La solidarité à l’égard des personnes migrantes prend différentes formes ces dernières années en Pays Basque Nord. Le Collectif Solidarité Migrant·e·s-Etorkinekin regroupe des associations, syndicats et des particuliers agissant dans ce domaine. Alda s’est entretenu avec Maite Etcheverry, bayonnaise de 32 ans, en reprise d’études en Master 2 Droit européen des affaires et militante d’EHBai particulièrement active au sein de l’association Diakite, récemment créée pour apporter l’aide aux migrant·e·s en transit sur Bayonne.
Qu’est-ce qui vous a amené à agir pour apporter votre aide aux migrant·e·s ?
Depuis juin à Bayonne, il semblait y avoir du transit de personnes venant d’Afrique de l’Ouest, arrivées par l’Espagne et le Maroc. Le phénomène était difficilement quantifiable et surtout personne n’était en mesure de dire s’ils avaient besoin d’aide. Un groupe d’ami, alerté, s’est rendu Place des basques pour voir ce qu’il s’y passait en soirée. En entamant la conversation avec les migrants, nous nous sommes d’abord rendu compte de deux choses : certains n’avaient pas mangé depuis plusieurs jours et la plupart n’étaient pas habillés pour affronter le froid. Nous sommes donc revenu le lendemain avec de la nourriture et les quelques vêtements que nous avions pu trouver dans nos armoires. Nous étions aussi plusieurs juristes dans le groupe ou militants et avons donc donné tout naturellement les premiers conseils en cas de contrôle de police (garder le silence, demander un avocat, exprimer sa volonté de solliciter l’asile). Nous avons ensuite lancé un appel sur les réseaux sociaux à nous rejoindre. Nous avons aussi constitué un réseau de bayonnais·e·s solidaires, prêt·e·s à héberger pour une nuit.
Comment vous y êtes-vous pris dans un contexte de “délit de solidarité” où les poursuites et condamnations de celles et ceux qui viennent en aide à des personnes étrangères en situation irrégulière dans l’Hexagone sont mis en avant ?
Un certain nombre d’entre nous sommes juristes et nous avions suivi les développements de la jurisprudence sur le “délit de solidarité”. La décision du Conseil Constitutionnel de juillet dernier sur l’affaire Cédric Herrou pose le cadre. Tant que l’aide au séjour est désintéressée, elle ne doit pas pouvoir poser problème. En revanche, l’aide à l’entrée reste répréhensible. Pour rester dans le cadre pénal et pérenniser notre activité, notre aide doit toujours être désintéressée, c’est-à-dire que nous ne manipulons jamais d’argent. Si les personnes souhaitent acheter un billet de bus ou une carte sim, nous leur expliquons comment faire et les accompagnons vers les lieux de vente. Cette philosophie est aussi en cohérence avec notre façon d’aider. Nous n’assistons pas, nous ne faisons qu’accompagner, nous ne faisons pas à la place des personnes, parce que pour nous l’émancipation des gens que nous rencontrons est fondamentale.
Qu’est-ce qui vous a amené à créer l’association Diakite ?
Au bout de plusieurs semaines de maraude notre activité s’est pleinement développée, grâce aux réseaux sociaux. Nous n’étions pas seulement présents en soirée mais aussi tout au long de la nuit et en journée de façon discontinue. Nous avons alors choisi de nous structurer en association pour pouvoir donner un cadre à l’action et à la réflexion collective. Nous avons élu un bureau constitué d’un trésorier, d’une secrétaire, d’une présidente et de 3 porte-paroles.
Quelles ont été les premières réalisations que vous a permis d’obtenir Diakite ?
