Les débats en cours autour du PLH de l’Agglomération Pays Basque prennent pour point d’appui un diagnostic implacable : notre territoire subit une forte augmentation de sa population, qui n’est pas due à sa natalité –le solde naturel étant négatif– mais à son attractivité qui entraîne un solde migratoire largement positif, cela augmentant d’autant le besoin en logements. Si les faits sont incontestables, il convient toutefois de bien prendre garde aux lectures que l’on en fait, au risque de se tromper de combat voire de finir dans une ornière idéologique.
Assez de place pour tout le monde
Au Pays Basque comme ailleurs – ni les jeux d’échelles, ni les statuts des territoires ne changent la perception par une population du phénomène d’immigration –, la tentation est grande de considérer que les questions foncières ou immobilières (entre autres) sont liées à une immigration forcément subie.
Les sympathisants locaux du RN considèreront toujours que cette immigration est essentiellement africaine ou arabe, on connaît bien ce nauséabond refrain pourtant démenti par toutes les données chiffrées.
Mais beaucoup d’autres habitants du Pays Basque, pourtant peu suspects de racisme ou de xénophobie, voient dans l’afflux de populations extérieures en général la source des déséquilibres locaux ; parmi eux, quelques abertzale opèrent ainsi sans l’avouer une synthèse entre combat de libération nationale et rejet d’une immigration majoritairement française. C’est si “naturel” : de tout temps et en tout lieu, l’étranger à son village a été perçu comme une inconnue et donc une menace potentielle, même sans l’existence d’une problématique géopolitique pour que ce bas instinct soit commodément mâtiné d’idéologie. Mais quelle différence, alors, entre la “préférence nationale” des premiers et “l’abertzalisme” des seconds ?
En ce qui concerne en tout cas l’abertzalisme de gauche, la problématique de l’immigration n’est pas ethnique, mais bel et bien sociale et économique, et la question du logement n’en est qu’une déclinaison de même nature.
Peu importe d’où viennent les gens qui cherchent ici un logement, il convient plutôt de savoir ce qu’ils comptent faire de celui-ci !
À ce titre, un investisseur peut être bordelais ou baigorriar, cela ne changera rien au fait qu’il utilise son bien pour contribuer à la dynamique locale en y vivant à l’année, ou au contraire pour vampiriser ce pays, en ne l’occupant ou le louant qu’en saison. C’est bien ce dernier cas qui entraîne un déséquilibre sur le marché immobilier local, et en ce domaine la statistique est implacable : avec quasiment 50.000 résidences secondaires et plus de 10.000 logements vacants sur tout Iparralde, sans compter les nombreuses locations saisonnières qui ne sont souvent comptabilisées, ni dans les premières, ni dans les secondes, nous aurions largement assez de logements pour répondre à la fois aux demandes locales et extérieures.
C’est bien parce qu’on se permet de les laisser vides la plupart du temps au profit d’une minorité de gens fortunés –les exceptions sont rares– qu’on réclame de construire davantage, au mépris des belles déclarations d’intention sur l’urgence environnementale et au bonheur des promoteurs immobiliers.
Colonie de peuplement ?
Si l’on considère le problème ainsi, il convient donc de veiller au vocabulaire que l’on utilise, au risque de brouiller le message et son efficacité. Le PLH parle de “besoins locaux” et de “besoins extérieurs” et c’est bien leur acception sociale et économique qu’il faut interroger : quel est le besoin local en matière de logement ?
C’est cette question préalable qui, dans l’actuel projet de PLH, ne trouve de réponse que dans la perpétuation “au fil de l’eau” d’évolutions précédentes pourtant délétères et doit être mieux posée. Et je ne pense pas qu’il soit opportun de manier certains termes tels que “colonie” ou même “colonie de peuplement”, qui, non seulement colorent d’idéologie le diagnostic, mais nuisent à toute crédibilité en étant historiquement faux.
Une colonie, a fortiori de peuplement, est une réalité précise dans l’histoire et qui répond à des objectifs tout aussi précis de la part du colonisateur. Manex Goyhenetche lui-même avait toujours regretté d’avoir abusivement utilisé ces termes dans ses premiers livres. Non pas qu’il n’y ait jamais eu, dans la situation d’asymétrie que subit le Pays Basque nord vis-à-vis de la France, aucun des éléments constitutifs d’un processus de colonisation, c’est évident. Mais tomber dans le raccourci et user de ce terme pour qualifier l’évolution démographique actuelle est dangereux, ne serait-ce que parce qu’il n’existe aucune volonté délibérée et planifiée par la France d’installer des colons en Pays Basque, comme Israël le fait en Palestine.
Le Pays Basque, comme tant d’autres territoires,
doit donc gérer sa question migratoire
s’il ne veut pas la subir,
et il se grandira en la posant sereinement
et dans les bons termes,
fondement nécessaire
pour lui apporter des réponses
à la fois vertueuses et efficaces.
Marché libre
C’est l’attractivité touristique de la Côte basque, pesant comme variable sur une logique mercantile trop faiblement encadrée, qui entraîne un déferlement d’investisseurs bien plus nombreux que les biens disponibles et fait monter leurs prix.
Un mécanisme purement économique, donc, conduit par une main invisible qui n’est pas celle d’un État mais celle classique d’un marché. Dans ce mécanisme d’ailleurs les investisseurs sont loin d’être tous étrangers, de même que les vendeurs qui les pourvoient en “morceaux de terre sacrée des ancêtres”, les Etcheverry ou Elizondo se montrant tout aussi voraces en prix de vente ou de loyer que les Durand, Dupont et autres Martin. Et ce, d’ailleurs, quelle que soit aussi la nationalité de leur acquéreur ou locataire, le patriotisme ayant bizarrement tendance à fondre à mesure que croissent les profits.
Le Pays Basque, comme tant d’autres territoires, doit donc gérer sa question migratoire s’il ne veut pas la subir, et il se grandira en la posant sereinement et dans les bons termes, fondement nécessaire pour lui apporter des réponses à la fois vertueuses et efficaces.
Sans pour autant tomber dans l’angélisme, j’y reviendrai dans ma prochaine chronique.
Merci Peio d’avoir pointé ces dérives idéologiques et autres erreurs historiques que j’ai si souvent lues ou
entendues …
La carte est un peu trompeuse, elle n’indique que la variation du nombre d’habitant ville par ville, il serait plus juste de parler du nombre de nouveaux arrivant (10 000/ans, « les nouveaux Basques » ainsi nommé dans la semaine du pays basque) et du nombre de départ (7 000/ans).
Meme si le Français n’est pas une race, pas plus que le Basque, nous partageons avec Egoalde une langues et une culture en danger par l’arrivée massive de personnes venu d’autres régions.
Je serai le premier ravi si Durand, Dupont et autres Martin mettent leurs enfants dans les Ikastola et prenaient des cours d’Euskara chez AEK mais c’est malheureusement loin d’être la majorité.
La haine de l’autre n’est certainement pas la solution mais il faut prendre cela très au sérieux si on ne veux pas qu’en quelques générations notre culture finisse dans un musé.