Conséquence de la décision judiciaire espagnole concernant les listes de la plate-forme Bildu, la situation en Pays Basque Sud a connu une évolution notable à la veille des élections du 22 mai car malgré l’interdiction de Sortu, toutes les options politiques pourront y être, d’une façon ou d’une autre, représentées et les habitant(e)s du Pays Basque pourront donc faire le choix électoral qui leur convient. Plus satisfaisante d’un point de vue démocratique, cette nouvelle situation l’est aussi d’un point de vue politique. En effet elle ne peut que favoriser l’émergence de la phase politique en gestation depuis deux ans car les résultats seront, à l’inverse des élections précédentes, un reflet plus juste de la réalité politique des quatre provinces et les forces abertzale se seront pas dès le départ affaiblies et défavorisées par la mise hors jeu d’une partie importante d’entre elles.
Dans le cadre de ces élections le devenir de l’espace politique abertzale de gauche suscite intérêt et espoirs auprès de nombreux militant(e)s au Nord ainsi que de larges secteurs de la population au Sud. En ces temps de transition, plus qu’aux positions du passé, il importe de s’attacher aux évolutions et opportunités nouvelles. Celles-ci sont la résultante des décisions courageuses prises par le courant historique de la gauche abertzale ces deux dernières années, du long chemin parcouru par EA et de la décision du groupe de gauche Alternatiba de s’associer aux forces abertzale. Elles résultent aussi pour partie du sillon creusé depuis 10 ans par le parti Aralar, de ses initiatives et de sa détermination à faire entendre une autre voix de gauche abertzale dans des conditions souvent difficiles.
Bildu d’un côté et Aralar de l’autre: beaucoup regrette que l’espace politique abertzale de gauche n’ait pu se présenter uni face aux trois principales forces du paysage politique en Pays Basque Sud, PP, PSOE et PNV. La question traverse nombre de discussions militantes: n’était-il pas possible de réaliser une large accumulation de forces mobilisatrice au lieu des polémiques et accusations réciproques qui ont occupé le devant de la scène ces derniers mois? Y avait-il cette volonté de part et d’autre? D’un côté la rancœur vis à vis de ceux et celles qui ont fait scission et oser défier le leadership de la gauche abertzale historique semble toujours vivace. De l’autre la crainte de perdre un espace durement conquis apparaît en filigrane et l’intérêt de candidatures séparées notamment en Navarre est mis en avant.
Des deux cotés, la volonté de mesurer ses propres forces est évidente mais avec en contrepartie l’accentuation des points de divergences pour mieux montrer sa spécificité politique.
Reste à espérer que la division n’affaiblira pas outre mesure le camp des forces abertzale et de gauche, que la progression de l’une ne se fera pas exclusivement au détriment de l’autre mais permettra à chacune d’elles de rassembler de plus larges secteurs de la population. On ne peut que souhaiter sincèrement à chaque force constituant cet espace le meilleur résultat possible dimanche prochain. Mais aussi important que le panorama des forces au soir du 22 mai sera la réorganisation de cet espace, en faisant de la pluralité de ses composantes un atout, ainsi que la recherche des points d’accord qui rassemblent. Nouvelle étape indispensable, et de la responsabilité de chacun, afin de faire face aux enjeux politiques cruciaux du Pays Basque, à la transition définitive de la phase de confrontation armée vers celle d’une confrontation civile et politique pour la souveraineté, aux conséquences des décennies passées (illégalisation, prisonniers, réfugiés, victimes…) comme aux plus larges défis du dépassement nécessaire d’un capitalisme toujours plus avide et mortifère.