Les 2 et 3 avril, le procès de Louhossoa verra Béatrice Molle-Haran et Txetx Etcheverry comparaître devant la 16ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, en charge des affaires de terrorisme. En théorie, ils risquent jusqu’à dix ans de prison.
Décembre 2016 : cela faisait plus de cinq ans qu’ETA avait annoncé sa décision de mettre définitivement fin à la lutte armée lancée six décennies plus tôt, en pleine dictature franquiste. Et les deux États concernés n’avaient rien fait depuis pour accompagner cette décision, bien au contraire. Ils maintenaient la répression et les politiques d’exception et d’éloignement pour les prisonniers basques, refusaient tout dialogue avec l’organisation armée, etc.
Les souffrances continuaient pour les prisonniers et leurs familles et proches dont 16 avaient déjà payé de leur vie les longs et épuisants trajets pour rendre visite aux militants incarcérés. La société basque et l’opinion publique espagnole continuaient d’être alimentées par un feuilleton anti-terroriste fait de découvertes de caches d’armes ou de planques de militants, d’arrestations et de condamnations, d’interdictions, de provocations et de manipulations. C’était bien pratique pour détourner le regard des énormes scandales de corruption qui éclaboussaient les deux principaux partis et notamment le PP au pouvoir, les turpitudes du Roi Juan-Carlos et la terrible situation sociale et économique qu’avait provoquée en Espagne la crise des subprimes. Les premières dissidences publiques apparaissaient dans le camp indépendantiste, marginales mais préoccupantes et tentant de convaincre les bases du mouvement que l’arrêt de la lutte armée était une erreur stratégique. 2015 avait été ensanglantée par les attentats de Charlie-Hebdo et du Bataclan. Qui pouvait tomber demain sur une des réserves d’armes et d’explosifs d’ETA cachées dans telle forêt ou telle maison ?
Prendre ses responsabilités
Bref, pourquoi les deux États ne prenaient pas leurs responsabilités et n’aidaient-ils pas ETA – qui voulait désarmer – à le faire, prolongeant de manière inutile ce jeu malsain et risqué du chat et de la souris ?
C’est dans ce contexte que Michel Berhocoirigoin, Michel Bergouignan, Michel Tubiana, Stéphane Etchegaray, Béatrice Molle-Haran, moi-même et bien d’autres personnes qui n’ont pas été arrêtées mais ont préparé avec nous l’action de Louhossoa avons décidé d’agir. Notre objectif était clair : mettre fin à cette situation et permettre au plus vite le désarmement total d’ETA, qui amènerait lui-même d’autres pas sur le chemin d’une paix juste et durable en Pays Basque. L’action de Louhossoa a rempli tous ses objectifs, sans drames ni accidents, pour le bien de toutes et de tous. Les risques que comportait le contexte pré-Louhossoa ont été désamorcés et le temps s’est accéléré, dans le bon sens.
« Notre objectif était clair : permettre au plus vite le désarmement total d’ETA, qui amènerait lui-même d’autres pas sur le chemin d’une paix juste et durable en Pays Basque. »
C’est pourquoi les 2 et 3 avril prochain, Béatrice et moi-même comparaîtront sereins devant la 16ème chambre du Tribunal de Paris. Si c’était à refaire, nous le referions. Sereins mais déterminés, et nous comptons bien nous défendre avec énergie pour demander notre relaxe. En effet, on a du mal à croire que les juges aient refusé de proclamer un non-lieu pour ensuite nous accorder cette relaxe.
Artisans de la Paix ou terroristes ?
Or, quelle que soit la sanction que le tribunal prévoit de nous infliger, au vu des chefs d’inculpation que les magistrats ont choisis, il s’agira d’une condamnation pour faits de terrorisme, avec inscription au fichier anti-terroriste et toutes les conséquences qui vont avec. Tant pour le signal politique que cela enverrait au Pays Basque, qu’en mémoire et par respect du sens de l’engagement de Mizel Bergouignan, Mixel Berhocoirigoin, Michel Tubiana et tous ceux et celles qui ont oeuvré à Louhossoa ou le jour du 8 avril, nous ne pouvons l’accepter. Nous ne pouvons nous résigner à ce que les actes que nous avons collectivement posés soient qualifiés de terroristes. Notre objectif était de permettre une paix juste et durable, et nous avons pris nos responsabilités. Serons-nous condamnés pour cela ?