Bake Bidea
La journée de ce samedi 7 janvier 2023 a débuté au palais Euskalduna à Bilbao avec une table ronde où plusieurs victimes du conflit se sont exprimées devant les organisations politiques, syndicales et sociales du Pays Basque nord et sud.
Ces victimes, qui étaient ; ROSA RODERO (Veuve de Joseba Goikoetxe tué par L’ETA) ; ROSA LLUCH (Fille de l’ex ministre Ernest Lluch tué par l’ETA) ; MAIDER GARCIA GOENA (Fille de Juan Carlos Gracia Goena tué par le GAL à Hendaye) ; IRANTZU BENITO (Victime de la dispersion, survivante d’un accident où ces amis Asier Heriz et Iñaki Sáez ont péri, alors qu’ils se rendaient à Brieva (Ávila) en Espagne.) ; MARI NIEVES DIAZ (Mère d’Iratxe Sorzabal victime de torture) ; TAMARA MURUETAGOIENA (Fille de Esteban Muruetagoiena, mort suite aux tortures dont il a été victime).
Elles se sont entretenues sur la façon dont elles entrevoient la poursuite de la construction du vivre-ensemble. Il a été gratifiant d’entendre les réflexions de personnes qui ont tant souffert de la violence. Ce type de table ronde est indispensable, et nous continuerons à le faire autant de fois que ce sera nécessaire. Parce que nous ne pourrons pas construire le vivre ensemble sans empathie envers ceux qui ont été directement victimes de toutes les formes de violences ayant existé en Pays Basque.
Ici la vidéo de la conférence en Basque et en Castillan :
A 17h, la grande manifestation a débuté, des dizaines de milliers de personnes s’étaient retrouvées sur la rue Autonomia, sous le slogan « Le retour maintenant » « le retour des prisonnier.e.s et exilé.e.s chez eux maintenant ». Au départ de la manifestation, un grand tissu de 30 m a parcouru la longueur du boulevard, tenu par les milliers de manifestants. Sur le tissu était inscrit « RETOUR – ETXERA – RETURN – STOP AUX MESURES D’EXEPTIONS ». La manifestation s’est ensuite terminée devant la mairie de Bilbao, où Anaiz Funosas, porte-parole de Bake Bidea et Joseba Azkarraga, porte-parole du réseau citoyen SARE en Pays Basque Sud, ont pris la parole.
Vous trouverez ci-dessous la prise de parole.
7 Janvier 2023 :
34 années se sont écoulées depuis le mois de novembre de l’année 1988 au cours duquel Madrid a mis en œuvre la politique cruelle d’éloignement et de dispersion contre les prisonniers basques et leurs familles. Aujourd’hui, devant des milliers et des milliers de citoyens venus de tous les coins d’Euskal Herria, nous pouvons dire que cela nous a coûté, mais que nous avons gagné cette étape. Et nous l’avons gagnée toutes et tous ensemble.
Ils n’ont pas tenu compte de la volonté ferme de la société basque de faire face démocratiquement à cette violation des droits.
Sur ce chemin de centaines de milliers de kilomètres parcourus, beaucoup de souffrances ont été infligées, de même que d’importants dommages moraux et un lourd coût économique pour que chaque semaine, aucun prisonnier ne soit laissé sans la visite de ses proches.
C’est pourquoi, aujourd’hui, nous commençons cette prise de parole en exprimant notre gratitude et la nécessité du souvenir.
Merci à la société basque pour sa générosité et son engagement contre les violations des droits. Merci à ceux qui, sur la route avec Mirentxin ou dans la rue avec leur soutien, ont su entretenir la flamme de la revendication et de la solidarité depuis plus de trois décennies !
Le souvenir de ceux qui ont perdu la vie sur les routes alors qu’ils rentraient chez eux ou allaient rendre visite à leurs proches emprisonnés. Ruben Garate, Argi Iturralde, Iñaki Balerdi, Antonia Fernandez, Mari Carmen Salbide, Leo Esteban, Jose Mari Maruri, Pilar Arsuaga, Alfonso Isasi, Iñaki Saez, Asier Heriz, Sara Fernandez, Karmele Solaguren, Natividad Junco, Rosa Amezaga et Arantza Amezaga seront toujours dans nos mémoires. Tous victimes de cette politique carcérale d’éloignement. Beti Gogoan!!!
Le 8 octobre dernier à Donostia, nous vous encouragions à changer ce regard d’inquiétude lu sur vos visages par un regard exprimant espoir et aussi, la satisfaction. En effet, nous sommes en passe de gagner la bataille contre la vengeance. Parce que nous gagnons la bataille contre la haine et le désir de revanche. Parce que nous croyons en notre propre force et que nous continuons à aller de l’avant. Lentement, mais nous avançons.
