Pour un projet de territoire

PEA1La problématique du logement dans un Iparralde dont la population s’accroît rapidement par de nouveaux arrivants est un débat récurrent, y compris parmi les abertzale. Construire toujours davantage? Limiter l’urbanisation? Surtaxer les résidences secondaires vides dix mois sur douze? Voici quelques réflexions.

Il y a quelques mois, j’avais raconté dans ces mêmes colonnes l’anecdote d’une personne qui m’avait fait remarquer la multiplication des nouvelles constructions de logements au Pays Basque, et le fait que tout ce béton allait dénaturer le pays. Depuis, à la lumière de réflexions liées aux enjeux urbanistiques de Saint-Jean-de-Luz mais aussi de celles suscitées par de nouvelles discussions enflammées sur l’avenir de ce pays, je souhaiterais y revenir à nouveau.

Et les vaches seront bien gardées

Ce qui m’a interpellé, c’est le fait d’entendre encore de manière récurrente – surtout chez les abertzale et je me mets au milieu – le souhait de travailler sur le PLU en révision de sa commune et de vouloir s’y assurer que ladite commune n’enflera pas trop en population. “Moi, ce que je verrais, me dit-on, c’est une ville ou un village de tant de milliers d’habitants, pas plus”.

Ce genre de raisonnement est assez normal : on connaît sa ville depuis longtemps voire toujours, et le réflexe primaire est plutôt à sa conservation.

Seulement, ce qui me turlupine d’abord c’est la capacité qu’on peut bien avoir à maîtriser à ce point le développement de sa ville, une fois constaté le fait que le marché est libre et que si l’on peut toujours limiter l’offre en logement, il sera bien compliqué de limiter la demande.

Car qu’on le veuille ou pas, entre l’afflux de nouveaux habitants et le fait que, pas mal d’entre eux étant des actifs, ils feront des enfants, cela nous donne plusieurs dizaines de milliers de gens à loger ; limiter la construction sera intenable et provoquera en outre une belle montée des prix.

Mais bon, admettons qu’on puisse maîtriser son propre développement. Admettons surtout que c’est possible en sachant éviter les errements plus ou moins xénophobes de cet “encadrement de l’immigration” (car c’est bien de cela dont il s’agirait, je ne sais même pas si certains s’en rendent compte).

A partir du moment où l’on bloque l’entrée de sa commune, où donc vont aller les nouveaux habitants ?

Evidemment vers la commune voisine, qui, elle aussi, a évidemment décidé de maîtriser son développement… Et ainsi de suite de plus en plus loin dans le Pays Basque périurbain, notamment vers l’intérieur, là où avec un peu de malchance les élus locaux n’auront pas pu ou su anticiper le problème.

PEAUn cas d’école ?

Ben voyons… Il n’est que d’observer les cartes de l’évolution démographique de ces dernières années, et aussi celles de l’évolution des prix du foncier et de l’immobilier : la côte est certes toujours l’endroit le plus peuplé et le plus cher, mais “l’entrecôte” est l’endroit où la population et les prix ont crû le plus depuis vingt ans, et c’est là où l’on trouve encore les plus grandes réserves foncières.

Vivre et travailler au pays

Il est clair que se poser la question du développement de nos communes est parfaitement légitime. Mais à mon avis, cela pose évidemment la question de savoir s’il est raisonnable de se la poser chacun de son côté, surtout quand on est abertzale et qu’on a une certaine vision du pays et de ses équilibres. Car la question ne s’arrête pas à celle de savoir si l’on accepte ou pas de doubler la population d’une commune. Si l’on conserve à l’esprit l’idée force de l’abertzalisme, à savoir “vivre et travailler au pays”, il faudra bien que ces gens puissent aussi travailler. A défaut, attendons-nous à de sacrés problèmes sociaux s’ils n’ont pas d’emploi, ou à de sacrés problèmes écologiques s’ils ont cet emploi à plusieurs kilomètres de chez eux. Et puis il faudra bien aussi veiller à assurer l’intégration de ces nouveaux arrivants dans la vie du pays, en leur offrant par exemple l’envie et les moyens d’apprendre l’euskara autrement qu’en faisant le seul pari de leur curiosité. Et puis tous ces gens devront bien avoir encore un accès normal aux loisirs, à la culture ou au sport. Allons-nous laisser tous ces enjeux être abordés sans cohérence, sûrement au détriment des communes petites ou moyennes qui souvent n’ont que peu de moyens ? En fait, le monde abertzale doit être capable de réfléchir à une véritable stratégie de territoire, ouverte, équilibrée, réaliste. La création prochaine de l’EPCI unique nous y invite et c’est un chantier qui pourra bien ensuite se décliner commune par commune.

Où est le manque,
quand une ville telle que Saint-Jean-de-Luz
présente un parc de plus de 14.000 logements
pour une population de 13.000 personnes,
en outre en baisse?
La privation !

“On manque de logements !”

Dans ce dessein, les structures publiques ou parapubliques susceptibles de nous fournir les donnée chiffrées et les travaux de prospective existent. Nous ne les sollicitons pas assez. Elles nous permettraient en particulier de casser certains clichés, pour peu que la lecture qu’on en a ne soit pas conditionnée par les discours habituels. Il en est un par exemple qui m’agace au plus haut point : “on manque de logements, on n’en construit pas assez”. Où est le manque, quand une ville telle que Saint-Jean-de-Luz présente un parc de plus de 14.000 logements pour une population de 13.000 personnes, en outre en baisse? Le manque ? Non, la privation ! Quand on a plus de logements que d’habitants mais que la moitié reste vide durant 10 mois sur 12, on ne saurait parler de manque.

