Ces derniers temps, la chronique a été défrayée par la destruction successive de plusieurs résidences secondaires. Les réactions qui ont suivi sur divers réseaux sociaux ou blogs de journaux appellent quelques mises au point. Voici celle de Peio Etcheverry-Ainchart, animateur, il y a quelques années, d’un groupe de travail d’AB qui produisit un document essentiel sur le sujet.
Difficile d’extrapoler sur les motivations des auteurs de ces actes, étant donné qu’aucune revendication n’a pour l’heure été apportée. Seul le slogan bien connu “EH ez da salgai” laisse penser qu’il s’agit bel et bien d’une action “classique” contre la spéculation foncière et immobilière. Les cris d’orfraie qui se sont fait entendre sont tout aussi classiques: “De quoi se plaignent les Basques? Ce sont eux qui ont vendu leur terre”. “Ce sont des gens fermés sur eux-mêmes, ils ne veulent pas d’étrangers au Pays Basque”. A l’instar de celui qui pour noyer son chien l’accuse de la rage, celui qui veut discréditer les abertzale les accuse de xénophobie.
Rien que pour cela, il est nécessaire de revendiquer ces actions : laisser aux autres le soin d’analyser les motivations de son action, au besoin en manipulant l’opinion publique, est un trop gros risque. Car quels que soient les moyens utilisés dans ce domaine du logement, le principe de ces actions –en tout cas je l’espère– est le même que celui que le mouvement abertzale répète depuis des années : oui, la terre a été vendue par les Basques ; est-ce une raison pour subir la situation ? Non, les Basques ne rejettent pas les étrangers ; si des maisons brûlent, ce n’est pas parce que leur propriétaire est parisien mais parce que leur statut d’occupation est celui de la résidence secondaire. Non, le problème du logement tel qu’il est posé par les abertzale n’a pas une nature ethnique ni même identitaire, mais bel et bien une nature socio-économique ; sa finalité n’est pas de désigner les populations pouvant vivre au Pays Basque mais au contraire de faire en sorte que tous les gens qui veulent faire leur vie familiale et professionnelle ici – quelle que soit leur origine – puissent y parvenir dans de bonnes conditions.
Ne nous y trompons donc pas : jamais un abertzale ne clamera “le Pays Basque aux Basques” , contrairement à tant de gens qui stigmatisent les immigrés en France à l’heure actuelle, et pas seulement au sein du FN.
Le choix des cibles
Toujours dans le domaine du choix des cibles, par contre, on peut s’interroger sur leur localisation. Celle d’Itxassou – pour ne parler que de la plus récente – pose question. Une chose est de chercher les cibles les moins exposées et donc les moins risquées, autre chose est de donner l’impression d’agir carrément au hasard. Car telle qu’elle est et à l’endroit excentré où elle se situe, cette bâtisse qui s’apparente plutôt à une vieille borde aménagée n’est pas l’exemple le plus évident de la résidence secondaire telle qu’elle pèse sur la problématique du logement. Au-delà de ce cas précis, prendre la lourde responsabilité de commettre ce genre d’actions – avec tous les risques et conséquences induits – nécessite au moins de s’assurer que celles-ci correspondent effectivement à leur motivation. A cet égard, il est clair qu’un monde sépare la pompeuse villa au cœur des plus de 40% de résidences secondaires de Biarritz, de la maison brûlée d’Itxassou où la pression foncière existe aussi, mais est bien moins imputable à ce phénomène de villégiature. Mais là encore, la revendication éclairera probablement sur ces choix.
En venir au fond
Quoi qu’il en soit, la résurgence de ces actions pose une question de fond. Elle est révélatrice de l’exaspération d’une partie de la population du Pays Basque Nord, qui continue de constater que la situation du logement ne s’améliore pas et que c’est le fruit d’une défaillance politique. Certes, nous n’en sommes plus à la situation d’il y a encore 5-6 ans, durant laquelle les élus préféraient tergiverser plutôt qu’agir, au mépris d’ailleurs de la loi. Depuis, et de l’aveu même de certains maires, sous la pression médiatique du mouvement abertzale, les choses ont changé dans les politiques municipales et l’action est aujourd’hui concrète dans le domaine du logement. Mais on a commencé tellement tard à agir que les prix sont montés trop haut pour que les réalisations soient à la hauteur des ambitions affichées.
Le constat peut être légitimement critiqué, mais il est tel qu’il est. Par contre, s’il est bien une chose que l’on ne peut accepter, c’est de voir pleurer les élus sur le manque de foncier constructible mobilisable alors qu’ils ne disent mot sur les dizaines de milliers de logements sous-occupés de certaines communes. Moins de 10% de logements sociaux pour plus de 40% de résidences secondaires à Biarritz, quand tant de gens sont en recherche d’un logement principal, c’est un ratio qui à lui seul permet de comprendre – à défaut de les approuver – ces attentats.
La main au PS
C’est pourquoi en ce qui me concerne, bien que je trouve pénible de voir constamment balancée à ma figure d’abertzale la question commode de la condamnation de ces actions au lieu de parler des solutions, jamais je ne me résoudrai à le faire tant que rien n’aura été fait contre ce phénomène de la résidence secondaire. Ces actions sont aussi désolantes que la situation qui les a entraînées, et il est temps d’être concret. Une mesure possible existe, c’est celle de la modification législative permettant de surtaxer ces biens dans les zones à marché tendu. EH Bai a fait campagne autour de ce thème en 2012 et les candidates PS Allaux et Capdevielle se sont engagées entre les deux tours à le relayer au parlement une fois élues.
Aujourd’hui, la loi ALUR est à l’examen et l’opportunité est là. Vendangeront-elles cette occasion probablement unique, l’Assemblée nationale et le Sénat étant tous deux aux mains du PS ? Par la même occasion, elles prouveraient par l’exemple si l’on peut ou pas avoir confiance dans la parole des socialistes…