Le dernier numéro d’Enbata (13 oc-tobre 2011, n°2198) rapportait les propositions des deux finalistes de la primaire socialiste ou encore “citoyenne” comme le caractérise M. Baylet, François Hollande et Martine Aubry, ainsi que celle d’Eva Joly qui défendra les couleurs ou plutôt la couleur verte d’Europe Ecologie-Les Verts.
“Je suis pour que les langues régionales soient reconnues et parlées” déclare François Hollande qui ajoute qu’il demandera au Parlement une modification de la Constitution pour ratifier la Charte des langues régionales.
Interrogée en Bretagne, Martine Aubry propose un enseignement obligatoire du breton “sauf désaccord exprès des familles”. C’est, assurément, un pas en avant par rapport à la revendication d’un enseignement où les parents proposent et le pouvoir dispose, alors que dans le cas exposé par Martine Aubry c’est le pouvoir qui propose et les parents qui disposent. L’idée d’“obligatoire” fait son apparition liée à la liberté de refus.
Quant à Eva Joly elle est, elle aussi, pour la reconnaissance des langues régionales et dénonce “la volonté hégémonique d’imposer l’unique langue française”. Selon elle, et sur ce point elle rejoint Martine Aubry, “on ne peut pas imposer l’enseignement des langues régionales, mais on peut imposer l’offre”.
La “reconnaissance” des langues minoritaires est donc à l’ordre du jour, mais il y a des degrés dans la reconnaissance. A vrai dire, les langues de France autres que le français sont “reconnues” d’une certaine manière puisqu’elles figurent à l’article 75 de la Loi fondamentale comme “appartenant au patrimoine culturel et social” de la France. On franchit un pas dans la “reconnaissance” avec la loi de l’offre qui l’emporte sur la demande, celle qui suppose de la part du peuple, en l’occurence les pa-rents, la liberté du refus ou de l’acceptation.
Enfin, la “reconnaissance” totale est celle de l’officialisation dans l’article 2 de la Constitution qui déclarerait que le français est la langue officielle de la nation et que chacune des autres langues de France est officielle dans le territoire où elle est parlée, c’est à dire pour l’euskara les trois provinces historiques du Labourd, de la Basse-Navarre et de la Soule. Avec l’officialisation l’offre ne se limite pas uniquement à l’enseignement, mais s’impose à tous les actes de la vie quotidienne, y compris dans l’administration, donnant à chacun la liberté dans le choix de la langue.
Parmi les langues de France, la seule qui possède une Académie est la langue basque. Euskaltzaindia, depuis sa création en 1918-1919, est l’institution destinée à veiller sur la langue et à la promouvoir. Réunie à Biarritz en juin 1994 elle a, sur ma proposition alors que j’en étais le président, fait la demande d’officialisation aux autorités françaises (président de la Ré-publique, premier ministre, présidents des Assemblées et divers ministres) par un courrier pour lequel il n’y a eu aucune réponse, tout juste l’accusé de réception de M. Pasqua, alors ministre de l’Intérieur qui, l’année suivante, allait signer la “re-connaissance de l’utilité publique” grâce aux interventions de MM. Bayrou et La-massoure.
Il y a trois ans, lorsque l’Académie française s’est élevée contre l’introduction dans l’article 1 de la Constitution de la phrase “Les langues régionales appartiennent à son patrimoine”, Euskaltzaindia, garante des droits de l’euskara, a adressé aux grands quotidiens dit nationaux tels que le Figaro, le Monde, Libération un droit de réponse à l’attitude des académiciens français. Aucun d’entre eux n’a publié ce courrier, ni, que je sache, n’en a accusé réception.
Que dire, dans ces deux cas, de la position des autorités qui nous gouvernaient en 1994, de la presse en 2008? Autisme, mépris; à vous, cher lecteur d’en juger.