Txomin Casteigts, Peio Etcheverry-Ainchart, Mikel Goyheneche, Béatrice Peyrucq, Commission logement d’Euskal Herria Bai
Durant ces dernières semaines, le mouvement abertzale est revenu à la charge sur le dossier des résidences secondaires, à l’occasion d’une évolution législative qu’il réclamait depuis longtemps. En effet, en conséquence de l’adoption de la nouvelle loi de finances, l’article 1407 ter du Code général des impôts autorise désormais les communes classées dans les zones dites «tendues» à majorer d’un pourcentage compris entre 5% et 60% la taxe d’habitation au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale.
Le groupe Herri Berri de Saint-Jean-de-Luz a ainsi demandé la tenue d’un conseil municipal avant le délai légal du 28 février pour voter cette majoration, en vain. Euskal Herria Bai a également envoyé un communiqué de presse réclamant l’application de la mesure dans les communes du littoral. Quant à la mairie d’Ustaritz, elle est la seule à l’heure où nous écrivons à l’avoir effectivement votée, à son taux maximum, exception remarquable dans un paysage par ailleurs immuable.
Faire d’un problème une solution
Devant ce qu’ils apparentent à un acharnement des abertzale contre les propriétaires de résidences secondaires, d’aucuns crient à l’atteinte à la propriété privée, demandent qu’on laisse tranquille «ces gens qui apportent de la richesse à notre territoire», ou encore moquent une bataille quelque peu anecdotique dans le débat général du logement. Face à cette situation, il n’est pas inutile de rappeler quel sont l’esprit de cette taxe et la centralité de la problématique des résidences secondaires au plan local.
Nul besoin de revenir sur la situation de l’immobilier et du foncier dans les «zones tendues» et en particulier au Pays Basque aujourd’hui, cela fait des années qu’on en parle. Par contre, il n’est pas superflu de rappeler que si cette hausse effrénée des prix est bien liée à un déséquilibre entre offre faible et forte demande en logements, ce n’est certainement pas parce qu’on manque de logements au Pays Basque !
Biarritz : 26 000 logements pour 26 000 habitants
Saint-Jean-de-Luz : 14 000 logements pour 14 000 habitants
Guéthary : 1 300 logements pour 1 300 habitants
Ces exemples sont les plus caricaturaux d’un littoral où les logements laissés vides tout au long de l’année se chiffrent en dizaines de milliers, alors même que par ailleurs on ne parvient pas à répondre à la demande en logements principaux. Quand dans certaines villes côtières on compte autant de logements (appartements et maisons confondus) que d’habitants en valeur absolue, on ne peut parler de manque car sur le papier, tout le monde pourrait être logé ; mais quand une énorme proportion de ces logements sont vides durant toute l’année, on peut réellement parler de privation. Jugeons-en :
Biarritz : 41% de résidences secondaires (10 500 logements)
Saint-Jean-de-Luz : 47% de résidences secondaires (6 400 logements)
Guéthary : 48% de résidences secondaires (600 logements)
Les conséquences sont évidemment sociales, car elles privent une grande partie de la population de la possibilité de se loger dans les communes de la côte, reportant par ailleurs la pression foncière et immobilière sur les communes du Labourd intérieur. Mais elles sont également environnementales, car ces populations ayant souvent leur emploi dans les grandes villes côtières, elles sont condamnées à des déplacements quotidiens en voiture. Ce ne sont pas, loin s’en faut, les seules conséquences mais celles-ci sont assurément les plus préoccupantes en termes d’aménagement durable du territoire.
Devant cette situation, on peut considérer que le marché est libre et que les gens font ce qu’ils veulent de leur bien, quitte à ce que cela aggrave encore la situation.
On peut au contraire prôner la collectivisation du foncier et des logements, mais cela paraît pour le moins farfelu en pratique.
Et puis, on peut se dire qu’une solution intermédiaire est de considérer que les propriétaires de logements inoccupés, en grande partie responsables des déséquilibres sociaux, doivent fiscalement contribuer à corriger ces derniers, l’augmentation de leurs taxes pouvant être consacrée à financer la préemption foncière ou l’équilibre économique fragile des programmes de logements sociaux.
