C’est reparti pour un tour ! A peine trois ans après la loi Woerth de 2010, le gouvernement français prépare pour la rentrée une nouvelle “contre-réforme” (gardons donc le mot réforme pour des avancées sociales) sur les retraites. Une “réforme douloureuse mais juste” comme l’a annoncé François Hollande… Deux idées-forces émergent, qui vont faire l’objet d’un pilonnage intensif dans les semaines qui viennent : “il faut trouver 20 milliards d’ici 2020 pour équilibrer le système de retraites par répartition”, c’est le prétexte à la nouvelle contre-réforme. “On vit plus vieux, on doit donc travailler plus longtemps !”, c’est l’argument frappé au coin du bon sens, destiné à vous clouer le bec et accepter par avance les mesures envisagées.
Tordons le coup à cet argument. Il n’a rien d’une évidence ni d’une logique imparable. C’est le contraire qui s’est produit depuis deux siècles : la durée de vie a augmenté et le temps de travail diminué. Heureuse évolution rendue possible par les formidables gains de productivité qui permettent à l’humanité de s’émanciper petit à petit d’une vie entièrement consacrée au labeur. En 2060, il y aura en France 1,35 cotisant pour 1 retraité contre 1,65 aujourd’hui, mais dans cinquante ans un actif produira deux fois plus qu’un cotisant de 2020.
De plus si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé n’est en moyenne que de 63,1 ans et s’effrite depuis plusieurs années (augmentation de la souffrance physique et psychique au travail). Les meilleures années de la retraite sont entre 60 et 65 ans alors que ces mêmes années au travail sont les plus dures. Cet argument ne sert qu’à soutenir la proposition gouvernementale d’allonger la durée de cotisation à 44 annuités (contre 41,5 aujourd’hui et 37,5 avant 1993). Cette mesure équivaut à une baisse programmée des pensions, compte tenu des données actuelles : selon le COR (Conseil d’orientation des retraites), la durée moyenne de cotisation validée est de 37 ans. On est loin des 44 demandés, donc décote et baisse de la pension en vue ou travail jusqu’à 67 ans (âge de départ sans décote quel que soit le nombre d’annuités engrangées). De plus cet allongement pénalise les personnes aux carrières plus courtes dont majoritairement les femmes. Enfin laisser croire que les gens vont réellement travailler plus longtemps est un pur mensonge en plus d’une aberration économique et écologique. Aujourd’hui un senior sur deux est hors travail à 59 ans. Beaucoup sont et seront donc au chômage en attendant la retraite. Cercle vicieux : les économies de la retraite par répartition creuseront le déficit de l’assurance chômage.
“Oui mais les 20 milliards il faut bien les trouver!” entendra-t-on ad nauseam. Certes, mais pas en se basant sur un diagnostic erroné. Si le vieillissement de la population est réel, le déficit actuel des caisses de retraites s’explique principalement par la récession qui sévit en Europe, détruit des millions d’emplois et diminue d’autant les cotisations sociales. Cette récession provient essentiellement des politiques d’austérité (réduction des dépenses publiques) menées partout par les gouvernements en accord avec la Commission européenne. Ces politiques ont pour objectifs de maintenir ou rétablir les taux de profits du capital investi, soit en bonne logique néo-libérale, voler les pauvres pour donner aux riches. S’il y a plus de retraité-es, ce n’est pas un cataclysme. Il faut modifier la répartition de la richesse produite en leur faveur. Le COR a calculé qu’il suffirait de l’équivalent d’un point de PIB supplémentaire en 2020 pour équilibrer le système de retraite. Pour mémoire rappelons que la part des salaires a chuté de 5 ou 6 points au cours des dernières décennies en faveur des dividendes (soit 170 milliards par an). Soumettre tous les revenus distribués à cotisation (et donc aussi ces dividendes, ce qui n’augmenterait pas les coûts pour les entreprises même si ça ferait de la peine aux actionnaires) est une des mesures évidentes à prendre. Autre source possible, les 80 milliards annuels de fraude fiscale. Mais on voit bien que la question des retraites est un marqueur politique fort du projet de société défendu. Il touche à la question sociale centrale, à savoir, comment répartir de façon juste la richesse produite entre tou-te-s, comment organiser la solidarité entre générations et donc la cohésion sociale.
Le gouvernement veut prendre le mouvement social de vitesse. Le projet de loi sera connu en septembre pour un vote en octobre. La concertation proclamée n’est qu’affichage. Au Pays Basque Nord la mobilisation avait été active et inventive en 2010. Préparons-nous pour une nouvelle bataille !