Le format léger du documentaire permet de se rapprocher des gens et de raconter une époque par le biais de la “petite” histoire. De quoi forger la grande Histoire qui se déroule sous nos yeux parfois aveugles. Trois exemples de documentaires récents permettent d’ouvrir débat et réflexion.
Transmission de la propriété,
reprise des fermes et des estives,
on est là dans un domaine qui touche à l’intime,
à la vie des familles où l’on n’entre généralement pas.
Il est vraiment d’aujourd’hui et de partout ! Réalisé par Pantxika Maitia (de la société coopérative Aldudarrak bideo) ce documentaire- là ouvre sur des volets fermés, jadis peints en gris. La teinte a pris la couleur du temps qui passe et s’incruste dans le bois, qui use les portes, les fenêtres et les hommes. La caméra s’en éloigne pour survoler une vallée verdoyante apparemment heureuse. Elle y plonge… Elle s’arrête chez un agriculteur installé dans un mouchoir de poche parvenu à y élever trois enfants malgré les mauvais augures : “On a réussi !”. Elle va d’un éleveur-berger-fromager à l’autre, d’un jeune à moins jeune. Ta qué canté éra montanha (“Pour que chante la montagne”) a été produit à la demande de l’Institut du Patrimoine du Haut-Béarn et de l’association des éleveurs transhumants des trois béarnaises, d’Aspe, Barétous et Ossau. Une centaine d’exploitations (sur 330) y sont déclarées sans suite. Achevé à l’automne 2017, le documentaire court de village en village, dans de modestes salles de cinéma. Loin des circuits officiels. Il a été projeté à 24 reprises en quelques mois. 2.500 spectateurs et plus…
L’émotion à fleur de peau
On en redemande, aussi bien en Pays Basque qu’en Béarn(1). “Nous n’avions vraiment pas prévu un tel engouement, reconnaît Pantxika Maitia. Le fait est que l’intérêt manifesté est incroyable. Comme nous nous y étions engagés, les trois premières séances ont été assurées à Laruns (en Ossau), Accous (Aspe) et Arette (Baretous). 200 participants chaque fois ! Nous sommes au coeur de la problématique actuelle des hautes vallées béarnaises, c’est à dire la transmission de la propriété, la reprise des fermes et des estives, en deux mots la survie de l’agriculture de montagne. On est dans un domaine qui touche à l’économie, mais avant tout à l’intime et à la vie des familles dans laquelle on n’entre généralement pas.” Pourtant le miracle s’est produit ! Problématique (également sensible en Pays Basque) posée, les interlocuteurs se dévoilent, l’émotion est à fleur de peau. L’avenir plus qu’incertain tient à un fil. Chacun a ses mots pour le dire, des maires de Sarrance et des Eaux-Bonnes, à la bergère sans terre, de l’ancien fiscaliste bordelais installé à la tête d’un troupeau et de son saloir, au jeune citadin rêvant d’installation ou aux parents installés souhaitant assurer l’avenir de leurs enfants sur place.
Il leur fallut quitter le Baztan
C’est donc la formule du débat collectif, participatif, qu’Aldudarrak bideo a choisi de privilégier dans un format permettant les échanges directs en terrain connu et sans trop de détours, maintenant que la question de la transmission a été mise sur la table par l’image.
C’est aussi le format choisi par le journaliste Jon Abril Oaletxea, à l’origine d’un documentaire très original. Des centaines de Navarraises quittèrent le Baztan (peu industrialisé, dans les années 50-60-70) en bus, à pied par la montagne et souvent sans papiers, pour se rendre sur la Côte au service de familles françaises aisées. Le document s’intitule Neskatoak “Les bonnes”). Veuve, la grand-mère de Jon Abril avait gagné Ciboure après avoir laissé ses deux enfants à Bera. Le sujet n’avait jamais été abordé de façon aussi directe. Quinze témoignages vécus en euskera. Pour certaines le voyage dans l’inconnu, en pleine dictature, fut un réel traumatisme, pour d’autres une opportunité malgré tout. Jon Abril, qui aborde aussi la question des migrants d’aujourd’hui, a présenté Neskatoak au Musée Basque en mars 2018, après une soixantaine de projections en Hegoalde.
Il leur fallut quitter la Biscaye
Avec Estitxu le documentaire (en euskera) de Frank Dolosor, journaliste à ETB, revient lui aussi à sa façon sur la question récurrente de l’émigration. Projeté en maints espaces. Retour sur la chanteuse Estitxu (Estibaliz Robles Aranguiz) née à Briscous dans une grande famille d’artiste. Ses parents avaient quitté la Biscaye lors de la guerre civile espagnole pour s’établir en Labourd. La jeune femme enchanta les foules d’une voix sans pareille, encore gravée dans les mémoires. Depuis la Journée de la femme 2017, une rue de Bayonne porte son nom. Disparue en 1993, Estitxu, figure singulière et incontournable du chant basque moderne, est à nouveau parmi nous.
C’est aussi un festival du documentaire (1er au 7 juillet) que propose l’Institut Varenne à Baigorri, parallèlement à son université d’été Processus de Paix et Justice transitionnelle. Festival intitulé Mémoire de guerre(2). Au total sept documents, sept débats très ouverts.
(1) Ta qué canté éra montanha, projections (21 heures) les 14 juillet à Hosta, 26 juillet à Saint-Jean-Pied-de- Port, 23 août à Macaye… Aldudarrak Bideo basée à Bidarray. www.aldudarrak-bideo.com
(2) Ultime débat du festival de Baigorri, 7 juillet (17 heures) Comment construire la paix ?
Bonjour Anne-Marie, Arratsalde on,
Merci à vous pour la présentation de ces documentaires qui ont l’air passionnants. Pour information, je vous signale mon documentaire sur le pastoralisme basque d’aujourd’hui visionné plus de 970 000 fois sur Youtube et qui semble attirer plus l’attention d’un public de part et d’autres du monde plutôt que celle des médias de chez nous. Il en sera peut-être autrement avec Enbata. Ce film accompagnait la sortie de notre livre de photos et témoignages intitulé « Euskal artzainak » publié chez Elkar.
A voir sur :
https://youtu.be/Z20LK5j2Axo
Ou version avec quelques commentaires assez récente :
https://youtu.be/l2LqbW8Opvs
Au total, les différentes versions de ce film ont déjà dépassé le million de vues… Il se pourrait que cela vous intéresse.
Izan untsa.
Séverine