Nous, la société basque, la majorité politique et syndicale, avions déjà pris la décision il y a longtemps, que le retour des prisonnier.e.s était indispensable pour eux mais aussi au processus de Paix et au vivre ensemble. Et nous espérions que les Etats allaient faire de même.
L’avenir est à nous, mais nous devons continuer à le construire et à le décider ici. Ces personnes font partie de notre société, et ce sont les membres de cette société qui devraient pouvoir décider, comment et quand, les prisonnier.e.s retournent chez eux. En quelque sorte, cela serait une réinsertion pour tout le monde, dans le sens le plus positif du terme.
Sans aucun doute, toutes les victimes de toutes les violences subies en Euskal Herria méritent le respect de leur douleur et l’égalité de traitement que leur doivent les gouvernements. En outre, tant que nous ne chercherons pas de solution au problème des victimes, que la société ne leur témoignera pas le respect qui leur est dû, et tant que nous ne chercherons pas de solution à la situation des détenus basques, nous ne pourrons parler de vivre ensemble.
C’est le défi qui nous attend. Le Réseau Citoyen SARE ainsi que Bake Bidea sont prêts à s’engager à être une partie active de la RÉSOLUTION.
Il y a de nombreux et importants obstacles devant nous, qui tentent d’empêcher ce pays d’avancer vers la paix et le vivre ensemble. Nous pourrions citer en guise d’exemple, les tribunaux d’exception français et espagnol ainsi que les parquets antiterroristes.
Et parmi ces obstacles, ce que l’on prétend appeler « la justice espagnole », tient un rôle de premier plan. Elle qui, par désir de vengeance, décide, à 400 km de là, de la liberté ou non de personnes qu’elle connaît peu et dont elle se fiche. Elle le fait en ignorant les décisions des personnes qui, dans les prisons, sont conscientes de l’évolution positive de ces personnes privées de liberté, sous le coup de longues années de peine.
Exercer la souveraineté, c’est aussi pouvoir prendre des décisions sur ces personnes, ici. C’est un vœu démocratique.
D’où la devise de la manifestation de cette année : ETXERA BIDEA GERTU !!! « Le retour maintenant ». Rien de mieux que ces mots pour traduire le sentiment qui anime notre volonté d’aller de l’avant.
Et nous devons le faire ensemble. Nous devons créer des espaces de vivre ensemble. Un vivre ensemble auquel aspire la société basque, après des décennies d’affrontement et de violence. Nous cherchons à refermer le cycle de la violence et de la répression, à entrer dans le cycle de la pacification, du vivre ensemble et de la résolution.
L’agenda des droits de l’homme ne peut continuer à être subordonné à l’opportunisme partisan et à la raison d’État. Les droits de l’homme ne sont pas parcellaires. Ils forment un tout, incluant y compris l’empathie avec ceux qui ont subi les différentes formes de violence vécues par ce territoire.
Cela nous amène à rejeter le désir de vengeance de ceux qui continuent de déformer les lois pour infliger des peines plus lourdes aux hommes et aux femmes, privés de liberté depuis des décennies et dans des conditions clairement améliorables, alors que nous observons que personne n’est en prison pour avoir torturé ou pour crimes d’État.
De Kuartango à Lizarra, d’Oion à Lekeitio, d’Hazparne à Santurtzi, d’Oiartzun à Gasteiz, de Catalogne, de Galice ou d’Espagne, nous qui sommes aujourd’hui ici présents, nous voulons manifester notre solidarité et notre engagement.
Solidarité avec les prisonniers basques et leurs familles, solidarité et empathie avec les victimes de toutes les formes de violence, et l’engagement, de SARE et Bake Bidea-, à continuer à travailler pour mettre fin à une situation qui nous fait mal à tous, car elle est injuste.
Nous avons montré que cette société doit se tourner vers l’avenir, elle doit mettre fin à la souffrance. Pour ce faire, seule la mobilisation sociale et la volonté de la majorité politique et syndicale basque, peuvent ouvrir la voie à la liberté.
Oui, Oui et Oui : ETXERA BIDEA GERTU ! Le Retour maintenant !
PRISONNIERS ET PRISONNIERS, EXILÉS ET DÉPORTÉS : ETXERA !! Retour chez eux !
Nous y arriverons tou.te .s esemble !
« Victime de la dispersion », « victime de tortures », « mort suite aux tortures dont il a été victime ».
Pourquoi ne pas dire « victime de la politique de dispersion de l’état espagnol (ou français) », « victime de la répression/tortures de l’état espagnol (ou français) », « tué par l’Espagne suite à des tortures » ?
Pourquoi les uns sont-ils victimes d’auteurs (ETA et GAL), et les autres victimes d’outils ou de moyens de répression (dispersion, tortures,…) ? La dispersion, les tortures, même les attentats du GAL ont bien été commandités par les autorités espagnoles. La France n’y est pas pour rien, non plus.
C’est révoltant !