Fidèles à leur engagement de rendre les registres des délibérations du Biltzar du Labourd, rapatriés en 2000,
le jour où un centre d’archives serait créé en Iparralde,
les Démo ont choisi la veille de l’inauguration officielle pour les remettre à Christine Bessonart, présidente en exercice du Biltzar des communes du Pays Basque,
sur le parvis de sa mairie de Senpere.
On les attendait vendredi à l’inauguration du nouveau bâtiment des archives à Ba-yonne, les facétieux T-shirts jaunes étaient devant la mairie de Senpere la veille. Au son du txistu, ils escortaient Dominique Joseph Garat venu confier à la présidente en exercice du Biltzar des communes du Pays Basque, les registres bi-séculaires des délibérations du Biltzar du Labourd. Nulle trace de la fatigue d’une longue route à l’arrivée devant le perron de l’Herriko Etxe où les attendait Christine Bessonart entourée de ses deux vice-présidents, Gracie Florence, maire d’Ezpeleta et Sauveur Bacho, maire d’Arberatze. Il est vrai que les deux volumes avaient fait l’essentiel du chemin de Pau au Pays Basque il y a dix ans.
Dans ses beaux atours de député aux Etats généraux de 1789, Dominique Joseph Garat n’avait rien d’un revenant d’outre-tombe. Quand l’esprit continue de souffler, la mort n’a pas de prise.
La date choisie pour remettre les registres ne devait rien au hasard. Fidèles à leur engagement —leur Serment du Jeu de paume en quelque sorte— de rendre les précieux volumes rapatriés en 2000 le jour où un centre d’archives serait créé en Iparralde, les Démo ont choisi la veille de l’inauguration officielle pour les remettre. Mais la symbolique ne s’arrêtait pas là. A la tête du Biltzar, Christine Bessonart perpétue la tradition niée d’une institution que le jacobinisme niveleur ne pouvait et ne peut, 200 ans plus tard, toujours pas tolérer. Qui plus est, elle est le premier magistrat d’une commune qui, voilà 400 ans, a payé un lourd tribut à la folie persécutrice d’un pouvoir central déjà obsédé par la mise au pas des minorités agissantes.
C’est pour rappeler tout cela que, dans un geste empreint de solennité, main posée sur un des volumes, Dominique Joseph Garat s’est adressé à «la présidente de l’actuel Biltzar des maires du Pays Basque, préfiguration de cette institution que le peuple continue de réclamer, aujourd’hui comme il y a 221 ans». Et pour bien souligner la dimension symbolique de cette remise, le député a déposé les registres entre les «mains légitimes» de Christine Bessonart et des vice-présidents du Biltzar debout à ses côtés. Histoire de rappeler que la dernière délibération inscrite dans le registre du Biltzar du Labourd avant la suppression de l’assemblée par la constituante de 1789, à savoir la création d’une collectivité territoriale spécifique au Pays Basque, était plus que jamais d’actualité. Le cri de Dominique Joseph Garat résonne encore: «Ma province proteste!».
Du reste, la symbolique n’était pas uniquement du côté des Démo. Pour recevoir les précieux documents, la présidente du Biltzar s’était entourée de ses deux vice-présidents, signifiant ainsi l’importance qu’elle attachait à la revendication portée par les jeunes en jaune. Dans sa réponse à l’adresse du député uztariztar, la présidente du Biltzar n’a pas hésité à faire un parallèle entre la situation de l’époque révolutionnaire et celle d’aujourd’hui. «J’espère que la période 2013-2014 ne sera pas une nouvelle nuit du 4 août», a-t-elle déclaré. Elle faisait explicitement référence à la réforme des collectivités territoriales qui oublie le Pays Basque et prévoit même la disparition des «pays», support des ersats (ou ezetz?) —Conseil de développement, Conseil des élus— “octroyés” pour calmer les ardeurs revendicatrices des agités de ce territoire. Et de regretter de ne pouvoir transmettre les registres aux responsables du Centre à l’occasion de l’inauguration, puisque ni elle ni ses adjoints n’étaient conviés au pince-fesse de vendredi.
