L’annonce d’un éventuel référendum en Grèce sur l’accord européen du 26 octobre a fait toucher du doigt la possibilité d’un éclatement de la zone euro. De fait, l’Europe est aujourd’hui dans une impasse économique et politique. La lourde question qui se pose alors est: à qui la faute? Réponse: au modèle libéral qui a présidé à sa construction, en particulier, aux modalités de gestion de la monnaie unique. Il faut le dire: ceux (parmi lesquels les abertzale de gauche) qui, depuis le départ, ont dénoncé cette Europe libérale avaient raison! Sentant les regards accusateurs se pointer de plus en plus sur lui, l’ancien directeur de la Banque Centrale Européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, déclarait à l’occasion d’une conférence de presse en septembre: notre gestion de la crise a été «impeccable». Paul Krugman, prix Nobel d’économie américain, lui répondait quelques jours plus tard dans une tribune du New-York Times (tribune du 11 septembre), que la position de la BCE menait l’euro à un désastre «impeccable», en particulier à cause des politiques d’austérité imposées. Qu’est-ce qui est aujourd’hui en cause? Parmi les rouages de l’orthodoxie libérale, notamment le dogme monétariste qui, dès le traité de Maastricht, a interdit à la Banque centrale européenne de financer les déficits publics. Seule solution alors pour les Etats de la zone euro: s’endetter lourdement auprès des marchés financiers et placer de fait nos économies, et l’ensemble de nos sociétés sous le joug des grands financiers internationaux. Et nous en sommes arrivés jusqu’à la situation actuelle, où, face à l’annonce (la menace?) de mettre en œuvre un exercice démocratique (un référendum en Grèce) on frôle un krach boursier. Une situation où donc, la dictature des marchés financiers impose un black-out sur les principes
de démocratie et du droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes. Si nous voulons construire un autre avenir, la réflexion sur le fait de savoir comment nous en sommes arrivés là est fondamentale. Comme l’établit le vieil adage basque: «norat joan jakiteko, nundik jin jakin behar». Et face aux échéances présidentielles et législatives qui se profilent, je vois poindre le discours «tarte à la crème» du vote utile en faveur du PS pour en finir avec le Sarkozysme. En finir avec le Sarkozysme oui, mais pas au nom d’une amnésie collective, et surtout pas pour cautionner des politiques dont la lo-gique fondamentale resterait celle du mo-dèle néo-libéral. Car il faut le dire et le répéter, la social-démocratie représentée par M. Hollande a une responsabilité directe dans le contexte actuel. En France, et même au niveau européen, c’est le PS qui a impulsé la libéralisation des marchés financiers dans les années 80. Ainsi, le premier pas significatif dans cette voie a été franchi par la loi de déréglementation des marchés financiers présentée en 1986 par Pierre Bérégovoy. De même, en 1988, ce sont Jacques Delors et Pascal Lamy (actuel patron de l’Organisation mondiale du commerce) qui sont les rédacteurs d’une directive européenne (directive 88/361/EEC) visant à promouvoir la pleine mobilité des capitaux, non seulement en Europe, mais aussi avec les pays du reste du Monde. Puis, comme chacun sait, Jacques Delors a été durant sa présidence à la Commission européenne un des grands promoteurs de la monnaie unique telle que nous la connaissons. Cela étant, il convient de souligner, en toute modestie, que le projet abertzale de gauche défend des idées qui font partie de la «boîte à outil» des notions clés à partir desquelles de réelles voies alternatives au système actuel sont envisageables. Ainsi, c’est avec un grand plaisir que j’ai récemment constaté qu’un ancien Professeur, M. Henri Bourguinat, considéré comme un des plus grands spécialistes en France de la finance internationale, se référait à l’idée «d’autodétermination» des économies nationales ou régionales (Voir: “H. Bourguinat & E. Briys, Marchés de dupes. Pourquoi la crise se prolonge?” Editions Maxima, 2011, p.207). De même, il faut rappeler à ceux qui se réclament du grand économiste du XXe siècle, John Maynard Keynes, que ce dernier a publié en 1933 (donc quelques années seulement après l’éclatement de la crise de 1929) un article dans lequel il dénonçait le caractère destructeur des calculs à caractère strictement financier, pour affirmer que: «nous ne voulons pas être à la merci des forces mondiales qui œuvrent ou s’efforcent d’œuvrer à un équilibre uniforme conformément aux principes du laisser-faire capitaliste. (…) Nous voulons (…) être nos propres maîtres et être aussi libres que possible des interférences extérieures». La solution que J. M. Keynes prônait était: … l’autosuffisance nationale! (Voir: J. M. Keynes, «National Self-Sufficiency», The Yale Review, Vol. 22, n°4, June 1933).