L’âme de Patxi Noblia a quitté son corps le 14 décembre, il était âgé de 79 ans. Abertzale de la première heure, il aura joué un rôle essentiel dans les aventures qui fondent notre combat en Iparralde : à peine sorti de l’adolescence, il adhère au mouvement Enbata dont il fut le premier permanent (1965-1967) et devint le grand architecte des campagnes électorales de 1967. Peu de temps auparavant, arrêté par la guardia civil à Pasaia le 15 novembre 1965, il subit 48 heures d’interrogatoire particulièrement musclé entre les mains du célèbre tortionnaire Melitón Manzanas, patron de la brigade politico-sociale. Il racontera en détail cet épisode « marquant » dans nos colonnes (*).
Aux côtés des femmes et des hommes de sa génération, toujours aux avant-postes, ce furent ensuite les créations de Seaska, Sokoa, Izan et Herrikoa, la défense des réfugiés politiques, la mise en orbite du Conseil de développement, enfin avec Michel Berhocoirigoin, le combat de Titans pour jeter les bases d’EHLG. A chacune de ces étapes, les autorités de l’État français furent ses adversaires : ministère de l’Intérieur, Rectorat ou Académie, Commission des opérations en bourse, fisc du ministère des Finances, OFPRA, préfets et sous-préfets. Le 5 novembre 1986, éclate l’affaire de la cache d’armes d’ETA dans l’entreprise Sokoa. Elle compromet gravement l’avenir de la société et coûtera à son patron un mois de prison.
Jamais l’irréductible Patxi Noblia ne baissa la garde. Jamais il ne courba l’échine.
Au milieu des années 60, puis dans les années 90, il tint dans le journal Enbata, une chronique économico-politique. Il y fila souvent la métaphore de la tortue en matière de développement. Cet animal totem lui va comme un gant, tant la discrétion associée à la constance et à la détermination dans la durée, caractérisent l’engagement de Patxi Noblia sa vie durant. Fuyant la lumière et peu disert, il avait « la bouche courte », comme on dit chez les Peuls et chez les Basques, « labur hitzetan eta luze egintzetan », bref en paroles et long en action. Le grand dessein de Patxi Noblia fut de donner chair, de concrétiser le rêve, l’élan, les convictions de ses 20 ans, en particulier dans un domaine bien ingrat où le réel ne fait guère de cadeaux : l’économie, l’entreprise, la création d’emplois. « La révolution véritable n’est pas dans les outrances verbales, mais dans la conversion profonde d’une volonté qui se refuse à l’ordre traditionnel » et à l’injustice, dixit un philosophe. Ce fut le credo de Patxi Noblia. Contre vents et marées, construire notre pa(ma)trie. Puisse son exemple guider demain les pas de la jeunesse de ce pays.
Les mots manquent pour dire notre émotion et notre admiration. Aussi, nous lui dédierons un chant ancien interprété par Maitena Duhalde, Amenduxen epitafioa :
L’équipe du journal Enbata
+ Patxi Noblia a fait savoir de longue date qu’il ne souhaitait aucune cérémonie ou hommage public lors de sa disparition.
(*)
Le Pays Basque a perdu, un des hommes les plus marquants de son histoire.
Goian Bego Patxi Noblia.