Le collectif de soutien aux prisonniers politiques basque Sare présentait le 20 août son bilan annuel. Treize ans après la fin de la lutte armée, six ans après la dissolution d’ETA, le Pays Basque compte encore 148 prisonniers politiques, 143 en Hegoalde et cinq dans l’État français ; 26 sont des femmes. En un an, 29 d’entre eux ont obtenu la liberté conditionnelle qui est accordée selon un système complexe faisant intervenir plusieurs instances: juge d’application des peines, conseil de gestion des centres pénitentiaires, ministre de la justice du gouvernement autonome en charge de l’administration pénitentiaire, ministère public et enfin audiencia nacional qui a le dernier mot. Une autre formule permet à une vingtaine de preso d’avoir le droit de quitter dans la journée leur centre de détention pour se former ou travailler.
Selon Sare, ce système brille par sa lenteur, ses limites et le souci de mettre en œuvre une législation d’exception, assortie de critères particuliers et éloignée du droit commun. Si ce dernier était vraiment appliqué, plus d’une centaine de prisonniers politiques basques devraient bénéficier d’un régime de semi-liberté ou de la liberté conditionnelle. Inexistantes sont les propositions d’élargissement partiel en faveur des détenus âgés de plus de 65-70 ans ou dont la santé donne des signes d’inquiétude. Les permissions de sortie de deux jours qui sont du seul ressort de l’administration pénitentiaire basque sont accordées au compte-gouttes. Le cumul des années de prison ne tient pas compte de celles passées dans d’autres Etats. En clair, en France. On le voit, l’esprit de vengeance et de revanche est toujours d’actualité.
Photos « obscènes »
La nouvelle ministre de la Justice du gouvernement autonome basque, Maria Jesús San José, est socialiste. Dans une déclaration du 15 juillet, elle réclame de la part des prisonniers basques une démarche de repentir plus conséquente en «admettant la profonde injustice du mal qu’ils ont causé» pour préparer « leur retour dans les rues d’une Euskadi plurielle qui est le contraire de ce qu’ils ont combattu ». Il convient d’approfondir dans leur esprit les efforts de « délégitimation du terrorisme ». En d’autres termes, la « rééducation » dans les camps que le régime communiste vietnamien imposait hier à ses opposants, ne fonctionne pas assez bien en Pays Basque.
Les déclarations de la ministre ne gagent rien de bon. Elles font écho aux récriminations d’associations de victimes largement soutenues par la droite et l’extrême droite espagnoles. Celles-ci s’insurgent contre une approche qui justifierait ETA dans certains milieux, par exemple lors de journées en faveur de l’amnistie dans le programme officiel de fêtes locales, comme récemment à Ondarroa, ou encore avec les nombreuses photos de preso « particulièrement obscènes » qui fleurissent aux fêtes de Gasteiz ou de Plentzia.
Le mémorial des victimes du terrorisme, largement financé par le gouvernement espagnol, a ouvert ses portes à Gasteiz il y a trois ans. Son directeur Florencio Dominguez, a fait part de ses craintes début août : pour la génération des plus jeunes, comme chez les plus âgés, s’installe « une vision romantique et idéalisée de ce que fut le terrorisme » et se développe « l’idée que la violence fut efficace pour atteindre des objectifs politiques ». « Nous devons combattre ces deux risques », a-t-il ajouté.
En réponse, le collectif Sare a rassemblé plusieurs milliers de personnes autour du thème « Etxera » et pour la fin des politiques d’exception à l’encontre des preso. C’était le 23 août, peu avant la clôture des fêtes annuelles de Bilbo.