Savoir ce que l’on veut
Tout cela n’a donc rien d’un acharnement de principe contre les résidences secondaires. S’il n’y avait pas de problème de logement ni de flambée des prix, un nombre raisonnable de résidences secondaires dans une zone incontestablement touristique ne serait pas choquant. Mais voilà, il n’y a plus aucun équilibre en la matière au Pays Basque, et nous pensons qu’il incombe à la puissance publique la responsabilité de tenter de rétablir cet équilibre, dans le sens de l’intérêt collectif.
C’est de là que vient cette idée de création d’une contribution spécifique pour les résidences secondaires, et à défaut l’augmentation de 20% de leur taxe d’habitation. Elle n’a rien de dogmatique, elle ne contrevient pas au droit à la propriété privée, elle n’est qu’une réponse fiscale à un problème d’aménagement du territoire. Le fait même qu’elle ait été votée dans toutes les communes de la côte entre 2015 et 2016, par des maires de droite comme de gauche, démontre clairement que l’objectif de cette majoration est partagé.
Reste en suspens la question de son efficacité. Nous l’avions déjà mise en doute lors des premiers votes, une hausse de 20% ne pouvant représenter une incitation sérieuse à l’endroit d’un propriétaire assez aisé pour ne même pas occuper le logement qu’il a pourtant cher payé.
Ce doute se vérifie d’ailleurs depuis, au vu de la proportion toujours à la hausse des résidences secondaires.
A nos yeux, la majoration de la taxe à 60% désormais permise est nécessaire, si le but recherché est réellement d’obtenir la remise d’une part significative de ces logements sur le marché de la résidence principale – il suffirait simplement qu’ils soient loués à l’année –, ou si l’on espère compter sur de substantielles rentrées fiscales à destination urbanistique ou sociale (rappel du produit fiscal pour une majoration de 20% à Biarritz en 2016 : 650 000€ ; à Saint-Jean-de-Luz : 450 000€).
Il est donc totalement incompréhensible que les maires de la côte refusent de voter la majoration à 60%. Comment comprendre qu’ils considèrent la résidence secondaire comme un problème – de sorte qu’ils votent sa surimposition –, mais refusent ensuite de pousser la logique jusqu’à son maximum légal d’efficacité ? Cela a aussi peu de sens que préférer un sparadrap à une attelle pour soigner une fracture.
Une solution intermédiaire
est de considérer
que les propriétaires
de logements inoccupés,
en grande partie responsables
des déséquilibres sociaux,
doivent fiscalement contribuer
à corriger ces derniers,
l’augmentation de leurs taxes
pouvant être consacrée à financer
la préemption foncière
ou l’équilibre économique fragile
des programmes de logements sociaux.
Le droit d’avoir un logement passe avant celui d’en avoir deux
Quant à l’opinion publique, nous comprenons parfaitement son scepticisme. De fait, il n’est jamais agréable de donner l’impression d’en vouloir à des gens qui veulent profiter de leur maison de vacances. Mais la question n’est pas aussi simple, encore moins caricaturale. Elle est d’abord celle de la cohérence vis-à-vis de la population d’un territoire exigu et victime de son succès, où la part excessive de la résidence secondaire contribue si lourdement à empêcher tant de gens de s’assurer une résidence pour y vivre avec leur famille. La première est un agréable superflu, la seconde est un nécessaire vital.
Nous ne cessons de le répéter : le droit d’avoir un logement passe avant celui d’en avoir deux.
Un mot pour finir, à l’adresse de ceux qui parfois critiquent avec la même force l’atteinte supposée aux droits des résidents secondaires, et critiquent par ailleurs le fait de devoir poursuivre la «bétonnisation» du pays afin de produire les logements dont on a besoin, en périphérie de ville ou parfois même devant leur propre fenêtre.
En matière d’urbanisme au Pays Basque, il faut savoir ce que l’on veut : sur près de 30 000 résidences secondaires sur le littoral, 5000 résidences secondaires en moins, ce sont 5000 logements en moins à construire.
Entièrement d’accord avec vous. Travaillant dans le logement social, la situation que vous décrivez me paraît tout à fait exacte