En cette période d’élections, le brassage d’idées peut être l’occasion de comparer projets, concepts et conséquences, en particulier sur des thèmes qui paraissent importants: économie, industrie, capitalisme, etc. Sur ce dernier point, le capitalisme pouvant être affublé de tous les maux, il parait utile de s’y attarder un peu.
Deux formes de capitalisme
On a coutume d’opposer deux formes de capitalisme différentes: le rhénan et l’anglo/américain. Le premier privilégie le profit mais dans le long terme, la gestion de «bon père de famille» (ancrage territorial, priorité au travail), l’association au social (dans le partage des échecs comme des réussites) et, une certaine surcapitalisation par rapport au profit (vitesse lente de rémunération de l’action). Le second privilégie le profit important et à court terme, il est lié aux impératifs des actionnaires (par l’intermédiaire des fonds de pension), il sacrifie les salaires et charges sociales à la rentabilité du capital et, curieusement, il peut se trouver dans des sociétés sous capitalisées (mais ou la rentabilité de l’action peut se trouver dopée sur des cycles courts de 2 ou 3 ans).
Il est clair que les conséquences dans le paysage économique de ces deux concepts sont très différentes.
L’hexagone des années 90 a majoritairement pratiqué, selon les propos éclairés de François de Closets, la deuxième forme de capitalisme: sacrifiant dans des grands leaders industriels (que tout le monde connaît au moins de nom) des branches moins rentables que d’autres, pour rendre les actions plus performantes, participant à la désindustrialisation générale. Cette vue à court terme, satisfaisant pleinement les actionnaires, outre qu’elle a plongé des salariés au chômage, a fait perdre des compétences techniques importantes, à l’heure ou on comprend maintenant, de plus en plus, que l’association des techniques de spécialités différentes crée de l’innovation et des progrès (pratiqué aussi dans les clusters). De plus, il y a fort à parier que l’actionnaire gros et en nombre limité, n’étant pas lié affectivement à l’entreprise, s’en aille, tout infidèle qu’il est, continuer à faire son miel sur d’autres «fleurs» dés que l’action arrive vers un palier, pardonnez cette comparaison peu heureuse de ce dernier avec l’abeille (symbole du travail et de la floraison de l’agriculture…).
Dans le même temps, l’Allemagne n’a pas fait de même. Dans une moindre mesure aussi, les coopératives d’Arrasate non plus. Les accords salariaux de partage de l’échec pour conserver les salariés et les savoirs (WW, Fagor), pendant que la crise passe, sont un remarquable exemple de la résistance aux sirènes des actionnaires, mais aussi un remarquable exemple de claivoyance. Plus prés de nous, en Iparralde, le capitalisme populaire créé par Patxi Noblia (Herrikoa, Sokoa) procède de la même intention. Un actionnaire qui a peu de capital, raisonne différemment d’un fond de pension. Il peut attendre et, d’autant plus qu’il en perçoit l’utilité par le biais de l’ancrage territorial.
S’il y a donc un «bon» et un «mauvais» capitalisme, il y a aussi des évolutions accompagnées ou non, aux conséquences significatives pour l’économie d’un pays ou d’un territoire.
La grande distribution et l’industrie
Nous commençons à comprendre le mécanisme. Certains candidats l’évoquent dans les différents entretiens. L’expansion de la grande distribution dans l’hexagone a accompagné la désindustrialisation: dans les secteurs électroménagers, équipements des ménages, la chasse à la marge a fait la part belle aux fabricants asiatiques. A mesure que se constituaient des grandes fortunes sur les périphéries stratégiques des grandes villes, par le jeu des plus-values foncières, combien de pouvoir d’achat de citoyen était complice de fait de la perte de valeur ajoutée, précipitant l’effondrement de secteurs d’excellence et dans un concert de louange pour la fonction commerciale de ces grands noms (marketing, publicité, packaging, promotion, ristourne, remise…) qui captait l’acte d’achat.
Est-il trop tard pour faire le chemin inverse?
Le cercle vertueux de la chaîne de valeur
En Iparralde, nous sommes bien loin de ces considérations, avec une économie résidentielle (tourisme + foncier d’habitation) qui prend le pas de plus en plus sur le secteur agricole et le secteur industriel et avec le peu de levier dont nous disposons au niveau du volontarisme en faveur du développement économique.
Il nous faut donc faire preuve d’opportunisme et sauter sur toute possibilité de conserver de la valeur ajoutée dans le territoire.
Lors de son AG, l’association Uztartu avait invité une PME d’Itsasu, actrice autonome dans le recyclage vert, dont je tairai le nom (pour ne pas faire de la publicité sauvage…). Le gérant a évoqué quelques voies possibles sur d’autres valorisations (méthanisation, recyclage de déchets produits par une usine de production agroalimentaire, etc.). Ce type d’idée est à développer dans notre petit territoire dans lequel la capacité d’initiative doit rester intacte et sans a priori. En l’occurrence, plusieurs mondes et mentalités doivent se parler: la commune pour le terrain, le recycleur pour la fabrication, l’entreprise agroalimentaire pour la fourniture de déchets, mais aussi l’expertise technique (il commence à y avoir des acteurs en Aquitaine sur le sujet). Bien sur, les re-cherches de gisements et leurs pérennités doivent aussi faire partie des premières études, mais dans le territoire dont nous souhaitons une certaine exemplarité, un tel projet a toute sa place. Géographiquement c’est au pourtour des villes que peut éclore cette initiative (pas trop loin des consommateurs d’énergie, pas trop prés pour du foncier à prix raisonnable, etc.).
L’Aquitaine déjà bâtit ses propres outils, et ses initiatives, nous devons nous inscrire dans leur déclinaison territoriale, nous pouvons en avoir le dynamisme et la volonté.