L’Édito du mensuel Enbata
La guerre du logement en Iparralde bat son plein. Lurzaindia et le syndicat agricole ELB, comme tous ceux qui les confortent, ont gagné la première manche à la bataille d’Arbona. Nous fêterons Lurrama sur place le 24 octobre. Après Bayonne et Urrugne, Alda, infatigable poursuit sa campagne de dénonciation contre les meublés saisonniers de courte durée, cette fois-ci à Biarritz. Il est en passe d’obtenir gain de cause auprès de la CAPB. Un nouveau front s’ouvre à Baigorri avec la mise en vente d’une ferme à un prix exorbitant. Le “la” est donné, les enjeux posés. Mais des forces contraires sont à l’oeuvre.
Promoteurs immobiliers et leurs lobbies jouent toujours les “visiteurs du soir” auprès des élus pour obtenir les précieux permis de construire. Les agences immobilières anticipent l’arrivée du TGV et multiplient leurs succursales, elles battent la campagne pour susciter les transactions dans un Pays Basque Nord nouvel Eldorado. Les acheteurs fortunés brandissent leurs chéquiers mirobolants.
Allons-nous ainsi “accueillir toute la richesse du monde” et son cortège spéculatif ? Les propriétaires basques et non basques vacillent, tant l’or de ces sirènes est séduisant.
Certains élus ne veulent pas se mettre des électeurs à dos en refusant les certificats d’urbanisme, ils pensent aux futures ressources fiscales qui augmenteront avec l’arrivée de résidents fortunés.
Pendant ce temps-là, se désespèrent les paysans, les locataires ou les primo-accédants qui s’éloignent ou disparaissent. Ils sont condamnés à voir leur vie se dégrader. Car c’est bien de cela dont il s’agit: de conflits d’intérêts entre différentes catégories de populations, de résistance au pouvoir de l’argent et sa dictature, de vision du Pays Basque à courte vue ou à moyen et long terme, d’avenir maîtrisé ou de politique du chien crevé au fil de l’eau, de renard libre dans le poulailler libre ou d’amélioration de l’État de droit au nom de l’égalité et de la fraternité, du droit d’habiter sur notre terre, ou d’en être exclu. Dans ce combat, revendication nationale et lutte des classes sont intimement liées.
La bataille de l’opinion publique est en passe d’être gagnée. Quelques grands élus de droite ne s’y trompent pas, ils montent au créneau(1). Le maire d’Anglet se dit “soumis à une obligation de construire”. Donc il se soumet et jure la main sur le coeur qu’il fait de gros efforts. Au passage, il jette la pierre à ceux qui “crient avec les loups” —c’est nous!— et se décharge sur son prédécesseur PS : ce n’est pas moi, c’est lui. Quid de sa volonté maintenue de bétonisation ? A ce train-là, il pourra prendre pour devise celle attribuée au sapeur Camembert: “Lorsqu’on on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites”.
Quant à Jean-Jacques Lasserre, président du Conseil départemental, il se pare de toutes les vertus, mais passe aux aveux. Il se dit inquiet par les “crispations que ce sujet alimente”. Il veut prendre des mesures, bienvenue à l’ouvrier de la vingt-cinquième heure. Si tous les Basques d’origine ou d’adoption ne se mobilisaient pas, le grand élu se contenterait de gérer plan-plan, au coup par coup. Le patron du Département ajoute que “nous ne sommes pas assez bien desservis, ni par l’avion, ni par le train”. Pour Jean-Jacques, y a bon l’arrivée par air et par TGV des riches Parisiens assoiffés de résidences secondaires ou des touristes moins argentés, locataires de Airbnb!
Nous sommes au milieu du gué, le PLH (Plan local de l’habitat) sera voté par l’Agglo le 2 octobre, mais le projet actuel qui, déjà, fait débat, sera-t-il appliqué correctement ? Pour ce faire, la manifestation prévue le 20 novembre sera décisive. L’appel sera signé par un nombre impressionnant de personnalités, d’organismes et de formations venues de tous les horizons. Nous parlions dans ces colonnes d’un Batera du logement, il est en passe d’atteindre ses objectifs, au moins dans l’expression de nos demandes et leurs futures prises en compte.
Aujourd’hui, rien n’est gagné d’avance. Les abertzale sont le fer de lance, mais nous ne sommes en rien propriétaires de ce combat qui dépasse nos organisations. A nous de rassembler les “forces qui n’ont pas encore donné”, de fédérer, de convaincre pour vaincre, de susciter l’élan et l’adhésion, de redoubler de pédagogie.
Pas d’illusion tout de même, nous ne gagnerons pas partout et dans toutes les communes, mais chaque avancée sera bonne à prendre. D’autant qu’il n’y a pas que le vote du PLH, s’enchaînent ensuite la mise en oeuvre des quatre PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) et du SCOT (Schéma de cohérence territoriale) dans deux ans. Ce combat est aussi une guerre d’usure, il se situe dans la durée.
(1) Sud Ouest des 18 et 20 septembre.