Face au blocage de la situation des prisonniers, notamment Jon Parot et Jakes Esnal, libérables depuis plus de quinze ans, les défenseurs du processus de paix appellent au blocage complet du Pays Basque nord le samedi 23 juillet.
La citation de ce “magistrat de l’anti-terrorisme” dans un article du Figaro(1) traitant notamment du sort de Jon Parot et Jakes Esnal est particulièrement révélatrice. “Le commando Argala”(2) est un cas hors norme, tant par le mode opératoire, celui d’un commando itinérant, que par la durée, douze ans, ainsi que le nombre de victimes, 37 au total dont six enfants(3). C’est un fait que les sympathisants basques se gardent bien de rappeler. Et cela marche, y compris auprès des élus locaux de droite comme de gauche qui sont favorables à leur libération. Comment reprocher à la justice d’être précautionneuse ?”.
Passons sur le fait que ce magistrat prenne les élus locaux de ce pays pour des idiots connaissant moins bien l’histoire de leur territoire que le parquet anti-terroriste. En fait, personne n’ignore la gravité des faits commis par certains des militants d’ETA aujourd’hui incarcérés suite à un conflit armé qui a duré près de 60 ans. Le PNAT “se garde bien lui de rappeler” que la violence d’ETA est née de violences bien plus massives comme celles du coup d’État et de la dictature franquiste, et que le camp d’en face usait également, dans ces mêmes années 80-90, d’exécutions sommaires (Pasajes…), de voitures ou motos piégées (GAL) et de pratiques systématiques de la torture.
Crime de guerre
Prenons un seul exemple pour rappeler aux générations actuelles ce qu’a pu être cette époque : une nuit d’octobre 1983, la garde civile enlève deux jeunes réfugiés basques, originaires de Tolosa, en pleine rue des Tonneliers à Bayonne. Joxi et Joxean que j’ai personnellement connus et régulièrement croisés dans les rues et les bars de notre quartier commun, le Petit Bayonne. Ils ont respectivement 21 et 20 ans. Ils sont soupçonnés d’appartenir à ETA. Ils sont amenés, en toute illégalité donc, dans une résidence de Donosti, propriété du ministère de l’Intérieur espagnol. Ils y seront sauvagement torturés pendant de longues semaines, parfois en présence des commanditaires de l’enlèvement, le général Enrique Rodriguez Galindo et Julen Elgorriaga, gouverneur civil de Gipuzkoa (l’équivalent de nos préfets). L’autopsie et les déclarations des guardias civils lors de l’instruction judiciaire, ne feront que confirmer leur calvaire : ongles arrachés, tiges d’acier enfoncées dans les gencives, os cassés à coup de barres de fer, etc. Le général Galindo ordonnera finalement de les achever par une balle dans la nuque et de faire disparaître leurs corps dans une fosse après les avoir recouverts de chaux vive.
Deux poids et deux mesures
Pour ces crimes barbares, le général Galindo et le gouverneur civil Elgorriaga seront condamnés à 75 années de prison chacun.
Enrique Rodriguez Galindo sera libéré en 2004 après quatre années et quatre mois d’incarcération pour bon comportement et pour raisons de santé. Il est décédé du Covid en février 2021.
Julen Elgorriaga retrouvera quant à lui la liberté en 2001 après… 14 mois de prison, lui également pour raisons de santé. Il est toujours vivant à ma connaissance.
Jon Parot et Jakes Esnal ont plus de 70 ans et sont incarcérés depuis 32 ans, suite à une condamnation à une peine de perpétuité assortie d’une peine de sûreté de 15 ans pour le premier et de 18 ans pour le second. Ils pourraient donc bénéficier de libérations provisoires, semi-probatoires ou conditionnelles depuis 2005 dans le cas de Jon Parot et depuis 2008 dans le cas de Jakes Esnal.
L’organisation dont ils étaient militants a définitivement arrêté la lutte armée en 2011, procédé à son désarmement complet en 2016 et s’est officiellement dissoute en 2018.
Et un magistrat anti-terroriste vient expliquer au Figaro que leur maintien en détention est dû au fait que la justice est précautionneuse.
Condamnés à mourir en prison
Les élus locaux dont le magistrat anti-terroriste cité par le Figaro critique avec mépris le fait qu’ils demandent aujourd’hui la libération de ces prisonniers sont bien plus lucides que le Parquet national anti-terroriste (PNAT) qui s’y oppose, par “mesure de précaution”.
C’est au contraire ce blocage irresponsable de toute libération, y compris de septuagénaires ayant purgé plus de 32 années de prison, qui fait courir un risque à la situation d’apaisement global que connaît le Pays Basque depuis 2011.
Le mouvement abertzale, ainsi qu’une bonne partie de la population et tout particulièrement la jeunesse, ont bien entendu le message. En maintenant Jon Parot et Jakes Esnal en prison malgré leur âge, la durée de la peine accomplie et le contexte de désarmement et de dissolution d’ETA, le PNAT s’inscrit dans une logique de vengeance et a décidé de condamner ces deux prisonniers basques à mourir en prison.
Nous ne pouvons pas l’accepter
Cela, nous ne pourrons jamais l’accepter. Et cette attitude provocatrice et politiquement irresponsable nous oblige aujourd’hui à changer de méthode, à passer à d’autres répertoires d’actions que ceux qui ont prévalu jusqu’à aujourd’hui.
