Les résultats des élections législatives ont réjoui tout le monde abertzale. Dans un contexte de très forte abstention, EH Bai a amélioré ses scores du scrutin de 2012. Il convient de mettre tout cela en perspective pour l’avenir, en abordant à la fois l’actif et le passif.
Il est intéressant de constater que nous avons globalement progressé à la fois en voix et en pourcentages depuis 2012 et ce, alors même que deux phénomènes auraient pu nous fragiliser.
Le premier, l’énorme taux d’abstention, dont on sait qu’il est toujours difficile à interpréter car on ne sait jamais réellement qui a renoncé à aller voter, mais qui en tout ne nous impacte pas cette année ; au contraire, alors qu’il y a moins de votes exprimés en général, ils augmentent en ce qui nous concerne.
Le deuxième, la forte polarisation hexagonale des élections législatives depuis qu’elles suivent d’un mois à peine les élections présidentielles. L’effet est potentiellement désastreux pour nous, étant donné que la tendance –encore confirmée cette année– est à donner une majorité au président nouvellement élu ; mais surtout, considérant que notre campagne n’apparaît dans le paysage politique qu’après plusieurs mois de surexposition de nos adversaires directs impliqués, eux, dans les présidentielles voire dans les primaires précédentes.
Quand des électeurs potentiellement abertzale se sont pendant plusieurs mois identifiés aux campagnes de Mélenchon, de Poutou ou même de Hamon et ont intégré ces choix comme autant d’enjeux stratégiques face au FN ou à Fillon, difficile ensuite de faire entendre une autre voix, surtout réduite à trois circonscriptions.
Force collective
Si nous y sommes parvenus, c’est bien parce que nous avons su compenser ce déficit, notamment médiatique, par une présence de proximité. Les militant-es d’EH Bai ont été actifs, la campagne a été efficace et dynamique dans tous les domaines, elle a encore une fois révélé les forces collectives du mouvement abertzale.
C’est bien parce que cette présence abertzale est constante et non limitée aux seules séquences électorales, parce qu’elle se manifeste de manière volontariste dans toutes les thématiques qui parcourent la vie de ce petit pays, que les gens lui portent crédit.
Combien de fois n’avons-nous pas entendu, sur les marchés ou en porte-à-porte : “je ne suis pas forcément d’accord avec tout ce que vous dites, mais vous au moins vous êtes sincères et on ne vous voit pas que pour les élections”…
Ce succès d’estime, il appartient à tout le mouvement, et pas seulement aux six personnes qui en ont été les porte-paroles durant la campagne. C’est à la fois notre atout et notre fierté, et c’est l’essentiel de ce que nous devons conserver pour l’avenir.
Une progression inégale
Cette présence quotidienne, dans tous les domaines de la vie publique, n’est toutefois pas toujours suffisante. Il suffit de regarder les résultats de ces dernières années pour en avoir une idée. Nous pouvons nous satisfaire des résultats de 2017, nous satisfaire d’ailleurs encore davantage de la progression dont ils ne sont qu’une nouvelle étape depuis maintenant plusieurs années, en particulier depuis les municipales de 2014 et les départementales de 2015. Nous progressons partout et de manière à peu près constante, mais nous restons faibles dans des endroits pourtant essentiels du fait de leur poids démographique. Ce n’est pourtant pas faute d’y avoir fait campagne de manière active : en ce qui concerne le cas biarrot, dont il faut reconnaître qu’il contribue lourdement à nous coûter le second tour sur la 6e circonscription, cela ne retire rien à l’énorme boulot effectué pendant cette campagne par les abertzale du coin, et auxquels je tire mon chapeau.
Cependant, le constat est là : à plafonner autour de 4% sur une commune pesant 20% du corps électoral de la circonscription, on pourra toujours se flatter d’être troisièmes et de progresser, mais viendra le moment où la progression dans les “petites” communes ne compensera plus le déficit dans la plus grosse. On peut y voir une fatalité, celle de territoires “perdus” du BAB où l’abertzalisme a échoué d’avance. Je n’y crois absolument pas.
Réflexion stratégique
Le retour en arrière de quelques années permet de voir que des scores flatteurs pour l’abertzalisme ont été possibles même dans le BAB et plus singulièrement à Biarritz. Ce n’est pas un temps si ancien, c’est même un temps où l’image des abertzale et leur structuration en Iparralde étaient loin d’offrir les opportunités actuelles. Mais c’est un temps où les abertzale se présentaient en force autonome, notamment aux municipales, et présentaient à la population un message et un projet qui leur étaient propres et donc identifiables.
N’étant pas biarrot, je n’aurai pas la prétention de donner des leçons sur ce qu’il convient de faire dans cette ville. Mais si je peux oser un parallèle avec une commune telle que Ciboure, où l’émergence d’une liste abertzale aux municipales en 2014 a permis de ressortir nos résultats des limbes antérieures jusqu’à y apparaître premier au second tour des départementales de l’année suivante, j’en tire la conclusion qu’une présence régulière en tant que force autonome sur le terrain change profondément la donne.
A Ciboure, l’émergence d’une liste abertzale
aux municipales en 2014
a permis de ressortir nos résultats
des limbes antérieures,
jusqu’à y apparaître en tête au second tour
des départementales de l’année suivante.
Comparaison n’est pas toujours raison ; si une présence municipale autonome n’est peutêtre pas forcément suffisante, surtout à court terme, elle est à mon avis nécessaire.
Une chose est sûre, en tout cas, c’est qu’une réflexion s’impose. Ne rien changer nous condamne à de futures désillusions. “Un mouvement qui s’endort sur ses lauriers, c’est comme un vélo dont on ne répare pas la roue en train de se dégonfler, sous prétexte qu’il avance toujours” disait le sage Eddy Merckx.