faire déloger de son propre pays, et le temps perdu à ce niveau ne se rattrape plus. Nous devons rapidement stopper la “airbnbisation” du parc locatif à l’année et la croissance des résidences secondaires. Nous devons au plus vite obtenir l’encadrement renforcé des loyers. Nous devons pousser de toute urgence, à développer le logement social et veiller à ce que les objectifs du PLH, à ce niveau, soient au minimum complètement remplis. Nous devons obtenir que plus une accession sociale à la propriété ne se fasse sans mécanisme d’encadrement de type BRS. Nous devons imposer la réhabilitation du logement structurellement vacant. Nous devons limiter au maximum l’artificialisation des sols en poussant à la densification de l’habitat, la construction de la ville sur de la ville et en réorientant une partie du parc, vacant et secondaire, vers des locations à l’année ou de la vente en résidences principales.
La pratique crée la conscience
Nous avons une obligation de résultats car sinon, la population intégrera rapidement qu’il ne sert à rien de se mobiliser, de se bouger, et pire que ça, la base sociologique de la mobilisation sera inexorablement grignotée par le départ de celles et ceux qui n’ont plus les moyens de rester dans nos villes, villages et quartiers. Chaque victoire va au contraire poser les jalons de la prochaine bataille, plus ambitieuse. Et cette pratique d’accumulation des forces, de mobilisation de la population autour d’objectifs atteignables et de stratégies gagnantes, va faire avancer la conscience collective vers des logiques de régulation et d’encadrement du marché, des logiques de solidarité et de protection pour les populations les moins riches, des logiques de défense et de gestion collective des biens communs, des logiques de respect des limites de la planète, de la biodiversité et des impératifs climatiques.
Se donner les moyens de gagner
Pour gagner toutes ces batailles les unes après les autres, et bien d’autres encore, il va nous falloir être à la fois radicaux et pragmatiques, jouer les aiguillons et rassembler le plus grand nombre autour de nos propositions. Nous devrons gagner l’opinion publique et mobiliser des secteurs de plus en plus larges de la population. Nous devons nouer des alliances chaque fois plus larges autour de nos cinq registres de propositions et revendications, localement mais également au niveau de l’Hexagone pour gagner les évolutions législatives nécessaires. Nous devrons être déterminés et persévérants, et savoir s’adapter à chaque nouvelle étape et opportunité. Cela suppose d’après moi une politique d’alliances large et pragmatique, des modes de lutte déterminés mais non-violents, et de veiller au soutien constant et à l’implication active de la partie la plus forte possible de la population, de l’opinion publique.
Les mesures que nous prônons devront être adoptées par les élus en place, que ce soit au niveau de la CAPB et des communes du Pays Basque ou au niveau du parlement actuel ou à venir. Nous devons donc gagner des appuis au sein même de ces majorités-là, quels que soient les désaccords que nous pouvons avoir dans d’autres domaines. Nous n’avons pas le temps d’attendre des majorités abertzale ou de gauche et écologistes au sein de ces diverses instances.
Institutions et mobilisation populaire
Oui, la solution viendra également des institutions actuelles et la mobilisation populaire est là pour rendre cela possible. Nous ne devons rien nous empêcher. Nous ne devons pas avoir peur de gagner. Nous ne devons avoir sur la bataille du logement aucun ennemi à priori, en dehors du marché non régulé, des spéculateurs de tout poil et de l’argent tout puissant.
Nous ne devons avoir sur la bataille du logement aucun ennemi à priori,
en dehors du marché non régulé,
des spéculateurs de tout poil,
et de l’argent tout puissant.
Tout élu en place peut à priori être notre partenaire dans cette bataille du logement et du foncier. Nous n’avons pas non plus d’allié automatique. Nous jugerons sur les actes, tout au long de cette bataille-là. Et nous serons aussi sévères lors des élections à venir sur cette question stratégique pour l’avenir d’Iparralde —quels que soient les promesses et accords proposés entre deux tours que nous avons su l’être par rapport à ceux qui se sont opposés les deux dernières décennies à l’existence institutionnelle du Pays Basque nord.
La non-violence déterminée devra caractériser notre combat. Elle offre un éventail de modes d’action, de confrontation et de mobilisation assez larges pour convenir à toutes les volontés et possibilités d’engagement. Elle permet de mener des actions assez déterminées pour éveiller les consciences, interpeller les pouvoirs publics, stopper un certain nombre de pratiques destructrices, faire pression sur les décideurs. Elle a un coût humain, éthique et sociétal moins dramatique. Et dans le même temps, elle offre moins la possibilité à nos adversaires de criminaliser notre lutte et nos revendications, de détourner le débat du fond vers la forme, de trouver des prétextes pour justifier le statu quo. Elle permet enfin de garder le soutien majoritaire de la population et d’augmenter son implication dans la mobilisation.
Et maintenir la pression d’une mobilisation la plus large et déterminée possible au cours des années à venir, va être un des enjeux décisifs pour gagner les batailles à mener sur la question du logement et du foncier. Cette année 2021 a posé les bons rails du combat à livrer, continuons sur cette voie-là.
Oui au logement social en location et accession
L accession doit être réglementée :
– revendre uniquement aux acquéreurs locaux
– ne pas faire de value sauf aménagements tels que cuisine équipée véranda…
Très bonne approche du problème ! Les solutions sont aussi nombreuses et larges que l’éventail sociologique, professionnel et culturel du pays Basque nord actuel. Mais les solutions doivent donner une priorité à tous ceux qui veulent vivre et travailler au Pays Basque.
Aspaldiko partez irakurri dudan idatzi iraultzaileena,eskertuko nizuke erderaz eta euskeraz idatziko
bazenu guztiok jabetzeko.Milesker bihotzez
Ohartu naiz idatzi guztiak irakur daitezkela edozein mintzairan.Milesker