Ce blocage de toute perspective d’apaisement nous conduit à organiser, comme première riposte d’envergure, le blocage complet du Pays Basque nord le samedi 23 juillet.
Que toutes celles et tous ceux qui refusent la condamnation à mort, tant de Jon Parot et Jakes Esnal, que du processus de paix que nous nous échinons à vouloir bâtir, s’inscrivent et se préparent à participer à cette journée qui marquera un tournant dans cette bataille là.
(1) Les juges face au dossier des terroristes basques paru le 16 juin 2022
(2) Nom du commando d’ETA dont Jon Parot et Jakes Esnal étaient membres dans les années 80-90. Voir le livre Au coeur du conflit basque de Giuliano Cavatera aux éditions Mediabask
(3) Le 11 décembre 1987, à Saragosse, l’explosion d’une voiture piégée devant une caserne de la garde civile à Saragosse avait tué 11 de ses résidents dont six enfants.
Mais qu’il est difficile de prendre position sur ce « problème ».
D’une part 6 enfants assassinés et des parents qui ne souhaitent que l’enfermement à vie des assassins de leurs enfant et de l’autre la démocratie qui a condamné et fait exécuter les peines et qui maintenant se doit de libérer ces hommes qui n’ont sans aucun doute jamais voulu tuer des enfants…
Pour ma part il faut pardonner et leur rendre la liberté… Mais je reconnais qu’il est simple pour moi de faire ce choix, je ne suis pas un des parents qui a perdu son enfant.
Il n’est même pas question de pardonner ou de faire des choix mais d’appliquer le droit. Ces prisonniers ont largement purgé leurs condamnations selon les règles du droit français. D’ailleurs on parle simplement de liberté conditionnelle avec pointage au commissariat et bracelet électronique, ce à quoi des prisonniers de droit commun peuvent aspirer. Dans ce cas, depuis 17 et 14 ans !
Bloquer Euskadi oui mais pourquoi???
Bloquer oui mais contre le capitalisme sauvage qui ravage tout, contre l’ultralibéralisme qui détruit tout, contre tous ces riches qui achètent tout et pourrissent tout ICI ET AILLEURS, contre le tout tourisme, contre la spéculation immobilière, contre la LGV, contre imperméabilisation des sols, etc..il me semble que l’on sacrifie beaucoup de combats, que l’on fait beaucoup de compromis aux nom des presos. Est-ce la priorité aujourd’hui? Que pensent les presos eux-mêmes de tout cela? Ne luttaient-ils pas pour un Euskadi socialiste, anticapitaliste et solidaire? Savent t’ils tout ce que l’on sacrifie en leur nom? Et puis il me semble que quand on fait le choix de la violence et des armes, de tuer des innocents, on en assume les conséquences pleinement. Ils auraient tuer en notre nom? Pour nous sauver? De qui ? De quoi?
Si Euskadi doit être une putain de Nation de plus dans le concert des nations auto-destructives, ce sera sans moi, sans nous!
J’espère qu’Enbata ne va pas une fois de plus censurer mon commentaire ou toi/vous que je lis depuis plus de 40 ans montrerez clairement votre visage anti-démocratique. Je crois qu’il est venu le temps de dire les choses clairement!
Iban Regnier
votre commentaire « méprisant » pour moi, vis à vis des prisonniers que nous refusons de voir mourir en prison, dénote une incompréhension très grande de votre part de ce qui les a menés à cette situation. Mais ce qui est en jeu actuellement c’est surtout le sort du processus de paix avant celui de prisonniers âgés qui n,en sont qu,un des symboles. Pour vous il semble (comme le défend le pouvoir espagnol) qu,il n,y aie pas eu de véritable conflit, que nos prisonniers ne valent pas la peine d,être libérés comme les prisonniers Irlandais par exemples? Comme ce serait des « meurtriers sans foi ni àme » ils mériteraient de pourrir seuls et abandonnés comme le veulent les fascistes espagnols qui sont à l’origine de ce conflit de plus de 50 ans. Vous devez étre très jeune et /ou très très mal informé vu votre degré d’ignorance qui donne des leçons… Vous vous permettez de dire qu’ils méritent leur sort car ils auraient fait « le choix de tuer des innocents »…. Vous le croyez vraiment ? C’est une accusation terrible…. et fausse !!! informez vous plus intelligemment avant de donner des leçons du haut de votre très grande ignorance
Je rajouterai que bien sur je suis à 100% pour la libération de nos presos et tous les prisonniers qui ont purgés leur peine…sans parler de quantité d’autres prisonniers qui n’ont rien à y faire.
De tout cœur avec vous tous. MERCI pour votre engagement
Je suis toujours étonné de lire que des personnes condamnées à la perpétuité auraient purgé leur peine.
Précision juridique: la perpétuité incompressible en France est une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté illimitée empêchant tout aménagement de peine. La loi prévoit toutefois qu’après 30 ans d’incarcération, un tribunal de l’application des peines peut mettre fin à cette période de sûreté perpétuelle. Un aménagement est donc possible in fine, mais en deux étapes. Elle est instaurée par la loi 94-891 du 1er février 1994 à l’initiative du ministre de la Justice de l’époque Pierre Méhaignerie, membre du gouvernement d’Édouard Balladur. Son périmètre a progressivement été étendu au cours des trente dernières années mais reste limité.