« Nos océans et vies versus leurs profits »

StéphaneLatxagueSurfrider Foundation Europe appelle au rassemblement du Mercredi 6 Avril, 17h30 à Pau. « Malgré les accords de la COP21 signés par 195 pays et l’Europe, les compagnies pétrolières font comme si cette planète n’était pas aussi la nôtre. Nos océans ne sont pas leurs produits et leurs profits ne valent pas nos vies ». Stéphane Latxague de Surfrider Foundation Europe répond aux questions d’Enbata.info sur les enjeux locaux et globaux liés aux Océans.

Pourquoi dit-on que les océans sont le premier poumon de la planète ?

L’Océan absorbe plus de 25% du CO2 et grâce au plancton il délivre la moitié de l’oxygène que nous respirons. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Océan fournit autant d’oxygène que les forêts. Il joue un rôle clé dans la régulation du climat et c’est l’un des plus importants puits de carbone de la planète.

Alors qu’il est indispensable pour la stabilisation du climat, l’Océan n’a pas de voix et prend toutes les pollutions… qu’est-ce qui explique cela ?

Il y a une explication relativement simple, on ne parle pas de ce que l’on ne voit pas ! Les effets du changement climatique sont encore méconnus, on parle de montée des eaux, d’acidification, d’érosion mais pour beaucoup cela n’est pas concret, même si pourtant de nombreux pays et populations font déjà face à ces situations. S’il existe de nombreuses recherches scientifiques évoquant l’Océan, son potentiel et ses richesses sont encore sous-estimés. Lors de la COP 21 l’Océan a enfin été entendu et il a été rappelé à maintes reprises qu’il était crucial de le prendre en compte, surtout qu’il pourrait effectivement apporter des solutions au changement climatique.

L’accaparement des océans se fait sans aucune consultation des populations locales (concernées par les risques liés à la pollution) ou globales (concernées par le changement climatique). Vous comparez cela à un déni de démocratie…

L’océan constitue un milieu intrinsèquement différent des continents en ce qu’il n’a pas de frontières naturelles. Il est donc de facto soumis à la politique du compromis qui va de la délimitation des eaux territoriales et la création de zones économiques exclusives jusqu’à la reconnaissance des eaux internationales et leur utilisation (64% de la surface mondiale de l’océan). De fait, l’utilisation de l’océan est soumise aux droits nationaux et aux conventions internationales qui sont eux-mêmes très largement guidés par les intérêts économiques autour des ressources et de la recherche de point de PIB.

Dans ce jeu, il est clair que les populations sont assez éloignées des cercles de décisions, largement cantonnées en position de spectateur plutôt que d’acteur. Et même si les eaux territoriales sont gérées différemment selon les Etats, on constate tout de même un fossé assez grand entre le local et le global. On peut donc effectivement déplorer et s’alarmer que la démocratie s’échoue aux frontières de l’océan ; et cela au profit de stratégies macro qui ne sont pas, dans leur très large majorité, en recherche prioritaire de cohérence systémique et durable avec les enjeux locaux, qu’ils soient sociaux, culturels ou encore environnementaux et face à des enjeux incontournables de préservation des milieux et de changement climatique.

Que faire pour ne plus accepter cet état de fait ?

En 2014, Surfrider Foundation Europe lançait une campagne à l’occasion des élections européenne intitulée « Vote for the Ocean ». Chaque citoyen peut au quotidien faire ce choix de voter pour l’Océan dans les urnes, mais pas seulement. Il peut participer aux consultations sur les projets d’exploitation, faire entendre sa voix via des pétitions, des manifestations artistiques ou non violentes, ou tout simplement dans ses choix de consommation. Cette « privatisation » de l’Océan n’est pas une fatalité. Il nous est possible chaque jour de privilégier les pêcheries artisanales ou labellisées, d’acheter local, de refuser l’ère du plastique à usage unique jetable au profit de matériaux durables et réutilisables, faire de la sobriété énergétique un principe de vie et se tourner vers des producteurs d’énergie renouvelables soucieux de la prise en considération de l’avis de l’ensemble des parties prenantes et des services écosystémiques rendus par l’Océan. Chaque jour nous pouvons voter pour l’océan avec notre pouvoir d’achat et faire notre propre révolution pour le préserver.

Peut-on réellement changer la donne face à l’inertie des Etats et multinationales ?

Bien sûr qu’on peut changer la donne vis-à-vis des Etats et des multinationales !
Pour obtenir un résultat face à ce duo de pouvoir, Il y a trois grands types de stratégies d’action qui doivent toutes être appliquées par les citoyens et les ONGs : la proposition d’une alternative au système, l’action de contrepouvoir et de lancement d’alerte pour obliger le système à évoluer, et l’action de participation et de collaboration avec le système pour accompagner le changement. Chaque citoyen et chaque ONG doit agir en fonction de son positionnement politique et sociétal, de son histoire personnelle et de sa capacité d’efficacité.

Cependant, quel que soit le choix de chacun, l’action doit être permanente et immédiate. A moins d’un changement brutal de système, un changement tangible peut être atteint, mais les résultats prendront des décennies.

La mauvaise nouvelle sur la question climatique, c’est que les résistances politiques et financières sont liées à l’économie des industries fossiles et qu’il faudra du temps pour briser cela, temps que nous n’avons pas.

La bonne c’est que le contexte sociétal est enfin favorable : avec le GIEC et COP21, les mondes politiques et scientifiques font enfin bloc avec la société civile. Nous allons gagner ce combat, c’est sûr ; par contre, il dépend de la mobilisation de chacun de savoir quand !

Et par conséquent de décider ce qui aura été d’ici là sauvé ou perdu définitivement par la nature et l’homme.

Surfrider Foundation Europe appelle au rassemblement de ce Mercredi 6 Avril, 17h30 à Pau. « Malgré les accords de la COP21 signés par 195 pays et l’Europe, les compagnies pétrolières font comme si cette planète n’était pas aussi la nôtre. Nos océans ne sont pas leurs produits et leurs profits ne valent pas nos vies. Rejoignez-nous à Pau le mercredi 6 Avril à 17h30 devant le Palais Beaumont pour mettre l’or noir hors jeux et faire entendre la voix de l’océan !».

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