Voici venue la période électorale puisque à peine 4 mois nous séparent du premier tour de l’élection présidentielle prévue le 22 avril prochain. De nombreux prétendants se sont fait con-naître ou encore ont été choisis soit par leur parti, soit à la suite de primaires. Enfin il y a un candidat virtuel, pas encore candidat, mais se comportant comme s’il allait l’être tellement il sillonne la France, le président sortant et, puisque sortant, normalement candidat à sa propre succession.
En fait, de la douzaine prévisible, il semble que quatre d’entre eux se détachent: pour l’UMP, Sarkozy, pour le PS, Hollande, pour le Centre, Bayrou et pour le FN, Marine Le Pen. Les sondages, pour le moment, donnent comme futurs présents au second tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Le bipolarisme que le second tour de l’élection présidentielle impose dans notre Ve République s’accentue et chaque jour nous apporte son lot d’apostrophes parmi lesquelles domine très nettement le mot “irresponsable”.
Tout un chacun le sait: est responsable celui qui doit répondre, être garant de ses propres actions ou de celles d’autrui dont il a la charge. Le responsable est une personne capable de décider, mais qui doit rendre compte soit à une autorité supérieure, soit à ses mandants. Autrement dit, en démocratie, le responsable est essentiellement l’élu. Cela veut-il dire que tout citoyen non élu est donc, un irresponsable? Certes non, puisqu’il a pris la responsabilité d’élire un responsable, mais ce responsable se doit de rendre compte à ses mandants lorsqu’arrive l’heure du bilan.
“Responsable mais pas coupable”, magnifique formule employée il y a environ un quart de siècle. Cela veut-il dire, en l’occurence, que le ministre responsable, mais auquel on n’a pas rendu compte, se dégage de toute culpabilité en la laissant à ses inférieurs irresponsables qui auraient agi avec une légéreté coupable, inconscients qu’ils étaient de la gravité de leurs actes.
“Irresponsable”, mot que l’on entend fréquemment dans la bouche des gens au pouvoir est, semble-t-il, un qualificatif qui se veut infamant, destiné à montrer que l’autre, l’adversaire, est dépourvu de bon sens, n’a pas évalué les conséquences de ce qu’il propose, est un utopiste, un irréaliste. De la même manière l’opposition peut taxer le pouvoir d’irresponsable pour avoir ignoré les conséquences de ses décisions qui affectent les citoyens.
A titre d’exemple: les 35 heures, responsable ou irresponsable? Le “non” au traité de Maastricht est-il un acte responsable ou irresponsable? Même question pour le “oui”. Le paquet fiscal responsable ou irresponsable? On pourrait multiplier les questions.
Enfin, en droit constitutionnel l’irresponsabilité est la protection particulière de l’indépendance des élus les faisant échapper à toute poursuite judiciaire pour les opinions ou votes émis à l’occasion de l’exercice de leur mandat. Ainsi ils sont irresponsables pour le vote en faveur ou contre le Traité de Lisbonne.
L’irresponsabilité est aussi le privilège en vertu duquel le chef de l’Etat échappe à tout contrôle parlementaire ou juridictionnel pour ses actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, hormis cas exceptionnel prévu par la Constitution. Ainsi donc, l’irresponsabilité protège le responsable le plus haut placé dans la hièrarchie républicaine lorsqu’il est au pouvoir. Etre irresponsable quand on a la responsabilité pleine et entière de la direction d’un Etat relève de l’absurde pour moi qui ne suis pas juriste.
Enfin, le directeur d’Enbata pourra-t-il être taxé d’irresponsable pour avoir publié mon article dont je prends l’entière responsabilité?