Rares sont les communes basques à avoir franchi le pas de la fusion avec une ou autre voisine depuis un bon siècle et demi. Dernières en date Aicirits et Camou-Suhast en 1984. Pour Anne-marie Bordes, l’Hexagone est un cas à part. Elle nous dit pourquoi.
Pourquoi les Français sont- ils tellement attachés à leurs 36.000 communes (36.769 en réalité) et à la figure de leur maire, en d’autres termes au socle même de l’édifice, largement hérité de la Révolution, auquel nous devons aussi cantons et départements.
Une organisation que rien ni personne n’a, pour l’heure, réussi à balayer, même si vu du haut de certains cénacles technocratiques une vraie bonne volonté à la base et autant de courage politique au sommet de l’Etat suffiraient à ébranler le système et à faire des économies de structures, leitmotiv du moment.
Mais le pays profond résiste. Le Pays Basque n’est pas une exception. Les communes de l’arrondissement de Bayonne qui dans le sillage de la loi Marcellin de 1971 (et des tentatives précédentes dans les années 50) prirent le parti de fusionner, se comptent toujours sur les doigts des deux mains.
En Basse-Navarre, Arancou, Bergouey et Viellenave-sur-Bidouze (longtemps la plus petite commune basque avec une cinquantaine d’habitants) franchirent le pas en janvier 1973, puis Aicirits et Camou-Suhast en novembre 1984.
Côté souletin Aroue, Ithorots et Olhaiby avaient fait de même dès août 1973. Saint-Palais et Garris, fières de leurs places respectives dans l’histoire de la Basse-Navarre et convaincues de leur complémentarité, avaient ouvert la voie le 1er janvier 1967. Mais voilà qu’en 1977 Arancou réclame son indépendance après quatre ans de vie commune. Et qu’en 1997 Garris “délaissée” par sa voisine, reprend sa liberté.
Au fil de toutes ces années, diverses coopérations intercommunales se sont mises en place : syndicats intercommunaux (loi fondatrice de 1890), “pays” (loi Pasqua de 1995) ces derniers articulés autour de l’idée de d’appartenance commune à un bassin de vie et de culture. Naissances aux forceps parfois. La création du “pays Pays Basque” en 1997 fut un aboutissement qui devait ouvrir la voie à la revendication de collectivité territoriale spécifique.
La plupart des syndicats intercommunaux et les pays ont disparu laissant place aux communautés de communes et d’agglomérations (EPCI, établissements publics de coopération intercommunale) sous la férule de l’administration préfectorale, tenue d’élaborer un schéma territorial global pour le 1er janvier 2014.
Cascade de fusions au XIXe siècle
Il faut remonter aux XIXe siècle pour découvrir la cascade de fusions de communes ayant donné (la plupart entre 1830 et 1867), plusieurs dizaines d’entités aux noms composés. Exemples : Amendeuix Oneix, Saint Just Ibarre, Idaux Mendy, Mauléon Licharre, Tardets Sorholus, Alos Sibas Abense, Licq Atherey, Arraute Charrite, Moncayolle Larrory Mendibieu, Lohitzun Oyhercq, Larribar Sorhapure.
Une longue liste qui ne suffit évidemment pas à transfigurer la physionomie des trois provinces dont les fondements communaux reposent (comme dans l’Hexagone) sur les paroisses de l’Ancien régime. A la Révolution, celles-ci furent dotées de municipalités selon un principe d’uniformité ville-campagne toujours vivace.
Déjà plus d’un siècle et demi que les bourgades précitées vivent à deux , voire à trois, sans avoir encore tout à fait perdu le souvenir de leur splendide isolement comme en témoigne la survivance de leurs petites églises et petits cimetières et les flonflons de leurs fêtes patronales.
Nostalgiques? Sans doute mais avec la certitude d’y partager un ensemble ancré dans la mémoire collective, tout en sachant que le besoin de cohésion sociale a un prix.
Les 36 000 communes de France (pour 66 millions d’habitants) sont plus que jamais un sujet d’étonnement pour ne pas dire d’agacement, dans une Europe où chacun est prompt à mettre ses avancées en exergue.
Mais en sont-elles vraiment dans le contexte actuel de défiance généralisée à l’égard de la classe politique et de déliquescence du lien de proximité?
Allemagne : 12 196 communes pour 81 millions d’habitants. Grande-Bretagne: 405 pour 63 millions. Espagne : 8 109 pour 46 millions… L’Hexagone, le pays le plus vaste du continent en a été aussi le plus peuplé et celui où la population paysanne était la plus nombreuse, de sorte qu’elle a cimenté le maillage communal actuel jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle. L’exode rural massif y a été plus tardif qu’ailleurs. En Grande Bretagne par exemple, la fin des droits d’usage sur les communaux (Enclosure Act de 1773, clôturage des parcelles) signa dès le XVIIIe siècle la désintégration des coutumes ancestrales qui assuraient la survie de la paysannerie sans terre, à l’aube de la révolution industrielle.