Quoiqu’il en soit, Jean-Noël Etcheverry et Peio Etcheverry-Ainchart, qui s’exprimaient à l’issue de la remise, sont convaincus que si Dominique Joseph Garat ne s’était pas rendu aux archives paloises pour en extraire les deux tomes il y a dix ans, le centre bayonnais des archives n’aurait jamais vu le jour. C’est également à peu près ce que laissait entendre le président de l’Office public de l’euskara devant les médias en soulignant le rôle joué par la société civile et les associations en faveur de la création du nouveau pôle des archives basques. Hommage du vice à la vertu!
Le combat de Garat et de ses émules d’hier et d’aujourd’hui n’aura pas été vain. Les adversaires de la reconnaissance institutionnelle de ce pays ne pourront pas tenir éternellement murés dans les bunkers de leurs certitudes. Ne disait-on pas la ligne Maginot inviolable?
Par leurs actions aussi déterminées que pacifiques et pleines d’humour, qui leur ont valu une fréquentation assidue du commissariat et des tribunaux, les Démo ont su, une décennie durant, populariser les revendications de l’officialisation de l’euskara et de la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde. Au moment de leur interruption volontaire d’activités, ils méritent un grand coup de béret et des brassées d’aurresku comme celui de Senpere.
Allocution de
Dominique Joseph Garat
Madame la Présidente, citoyennes, citoyens,
Je ne sais comment exprimer la joie qui m’étreint en ce beau matin d’automne.
Voici dix ans, une joyeuse troupe vêtue de jaune vint me tirer de mon sommeil éternel, me proposant d’user de mon nom afin de rapatrier au Pays Basque les registres des délibérations de feu le Biltzar du Labourd. C’est bien volontiers que je le fis, tant était flagrante l’anomalie qui voyait ces registres conservés précisément dans le chef-lieu du département contre la création duquel je déclamai jadis devant l’Assemblée constituante «Ma province proteste!».
Mes chers Demo, je vous le dis: ardue était cette tâche, plus belle en fut la victoire. Vous promîtes de rendre ces documents lorsque les portes d’un centre d’archives s’ouvriraient au Pays Bas-que. Quel plus beau symbole que de le faire en cette veille d’inauguration officielle du Pôle des archives du Pays Basque et à quelques jours du 18 novembre qui vit, en l’an de grâce 1789, le Biltzar du Labourd tenir sa dernière séance avant d’être emporté par le vent de l’histoire; en cette triste séance les délégués labourdins réclamèrent la création d’un département basque. Et de le faire ici, en mairie de Saint-Pée, devant la présidente de l’actuel Biltzar des maires du Pays Basque, préfiguration de cette institution que le peuple continue de réclamer, aujourd’hui comme il y a 221 ans.
Deux siècles plus tard, ma province continue de protester. Mon cher Pays Basque proteste. Dans ce mouvement populaire, amis Demo, voici dix ans, vous fîtes ce que vous pûtes et vous nous épatâtes. L’acte d’aujourd’hui est le dernier de votre existence, mais c’est votre plus éclatant succès. N’ayons pas de doute, le combat institutionnel continuera, il sera la prise de la Bastille des Basques d’aujourd’hui. Une tour de l’édifice, déjà, a chancelé avec la création d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara. En mon for intérieur, je sais que le mouvement est lancé, qui ne s’arrêtera plus.
Au terme de cet acte public, je reprends mon voyage dans l’au-delà et ma place dans l’histoire. Les Demo aussi disparaissent définitivement, mais de leurs braises ont déjà rejailli d’autres flammes. Merci de votre accueil, Madame la présidente. Ces documents sont désormais en vos mains légitimes, charge à vous de les déposer là où ils auraient toujours dû résider. Bon vent aux citoyens et citoyennes d’aujourd’hui, pour obtenir enfin ce que jadis nous réclamâmes au nom de la démocratie.
Gora Demo, Gora Euskal Herria!