Ça y est, comme chaque année on a réveillé le roi Léon et plusieurs centaines de milliers de monarchistes ont décidé de lui faire la fête, dans un joyaux climat d’Ancien Régime éthylique. Parmi eux, toute la bonne société locale, dont il faut espérer qu’elle maîtrise le sens, l’esprit et les usages de la fête. Et puis il y a les autres, ceux qui ont été attirés par le charme pittoresque de la plus grande emblématique des «fêtes du sud-ouest», à qui l’on peut se permettre de rappeler les fondamentaux sous forme de décalogue, en guise de bienvenue. La gent féminine ne posant généralement guère de problème durant les fêtes – cherchant plutôt à les éviter –, c’est donc à mes congénères mâles que je m’adresse.
1. En rouge et blanc tu te vêtiras. Tu feras d’ailleurs attention à ne pas confondre ces couleurs avec celles du BO, si tu ne veux pas passer pour un gros blaireau. Certes, tu croiseras bien des spécimens habillés en tout sauf en rouge et blanc, et qui t’expliqueront avec dédain que l’anticonformisme est l’apanage des gens vraiment cools et détachés des conventions, mais tu les laisseras à leur esprit chagrin en préférant considérer que cet «uniforme» favorise plutôt la convivialité et peut aider à atténuer – même si ce ne sera toujours qu’en apparence et temporairement – les disparités sociales. À moins bien sûr de mettre une chemise blanche de chez Howard’s à 100€, ce que tu éviteras si tu veux traîner au Petit-Bayonne.
2. Des pratiques locales tu t’inspireras. Un exemple, la kutx. Cette caisse commune te permettra de mutualiser les moyens financiers de ton groupe d’ami(e)s pour payer ses consommations pendant toute la soirée, plutôt que de commander chacun son verre. Tu n’as pas voté contre Sarkozy il y a deux mois pour agir maintenant en capitaliste, hein?
3. Deux-trois mots de basque tu apprendras et tenteras d’utiliser pour commander au bar. Tu ne l’as peut-être pas remarqué, mais tu es au Pays Basque et tu peux profiter de la fête pour t’amuser à lire les panneaux bilingues de certains bars pour qui le drapeau basque n’est pas qu’un attrape-touriste!
4. «Le phare d’Alexandrie» et «Le lac du Connemara» tu fuiras. Enfin, si tu peux car on y échappe difficilement… Quitte à venir de Lille ou tu 9-3, autant découvrir autre chose que ces éternelles soupes vomies à fort décibel dans la plupart des bars de la ville. Recherche donc les petits bars associatifs, où l’on ne fait pas les choses exactement comme si on était en boîte de nuit.
5. La bagarre tu ne chercheras point. Est-il donc besoin de développer ce point (et pas seulement de suture)? Peut-être viens-tu d’un pays où il est de bon ton de finir une fête par une bonne baston, mais sache que le Pays Basque n’en fait pas partie et qu’il connaît assez de violences liés à sa situation politique pour se laisser gâcher ses fêtes par quelque petit coq d’arrière-cour débordant de testostérone.
6. Les filles tu respecteras. Évidemment, c’est l’été, il fait chaud et moite, l’alcool et la musique te désinhibent, et les débardeurs blancs pigeonnants que tu croises et autres tangas dépassant du bermuda te montent à la tête. C’est là que tu dois faire un petit exercice d’introspection et te demander ce qui te différencie de l’animal, à part bien sûr ton IPad. Ceci fait, tu peux laisser tes yeux vagabonder (faut pas pousser quand même), mais tu maîtrises le reste au profit d’une courtoisie très XVIIIe dont le succès en situation de drague pourrait bien te surprendre…
7. La corrida tu mépriseras. Bayonne et sa traditionnelle féria? Certes… Il fut un temps où la tradition était de donner des chrétiens à manger à des lions nourris à la salade verte. C’était sûrement rigolo mais on a laissé tomber la pratique, même si c’était «la tradition». À la corrida, on ne sacrifie plus que des taureaux ; mais c’est assez débile pour que même les villes de la péninsule ibérique les aient peu à peu interdites. Vivement que les sauvages du sud nous civilisent.
8. Dans la Nive et dans l’Adour tu ne plongeras point. Les deux cours d’eau sont assez sales comme ça pour que tu y ajoutes ton double quintal im-bibé d’alcool et de sueur, en outre promis à l’hydrocution.
9. Jean Grenet tu ménageras, si tu le croises dans la rue. Viré de l’Assemblée nationale, il est aussi promis à la retraite municipale. Laisse-le profiter de ses dernières fêtes.
10. À Enbata tu t’abonneras. Si tu lis ces lignes, c’est d’ailleurs que tu as la revue entre les mains, profites-en. Rassure-toi, tu y trouveras des chroniqueurs bien plus spirituels que ton serviteur de ce jour. Et bonnes fêtes de Bayonne!