Le jeune économiste Pere Aragonès, 38 ans à peine, a été élu le 21 mai à la tête de la Generalitat. Hormis un bref épisode lors de la Transition, c’est la première fois que sa formation l’ERC, arrive en tête des forces indépendantistes(1) et accède au pouvoir. Pere Aragonès s’appuie sur une coalition composée de l’ERC (33 députés), de JxCat (centre-droit de Carles Puigdemont, 32 députés) et du petit parti d’extrême gauche CUP (9 élus), soit 74 suffrages sur 135 (majorité à 68). Avec 47,5 ans de moyenne d’âge et 8 femmes sur 14 ministres, la composition du gouvernement de Pere Aragonès, peut en remontrer à d’autres en matière de parité.
Le nouveau président a créé un nouveau ministère à la Generalitat, celui de l’Egalité et du féminisme, confié à la quadragénaire Tania Verge i Mestre. Laquelle dispose déjà d’un beau curriculum vitae en la matière: exconsultante en politiques d’égalité des sexes pour le Conseil de l’Europe, pour le Parlement de Catalogne et l’Institut européen pour l’égalité entre hommes et femmes.
Autre arrivée significative aux Affaires extérieures, la Barcelonaise Victoria Alsina, 37 ans. Elle fut déléguée du gouvernement catalan aux Etats-Unis et a par ailleurs été professeure et directrice académique du Center for science and urban progress de l’université de New York.
Questions en débat
Après deux tentatives infructueuses d’investiture et trois mois de laborieuses négociations, un accord a été trouvé pour constituer le gouvernement. JxCat voulait ouvrir une démarche unilatérale d’indépendance et relancer le conflit ouvert avec l’Espagne. Ceci parce que son leader Carles Puigdemont, toujours exilé à Bruxelles, redoute que l’opinion indépendantiste l’oublie peu à peu, s’il reste trop longtemps absent de son pays.
Finalement, JxCat y renonce, mais obtient autant de ministres, les conselleries, que ERC au sein du gouvernement. Il accepte le principe d’une indépendance ajournée, mais non abandonnée.
L’instance chargée de superviser la coalition tri-partite sera intégrée au Conseil pour la république catalane, organisme placé sous l’égide de Carles Puigdemont en Belgique.
Certains secteurs d’ERC souhaitaient élargir la base d’un souverainisme pragmatique et intégrateur, avec la participation d’En Comù podem (Podemos catalan), mais il n’en a rien été.
Podemos est le seul parti espagnol à ne pas rejeter en bloc le souverainisme catalan, mais malheureusement, son poids politique s’érode au fil des scrutins.
La principale divergence entre ERC et JxCat porte sur la stratégie du mouvement indépendantiste. Le premier est en faveur d’un dialogue avec le gouvernement central, qu’il soutient au Parlement de Madrid, alors que JxCat pratique l’abstention ou le rejet.
Pour s’assurer du soutien de JxCat et des indépendantistes radicaux de la Candidature d’unité populaire (CUP), Pere Aragonès qui prône «une confrontation civique et pacifique avec l’État espagnol», s’est engagé à revoir son approche, si la négociation avec Madrid n’aboutit pas.
Le paradoxe veut qu’aujourd’hui Esquerra Republicana de Catalunya, hier considérée par les médias comme radicale, passe pour une formation modérée. JxCat, héritière de CiU et de centre droit, hier encore perçue comme raisonnable et fréquentable, est qualifiée maintenant de jusqu’auboutiste. Les indépendantistes basques d’EHBildu ont des liens privilégiés avec ERC.
(1) En progression notable par rapport au scrutin précédent, les trois partis indépendantistes totalisent 52 % des voix.