Le gouvernement autonome écossais a rendu publique la semaine dernière une feuille de route menant à la convocation d’un référendum en 2014 qui poserait clairement la question de l’accession à l’indépendance. Si le oui l’emportait, selon la feuille de route rendue publique par le premier ministre écossais Alex Salmond, l’accession à l’indépendance serait effective en 2016. Cette annonce revêt une portée considérable pour les nations sans Etats de l’Union européenne. Elle montre d’une part, que la dynamique d’émancipation des peuples «historiques» ne se cantonne pas à un phénomène des Pays de l’Est catalysé par la chute du mur de Berlin. En Europe de l’Ouest aussi (si l’on peut se permettre encore ce vo-cable…), outre l’Ecosse, au travers des cas flamand, catalan, basque, etc., cette dynamique a cours. Elle montre par ailleurs, que l’option de l’indépendance est une option crédible, et qu’il n’y a pas de raison qu’un «petit» peuple ne puisse envisager d’y accéder dé-mocratiquement. Selon moi, cette dynamique d’émancipation des nations sans Etat relève d’une vague de fond puissante, car elle est alimentée de façon paradoxale par le processus de globalisation lui-même. En effet, pour le comprendre on peut se référer à une loi de l’analyse systémique qui établit que, plus un système est vaste et complexe, plus son bon fonctionnement requiert que les sous-systèmes qui le compose gagnent en autonomie. La globalisation instaure des es-paces de fonctionnement à l’échelle planétaire, mais en même temps, elle crée la nécessité de socles identitaires et communautaires de base qui soient bien identifiés. Alors évidemment, reste toujours l’option que le résultat du référendum soit négatif, c’est d’ailleurs l’argument que peuvent nous opposer ceux qui ne voient pas d’un bon œil cette annonce. Mais, même si évidemment, le refus majoritaire de l’indépendance en Ecosse constituerait une défaite, il n’empêche pas moins que la tenue du référendum représente, en tant que telle, une avancée considérable. Il est probable que l’annonce du gouvernement écossais ait crispé les relations avec Londres. Pour autant, que je sa-che, des renforts policiers et militaires n’ont pas été envoyés en urgence à Edimbourg… Par effet «collatéral», on touche là aux causes profondes du conflit en Pays Basque. Et à ceux qui, suite à la décision d’ETA de mettre fin à ses actions armées, se sont interrogés pour demander «tout ça pour ça?» on peut leur retourner la même question… Tout pour ça pour ça? Car on se demande bien pourquoi ce qui est possible en Ecosse ne le serait pas en Pays Basque? Pourquoi, un processus politique et démocratique d’autodétermination qui semble tout à fait envisageable au cœur même de l’Union européenne ne pourrait être envisagé en Euskal Herria? Je crois connaître la réponse de certains, mais j’ai envie de leur dire que des arguments fondés sur la peur d’une «balkanisation» de l’Europe de l’Ouest ne sont pas recevables. Ils ne sont pas recevables du point de vue du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui sont partie intégrante des droits de l’Homme. Ils ne sont pas recevables non plus, dans le cadre de la crise actuelle, car son dépassement nécessite entre autres choses, que la décision économique soit rapprochée des citoyens et resituée à une échelle où ils ont la maîtrise de ce qui passe. Exemple: le cas de l’Islande, tout petit pays de 330.000 habitants, qui par voie référendaire a refusé de payer la totalité de sa dette. Ainsi, la population, par le biais d’une mobilisation citoyenne qui relève fondamentalement d’un exercice d’autodétermination, s’est affranchie du diktat des milieux bancaires et financiers et d’institutions comme le FMI. On en connaît le résultat: la croissance est repartie et le chômage a commencé a baisser. L’annonce de la tenue du référendum d’autodétermination en Ecosse revêt une importance particulière pour le Pays Basque dans la conjoncture actuelle, car il renforce la crédibilité du processus en cours. Depuis le début nous avons expliqué que le ressort de ce processus est double. D’une part, il y a le processus de négociation à proprement parler et qui a pour référence le cas Irlandais. Mais d’autre part, un processus souverainiste est aujourd’hui également en marche, avec un bloc indépendantiste constitué autour de Bildu/Amaiur et qui est amené à se renforcer. Ce bloc indépendantiste a pour vocation d’installer au pouvoir en Hegoalde une majorité abertzale qui aura pour mandat de créer, comme en Ecosse, les conditions d’une convocation, si nécessaire unilatérale, d’un référendum d’autodétermination. J’en suis persuadé, dans les années à venir, Euskal Herria aussi réussira à ouvrir sa propre voie de mise en exercice du droit à l’autodétermination!