La mairie de Bayonne et en particulier son maire Jean-René Etchegaray se sont largement mobilisés. Il avait été auparavant interpellé par les canaux associatifs (MVC, Etorkinekin…) mais aussi par son opposition en conseil municipal (question inscrite à l’ordre du jour par Jean-Claude Iriart). Le soutien de la collectivité publique a pris diverses formes, la livraison de repas pour le midi, à charge pour les bénévoles de continuer à assurer le repas du soir et le petit-déjeuner. L’installation d’une borne électrique pour charger les téléphones, l’augmentation du débit wifi sur la zone, des coffres pour stocker le matériel. Il y a quatre semaines, nous avons emménagé au 16, quai de Lesseps, dans un bâtiment préempté par l’EPFL en vue de la requalification du quartier de la gare et d’une LGV qui n’arrivera pas. Les locaux sont chauffés et disposent aujourd’hui du wifi. Ils nous permettent de continuer notre accompagnement des personnes en transit dans de bien meilleures conditions en permettant aux personnes de dormir au chaud. Nous avons aussi aujourd’hui un réseau de soignants (surtout des infirmières) qui apportent les premiers soins.
Comment organisez-vous la suite des étapes ?
Nous avons constitué des “pôles” correspondant à nos différentes activités : l’accueil (pour présenter le local aux personnes que nous accueillons, qui nous sommes, ce qu’elles pourront trouver à l’intérieur), l’alimentation (coordination des cuisiniers, des stocks, des bénévoles présents pour les distributions de repas), le transport pour accompagner l’achat des billets de bus, l’hygiène (distribution de produit d’hygiène), le vestiaire (tri des vêtements, rangement, essai des vêtements par les accueillis), l’entretien (le ménage), les soins (les personnels soignants). Nous nous sommes donné 15 jours pour vivre ensemble des consignes minimales de fonctionnement collectif et à la fin de ce délai les adhérents revoient ensemble en petit groupe sous forme d’ateliers thématiques ces consignes pour réévaluer la façon dont nous fonctionnons. Notre philosophie est assez simple et se décline en trois temps : d’abord, “chacun fait ce qu’il peut, quand il le peut”. Pour nous, pas de pression sur l’engagement, les gens viennent quand ils peuvent, nous voulons durer alors inutile de s’épuiser. Cela signifie aussi que chacun peut trouver sa place et le pôle où il est le ou la plus à l’aise. Nous ne demandons pas aux grand-mères de 70 ans d’expliquer comment prendre un billet de bus sur internet. Ensuite, “l’urgence n’est pas la précipitation”, même si les personnes que nous accueillons sont en situation de transit, nous ne sommes pas pressés par le temps, il ne faut pas hésiter à dire quand on ne sait pas, à repousser les choses au lendemain ou à renvoyer vers quelqu’un d’autre qui saurait peut-être faire différemment. Enfin pour le reste, depuis les premiers soirs à la Place des basques, nous le répétons souvent, “on improvise, on bricole”, on s’améliore de jours en jours, en réévaluant nos façon de faire et en les réadaptant, mais aussi parce que de nouveaux bénévoles nous rejoignent sans cesse et ajoutent à notre expérience collective de nouvelles compétences. L’enjeu aujourd’hui est d’avoir une présence bénévole nombreuse en permanence, car quand nous sommes moins nombreux, les taches concrètes dévorent le temps passé à simplement discuter, à débattre, à apprendre à se connaître ou à jouer aux cartes avec nos accueillis.
Enfin, quelles seraient les différentes voies que les lecteurs pourraient suivre pour apporter leur aide aux migrant·e·s ?
Pour aider Diakite, le mieux c’est d’adhérer et de venir aider sur place, que ce soit une demijournée par semaine ou quelques heures par mois. Pour retrouver les horaires des permanences d’adhésion, vous pouvez suivre la page facebook collectif Diakité ou envoyer un mail à [email protected]. Concernant les dons, nous ne pouvons plus accepter de dons de vêtements car nous sommes aujourd’hui submergés. Vous pouvez faire des dons alimentaires soit directement en les amenant quai de Lesseps, soit à la banque alimentaire avec laquelle nous avons un partenariat. Vous pouvez retrouver la liste de nos besoins sur facebook ou par mail.