La décision de la Cour d’appel rendant constructible le plateau de Marienia est certes un coup dur pour les opposants au projet. Il n’en reste pas moins que le débat communautaire du 7 décembre prochain peut encore changer la donne au profit de la protection des terres agricoles kanboar.
Comme beaucoup d’opposants au projet de Bouygues sur Marienia, j’ai espéré que la justice administrative finisse par casser en appel le PLU de Cambo qui a rendu constructible Marienia. Il faut cependant bien se rendre à l’évidence : ce n’est pas le cas…
Mais finalement, et de manière assez paradoxale, la décision négative de la Cour d’appel de Bordeaux peut permettre d’éclaircir l’avenir de Marienia au lieu de l’assombrir. En effet, elle permet d’ouvrir une nouvelle voie. Les arguments utilisés en leur nom par leur avocat sont en effet suffisamment outranciers (« Marienia ne fait nullement l’objet d’une exploitation agricole, elle ne supporte plus aucune ressource fourragère, il n’y a pas de brebis qui y pâturent« ) pour que des élus de la CAPB questionnent les fondements du jugement.
Sollicités par les opposants, de nombreux élus ont demandé l’inscription à l’ordre du jour du conseil communautaire du 7 décembre prochain d’un débat sur Marienia afin de faire émerger des solutions et d’apaiser les tensions (1). Ce débat se situerait dans la lignée de plusieurs décisions prises par les élus communautaires affirmant la nécessité de préserver les terres agricoles (le PLU de Cambo a été voté lors de la précédente mandature).
« Sollicités par les opposants,
de nombreux élus ont demandé
l’inscription à l’ordre du jour du conseil communautaire
du 7 décembre prochain
d’un débat sur Marienia
afin de faire émerger des solutions
et d’apaiser les tensions. »
On peut citer par exemple le vote en 2023 du PLU d’Itxassou, commune sur laquelle se prolonge le plateau de Marienia que ces mêmes élus ont classé en « zone nécessaire à l’activité agricole ».
Prendre l’avis des professionnels : une force bien plus qu’une faiblesse
L’enjeu de Marienia dépasse largement les limites de Cambo. Ce cas d’école pose la question de la pression foncière, de la préservation de la terre nourricière, de la nécessité d’introduire des critères qualitatifs pour déterminer quelles sont les zones qui pourraient être construites, de la priorité donnée à la réhabilitation des bâtiments vacants, si nombreux par ailleurs à Cambo… Le questionnement va cependant plus loin, sur la manière dont les élus tiennent compte, avant de décider, de l’avis des professionnels et des associations. Rappelons que la préfecture, la Chambre d’agriculture 64, le Syndicat du Piment d’Espelette, le syndicat ELB, ELB Gazte, la FDSEA 64, les Jeunes Agriculteurs 64, l’association de producteurs Xapata, l’association Lurzaindia, toutes ces structures liées au monde agricole et paysan se sont mobilisées ou exprimées pour affirmer le potentiel du plateau de Marienia et l’importance de le protéger. Que les décisions publiques se nourrissent des avis de la société civile ne serait pas une faiblesse. Ce serait au contraire un signe de maturité du territoire, qui ne peut se construire et décider de son avenir que dans une adhésion la plus large possible.
Il n’est pas trop tard
Le débat communautaire du 7 décembre pourra ébaucher des solutions : on peut penser par exemple à une médiation auprès de Bouygues, à un dialogue avec la commune concernée, à l’enclenchement d’une procédure de modification du PLU de Cambo, à une intervention du Président de la CAPB dans les procédures juridiques en cours (il n’est pas trop tard pour que la CAPB puisse admettre la haute valeur de Marienia auprès de la justice administrative, puisqu’un recours sur le permis de construire n’est pas encore tranché, et que ce recours est une nouvelle occasion de questionner la pertinence du PLU). Et d’autres solutions encore qui devront ensuite se concrétiser en actes politiques.
Le destin de Marienia sera scruté par tous. Il serait terrible que le conflit se gère par la répression ou que les élus s’en détournent pour des considérations autres que celles sur le véritable enjeu de la protection des meilleures terres agricoles. Personne ne comprendrait que la situation s’enlise et que les élus regardent ailleurs. Ceux d’entre eux qui reprennent la main sur ce dossier font preuve de courage sans doute, car rien n’est simple en politique, mais ils font preuve également de sagesse. S’ils préservent par leurs interventions la fonction nourricière de Marienia, ils feront de ces magnifiques terres le symbole de l’intelligence collective.
(1) Les opposants appellent à un rassemblement en soutien à ces élus, devant la Cité des Arts à Bayonne, le 7 décembre, à 8h30.