La mythologie basque ne cesse de s’enrichir de nouveaux repères comme Belharra, la vague géante qui effrayait les pêcheurs au large de Saint-Jean-de-Luz du haut de ses 15-20 mètres. Un mythe parmi tant d’autres qui touche à l’universel. C’est pour cette raison que les mythes nous fascinent.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser la mythologie continue à fasciner alors même que la culture de l’instantané et de l’éphémère nous assaille de toutes parts. A preuve la petite foule de touristes curieux auxquels se mêlaient quelques autochtones, réunie le 8 août dernier à la librairie du 5ème art de Saint-Jean-de-Luz, autour de Claude Labat, auteur de l’ouvrage “Libre parcours dans la mythologie basque avant qu’elle ne soit enfermée dans un parc d’attractions”, paru en 2012 chez Elkar. Avec plus d’une cinquantaine de conférences données sur ce thème, Claude Labat racontait encore “sa” mythologie sur le ton de la passion, celle qui l’habite dès qu’il touche au patrimoine culturel basque. Auditoire scotché dans un espace trop petit. “La mythologie, disait-il, balise notre espace vital de repères. Les mythes sont des cairns (1) sans cesse reconstruits au cours des siècles sur les chemins que l’humanité a ouverts depuis l’accès à la conscience des premiers hominidés jusqu’aux cultures les plus actuelles (…) Je suis convaincu qu’ils se cachent aussi dans des gestes, des rites, des situations. Une croix de chemin, un enclos dans la montagne, un jeu populaire, un costume de fête…sont habités, pétris, tissés par des mythes. Loin de nous enfermer dans des particularismes, ils débouchent toujours sur l’universel”. Claude Labat a ainsi pris l’habitude de comparer les cultures du monde à des îles et des archipels reposant sur un seul et même socle qui cimente l’Humanité.
Une tribu inconnue
Ceci dit remontons au 26 juin dernier pour nous aventurer loin, au Brésil, où des membres d’une tribu inconnue ont surgi de l’immense forêt amazonienne pour entrer en contact avec d’“autres hommes”, d’autres amérindiens sédentarisés! Quelle impérieuse raison les a poussés à se découvrir de la sorte aux yeux du reste du monde? Comment ont-ils vécu jusque-là ? Ce pas fatidique franchi, comment pourront ils assurer leur propre survie et celle de leur culture enfouie sous une nudité totale? Quelles forces les ont portés au fil des derniers millénaires ? Quel fonds commun de croyances et légendes partageons-nous avec eux ? Sécrèteront-ils de nouveaux mythes et croyances? Questions sans réponse, et pour cause. Elles nous ramènent en tout cas, aux huit parcours imaginés par Claude Labat, ces espaces familiers où il ne voit pas des “dieux” mais des entités, des “êtres mythiques”. Ce sont la lumière et la nuit, la terre et le firmament, la montagne et la forêt, la rivière et l’océan, la route et le port, la maison et la tombe, le quartier et la place, la ville et l’horizon. Arrêtons-nous à l’espace lumière/nuit. On y retrouvera Egu (lumière), Eguzki (soleil), Hil, (obscurité), Gauargi (lumière de la nuit), Hilargi (lune, lumière de l’obscurité), et le très populaire Olentzero (le charbonnier) qui, fin décembre, fort de ses 366 yeux, accueille les beaux jours.
Les mythes sont des cairns
sans cesse reconstruits
au cours des siècles
sur les chemins que l’humanité a ouverts
depuis l’accès à la conscience
des premiers hominidés
jusqu’aux cultures les plus actuelles.
Belharra et les nouveaux chevaliers
Les entités évoquées dans tous les ouvrages consacrés à la mythologie basque se comptent par dizaines : Mari (génie de sexe féminin aux multiples fonctions), Erensuge, Lur , Basajaun, Ortzi, les Laminak et autres Dragons, les Gentilak , Mairi , Sorgin , Tartaro le cyclope géant qui , entre autres provinces, hantait la Soule. Et d’autres…
De Tartaro l’abbé Bordachar, directeur du collège de Mauléon ne disait-il pas en 1875, que seules les personnes de plus de 50 ans se souvenaient de lui, avant d’ajouter qu’à partir de 1830 nos contrées avaient “commencé à rompre avec le passé”. Reste que la mythologie basque en mouvement, s’offre une jeunesse avec par exemple Belharra, la vague surfée pour la première fois en 2002 du haut de ses 15-20 mètres et dont l’une des dernières apparitions remonte au 7 janvier 2014. Ce jour-là, parmi les nouveaux “chevaliers” à avoir vaincu la géante, figurait l’Américain Shane Dorian, lequel eut les honneurs du Guardian de Londres pour raconter son épopée face à la monstrueuse déferlante. On pourrait aussi évoquer le musée Guggenheim de Bilbao, autre “cairn” mythifié par les médias ou bien encore, plus ancien celui-là, le vieux chêne de Gernika symbole de paix, porté par l’histoire du nationalisme basque au nom des sept provinces.
(1) Petits tas de pierre dressés par l’homme pour baliser des chemins.