A EH Bai, on radote, c’est vrai… Mais quand on dit que la résidence secondaire est un enjeu majeur là où d’autres disent qu’on s’accroche à une lubie, laissons donc parler les chiffres. Mais suivre cette logique sur tous les pans de l’aménagement du territoire –du logement aux transports, des politiques de l’eau à celles de la culture– jusqu’à être capables de présenter à la population un projet de territoire abouti, suppose un effort que nous n’avons pour l’instant pas accompli. On en est assurément capables !

 

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2 réflexions sur « Pour un projet de territoire »

  1. Vos propos simplistes, populistes, partiales et partiels me dégoutent, une fois de plus.
    Je suis issue d’une famille basque mais je ne peux malheureusement pas vivre au Pays basque pour raison professionnelle.
    « Aitatxi et Amatxi » ont légué leur petit appartement à mon père, qui à son tour a réussi à me le transmettre, au prix de gros efforts.
    Cet appartement est mon lien avec ma région, mes ancêtres, mes racines. J’ai besoin de venir m’y ressourcer le week-end. En espérant pouvoir un jour venir m’y installer. Cet appartement m’est rattaché en tant que « résidence secondaire » comme vous dîtes. Mais il est pour moi bien plus que cela, il est pour moi un « appartement de famille ». Il me permet d’y retrouver les miens et de garder le lien avec Euskal Herria que j’aime tant.
    Ce lien me coûte cher financièrement. Pour l’instant j’arrive encore à payer les taxes, impôts, charges et autres frais de cette « résidence secondaire ». Mais c’est de plus en plus difficile. Et c’était sans compter les demandes de prélèvements supplémentaires comme les vôtres.
    Je paierai tant que je pourrai pour garder mon « chez-moi », car c’est bien ici que je me sens chez moi, plus que dans mon habitat professionnel. Et si un jour je ne le peux, ce sera un déchirement de devoir, comme vous le souhaitez, que je « remette ce logement en circulation ».

    1. Bonjour, courageux anonyme
      En réponse à votre message, je commence par éviter de donner mon sentiment sur le ton employé et les qualificatifs utilisés, qui n’appelleraient que dédain s’ils n’étaient suscités par une certaine sensibilité pour cette question, c’est pourquoi je préfère rester compréhensif.
      Par contre, vos propos appellent effectivement une réponse de fond, qui va vous surprendre puisqu’elle rejoint vos propos.
      Lorsque j’ai travaillé à une proposition de loi sur les résidences secondaires, j’ai pris en considération les finesses soulevées par la question, notamment deux d’entre elles.
      La première, le cas évidemment particulier des maisons de famille non occupées pour raisons professionnelles, comme la vôtre. Moi aussi, je considère que toutes les résidences secondaires ne se valent pas et que les patrimoines de famille temporairement vides pour ces raisons légitimes ne devraient pas être concernées par une surimposition. J’avais donc pensé ne proposer d’impôt que pour les résidences secondaires achetées depuis une date donnée, forcément arbitraire mais prenant en compte l’amorce du phénomène spéculatif local, par exemple 1985. Tout propriétaire antérieur à cette date aurait été exonéré.
      La seconde est l’effet à attendre au regard des objectifs de production de logements sociaux (art 55 loi SRU), calculé en fonction du nombre de résidences principales. La diminution même faible du nombre de résidences secondaires du fait de leur surimposition aurait mis en fragilité des communes parfois volontaristes en la matière.
      Vous le savez, ces propositions n’ont de toute manière pas été évoquées à l’Assemblée nationale malgré le soutien de la députée Sylviane Allaux qui les y a portées. C’est aussi pourquoi je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’expliquer publiquement cette proposition de loi jusque dans ces précisions-là, de sorte que vous ne pouviez pas les connaître. Mais vous voyez qu’il ne s’agit en rien d’une proposition partielle ou populiste, mais réfléchie et longuement travaillée.
      Je vous fais remarquer d’ailleurs que j’ai eu l’occasion de débattre de tout cela avec deux propriétaires de résidences secondaires luziennes, qui m’ont simplement interpellé et soulevé leurs réserves sans agressivité, et à qui j’ai tout aussi simplement expliqué les tenants et les aboutissants de la même manière qu’à vous. Nos relations sont aujourd’hui parfaitement cordiales et je prends même régulièrement le café avec l’un d’entre eux. Dommage que vous n’ayez visiblement pas la même conception du dialogue citoyen.
      Pour le reste, je reste convaincu que le phénomène des résidences secondaires « classiques », qui sont les largement plus nombreuses, est une véritable injustice sociale dans un territoire où tant de gens ne parviennent pas à se loger. Je maintiens que le droit pour tous de disposer d’un logement à l’année passe légitimement avant celui de quelques privilégiés à en avoir deux ou trois qu’ils n’occupent que l’été.
      Pour finir avec cette longue réponse, je reste prêt à discuter plus sereinement avec vous de cette question, autour d’un verre ou d’un café lorsque vous viendrez ici occuper votre maison de famille pendant vos vacances, ne serait-ce que pour vous montrer que je ne vous tiens pas rigueur de vos propos pour le moins irrespectueux. Mais en avez-vous seulement le souhait?

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