Un bruit court en ce moment comme quoi une «révolution démocratique et anticapitaliste» aurait lieu ou aurait eu lieu en Islande. Or, aucune information n’a filtré ni dans les médias, ni sur le web. Néanmoins, il paraît intéressant de prendre quelques minutes, dans tout le raffut médiatique généré par l’annonce d’ETA, pour parler de ce fait car même s’il est imaginé ou romancé, il est symptomatique d’une société moderne qui a besoin de se renouveler et représentatif d’un idéal qu’un certain nombre d’entre nous défendons.
Quand l’Islande «réinvente»
un projet de société…
Selon certains échos, entre 2008 et 2010, le peuple islandais aurait chassé la droite du pouvoir en assiégeant de manière pacifique le palais présidentiel, la gauche «libérale» qui aurait aimé se substituer au gouvernement en place aurait également été désavouée par anticipation car pour le peuple il semblait évident qu’elle entendait mener la même politique que la droite, un référendum aurait été imposé pour déterminer s’il fallait rembourser ou non les banques capitalistes qui ont plongé l’Islande dans une crise socio-économique, une victoire à 93% du oui aurait imposé le non-remboursement des banques, une nationalisation de ces mêmes banques, et, summum de ce processus «révolutionnaire»: l’élection d’une Assemblée constituante le 27 novembre 2010, chargée d’écrire de nouvelles lois fondamentales qui traduiront dorénavant la révolte populaire de cette fin d’année 2010 contre le capitalisme, et les aspirations du peuple islandais à se construire dans une autre société.
Même si la nature révolutionnaire de ce récit est attrayante et revêt un certain romantisme, il paraît tout de même difficile que tels événements aient pu avoir lieu, tout en passant inaperçus dans notre société de communication. Tout comme il paraît difficile de penser qu’un complot mondial ait été mis en place pour étouffer l’affaire et pour ne pas réveiller les consciences revendicatives.
Une réalité politique plus nuancée
En revanche, ce qui est sûr c’est que l’Islande a connu un certain nombre de changements assez spectaculaires, à commencer par la nationalisation des trois principales banques (Kaupthing, Glitnir et Landsbanki), suivie de la démission du gouvernement de droite sous la pression populaire. Les élections législatives de 2009 ont amené au pouvoir une coalition de gauche formée de l’Alliance (groupement de partis composé des sociaux-démocrates, de féministes et d’ex-communistes) et du Mouvement des Verts de gauche. C’est une première pour l’Islande, pays traditionnellement gouverné par le centre droit, tout comme la nomination d’une femme, Johanna Sigurdardottir, au poste de Première ministre.
De plus, dans le programme de l’Alliance arrivée au pouvoir, il était question d’une réforme de la Constitution, notamment pour redéfinir les pouvoirs du président de la République. Une Assemblée constituante, composée de 25 personnes, a été élue le 27 novembre 2010. N’importe qui pouvait se présenter à cette élection. Plus de 520 candidat(e)s l’ont fait venant de tous horizons. Les élu(e)s sont des universitaires, des juristes, des journalistes; on compte aussi un syndicaliste, un agriculteur, un pasteur, un metteur en scène…
Même si la réalité politique de cette «révolution démocratique et anticapitaliste» est très nuancée politiquement parlant et beaucoup moins révolutionnaire qu’il n’y paraît, les changements connus par l’Islande ne sont pas des moindres et devraient nous servir de leçon.
Des changements à méditer
Il est évident que la «révolution démocratique et anticapitaliste» islandaise n’a pas eu lieu dans les termes révolutionnaires par lesquels certain(e)s l’ont décrite, il n’en reste pas moins que les changements politiques obtenus sont encourageants. Du haut de ces 320.000 habitants l’Islande montre la voie. En Europe, si les crises économiques et sociales avaient pour conséquence l’éviction des gouvernements de droite et de gauche «libérale» que nous connaissons, nous serions dans des avancées politiques considérables.
Alors que gronde au sein de l’Europe toute entière la colère d’une société asphyxiée par des réformes sociales, par une conjoncture économique difficile et par les effets néfastes du capitalisme, l’Islande nous donne l’exemple d’une réaction sociétale et politique vers la construction d’un autre modèle de société. Il nous appartient à nous aussi d’aller à la reconquête démocratique et populaire du pouvoir afin de le remettre au service du peuple.
La «révolution démocratique et anticapitaliste» en Islande n’a pas eu lieu car la société islandaise a su réagir. En revanche, chez nous tout reste à faire… peut-être même la révolution!