C’est le titre d’un livre paru récemment aux Editions La Découverte, Paris, 2010. Il ne s’agit pas d’un simple pamphlet contre le chef de l’Etat français, mais d’un travail en profondeur dans les arcanes de l’oligarchie dirigeante de la France, conformément au sous-titre de l’ouvrage: “Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy”. Très documenté, il ne se lit pas comme un roman, il y faut du temps. Pour le moment je mets à profit une première approche abordée par l’hebdomadaire Télérama n°3166 du 15 septembre 2010, sous la forme d’un entretien avec les auteurs: Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS.
Jusque là les chercheurs ne s’intéressaient qu’aux ghettos des pauvres, notamment aux jeunes des banlieues défavorisées, en négligeant “le moteur de cette ségrégation”.
En 1986 les époux sociologues décidèrent donc d’explorer les ghettos des très riches, les beaux quartiers, et ils n’en sont “jamais sortis”, le sujet étant inépuisable, comme
un nouveau continent, ou comme la mon- dialisation sur laquelle surfe l’oligarchie française, entre autres. D’abord elle règne étroitement sur ses “banlieues chic”, vieilles maisons et châteaux, le commerce de l’art et des collections, les meilleures écoles à l’écart des enfants pauvres, ses cercles et clubs fermés, où l’on rencontre aisément et comme par hasard “tel ministre, tel conseiller du président, tel banquier, tel patron d’entreprise et de médias”, à l’occasion d’un verre pris négligemment au bar distingué, où l’on ne risque pas de se frotter à l’indiscrète piétaille. “On parle, on devient intime, on s’épaule, on se soutient. Chacun multiplie son pouvoir par le pouvoir des autres, augmentant d’autant la puissance de l’ensemble. Nicolas Sarkozy, qui affiche sa “décomplexion” vis-à-vis du monde de l’argent, a permis le dévoilement de ces réseaux jusqu’ici plutôt discrets”.
Dès son élection, le nouveau Président de la République, dans la “fameuse nuit du Fouquet’s, où étaient réunies toutes les composantes de la classe dominante, patrons du CAC 40, politiques et show-biz”, manifesta clairement, ouvertement, son dévouement à l’oligarchie des milliardaires, dans une “connivence inusitée entre le monde politique et celui des affaires”. Depuis lors, Nicolas Sarkozy n’a cessé de tenir des discours populistes, mais ses promesses démagogiques sont presque toujours contredites par sa politique fiscale bien connue, ainsi que par le détricotage systématique des réformes du CNR à la Libération, du service public, et des acquis sociaux successifs.
Les deux époux sociologues soulignent que nous sommes confrontés à une guerre des classes menée par les plus fortunés contre tous les autres. “Que faire des riches? (…): suivre leur exemple. Voilà des gens qui ont une éminente conscience de leur classe, qui sont solidaires quand la mode est à l’individualisme, qui sont organisés et mobilisés, qui défendent énergiquement leurs intérêts. Faisons comme eux. Battons-nous!”
Ce genre d’oligarchie n’est sans doute pas particulier à la France. Mais ce qui caractérise le cas français, c’est la complicité ouverte entre le monde des très riches et le pouvoir politique. Celle-ci est à mon avis aggravée par la personnalisation extrême du pouvoir aux mains du Président Sarkozy, qui se com-porte en monarque, élu certes, mais absolu. Par moments on se croirait dans une république bananière, ce qui est parfaitement anormal et profondément choquant dans un Etat démocratique développé.