LE thème de l’immigration est instrumentalisé
par les grands partis
politiques français, avec beaucoup
d’hypocrisie et d’arrières-pensées électoralistes,
aussi bien à droite qu’à gauche. Le
Front National en fait, avec l’Europe Unie,
la cause de tous les malheurs économiques,
sécuritaires, identitaires et autres.
La droite «normale»lui emboîte le pas pour
essayer de lui prendre des voix, tout en
embarrassant la gauche accusée d’irresponsabilité,
de laxisme et d’incompétence.
La gauche ignore sciemment la réalité du
problème et glisse le thème comme une
peau de banane pourrie sous les pieds de
la droite, pour la destabiliser. Le Front National
est hautement dénoncé, diabolisé,
mais plus il obtient de votes, plus il permet
au Parti Socialiste d’étendre son pouvoir.
Conséquence théorique et pratique: au
point de vue théorique, le problème n’est
pas examiné d’une façon sereine et complète;
au point de vue pratique, la patate
chaude échoit à la droite, et celle-ci agit à
la hâte, au coup par coup, de la façon la
plus simple et démagogique, c’est-à-dire
par la répression policière et la réduction
des libertés publiques. Et il en ira ainsi tant
que la gauche ne prendra pas la question
à bras le corps, au lieu de la réduire à un
objet de polémique trop facile et commode
pour elle. En aura-t-elle un jour le courage?
Tout est là. Car à mon avis, elle ne pourra
pas éluder constamment le problème en
poussant ce brûlot vers le vaisseau de la
droite.
L’immigration est un vrai sujet, à traiter avec
pragmatisme et humanité, par dessus les
idéologies partisanes et les calculs électoralistes.
Voici déjà un quart de siècle, le premier
ministre socialiste de l’époque, Michel Rocard,
disait: «La France ne peut pas accueillir
toute la misère du monde». L’on
peut en dire autant de l’Europe. L’on ne
rend service à personne en prétendant le
contraire, et surtout pas aux malheureux
migrants exposés à tous les risques, d’abord
ceux du voyage dans les pires conditions,
ensuite ici celui du chômage, la
froideur et la cruauté de l’exil, souvent la
misère côtoyant chaque jour une abondance
arrogante et gaspilleuse, sans oublier
le mépris raciste et anti-pauvres, et les
humiliations de toutes sortes.
Il est certes nécessaire que chaque Etat et
l’ensemble de l’Union européenne s’appliquent
à réguler les flux migratoires, mais
tout est dans la mesure et la façon: rien ne
peut nous dispenser du devoir d’humanité,
rien ne doit nous permettre de traiter les
immigrés, même clandestins, comme des
malfaiteurs, ou pire comme des soushommes,
par exemple en les concentrant
dans des centres de rétention (l’on pourrait
inverser les termes), sous des conditions
carcérales indignes et glacées, avant de les
expulser de façon brutale.
Il nous faut revenir aux fondamentaux de
notre civilisation et de nos cultures, par
exemple méditer ce commandement biblique:
«L’étranger qui habite au milieu de
vous sera pour vous comme un habitant du
pays et tu l’aimeras comme toi-même, car
vous avez été étrangers dans le pays
d’Egypte». Et nous autres Basques, nous
devons nous souvenir que notre pays a
produit depuis Christophe Colomb des flots
d’émigrés pour les Amériques.
Aujourd’hui c’est notre vieille Europe qui a
besoin d’un certain nombre d’immigrés. Un
équilibre est à négocier avec les pays de
départ. La régulation ne pourra fonctionner,
ni même se justifier, sans un soutien efficace
des pays riches (dont nous faisons
partie) au développement durable et non
minier de l’Afrique, et ça, ce n’est pas un
détail, encore moins une option, comme
le clignotant chez certains automobilistes.