C’était le feuilleton de ce printemps 2015 dont la saison 1 se termine en tout début d’été. Par un rebondissement dont le rugby a le secret (1), le projet d’une seule équipe professionnelle en Euskal Herria est mort-né. On attendra donc la saison 2 tellement cette question récurrente revient inexorablement comme un boomerang.
C’est un sujet de prime abord futile mais qui participe subséquemment à moult digressions, à une pléthore de thématiques, façon poupées russes. Ainsi, au-delà de la question intrinsèquement sportive, on ne peut s’extraire de l’interaction financière, économique, politique, juridique, culturelle, identitaire, historique, affective ou symbolique qui s’entremêlent dans une pagaille intellectuelle sans pareille.
L’engouement pour celles et ceux qui s’y adonnent est tel qu’on peut, en toute bonne foi, utiliser un même argument, pour abonder la thèse ou à contrario son antithèse. C’est merveilleux!
Moi même, je me suis longtemps demandé par une fastidieuse introspection, pourquoi étais-je, l’âge progressant, revenu à mes amours premières ? Pourtant le foot occupait grandement nos vies de gamins babyboomers de la rive droite bayonnaise. Mais c’est le ballon ovale qui revint au grand galop, la quarantaine aidant, concomitamment avec l’arrêt de la cigarette. Dès lors, avec quelques amis d’enfance et de jeunesse, nous avons renoué avec le stade Jean Dauger que nous avions quitté St Léon… Il faut dire que mon passage à l’Aviron rugby dans ma période pré-pubère du début des années 70 n’a pas marqué l’histoire du club. Ma position de seconde pompe qui ne touchait aucune canique me lassa à un tel point qu’elle me renvoya inexorablement arrière gauche chez les manchots.
Et le professionnalisme fut !
L’arrivée du professionnalisme en 1998 a complètement changé la donne jusqu’alors usitée : la grande majorité des joueurs évoluaient dans les clubs du Pays Basque et sud des Landes. Bayonne qui, par conservatisme, n’avait pas voulu adopter derechef le statut professionnel, fut l’une des premières victimes de cette évolution et chuta en D2 pour la première fois de son histoire. Les autres clubs sans moyens financiers suffisants dégringolèrent à leur tour jusqu’en fédérale. Pendant ce temps, Aviron et BO refusaient de se regrouper, adoptant chacun la stratégie du dernier survivant. C’est-à-dire l’idée selon laquelle celui qui survivrait dans l’élite du rugby, pourrait récupérer les sponsors et le public de l’autre afin de continuer d’exister au plus haut niveau. La confrontation séculaire s’achève donc sur un duel mortifère.
Sur le principe, le projet d’union est simple et plutôt attrayant. Il consiste à créer une association tierce qui supporterait un nouveau club professionnel (SASP) basé sur l’identité basque. Cette association tierce gérerait aussi l’équipe espoir et le centre de formation. Les associations mères (section amateur AB et omnisports BO) continueraient d’exister indépendamment pour les catégories jeunes et seniors amateurs, ce qui permettait de préserver leur identité d’origine.
Enfin, ce dispositif aurait été complété par la création d’une académie basque de rugby qui avait pour but d’aider les clubs du territoire à former leurs jeunes et d’orienter, à terme, les meilleurs talents vers le centre de formation.
Sur la forme, il en a été différemment.
Un deuil en trompe l’oeil !
Après plus d’un siècle d’opposition rugbystique, le staff des deux clubs pro a pensé, dans la précipitation, porter un projet d’une telle ampleur en quelques semaines sous la pression financière. Dans chacune des deux cités limitrophes, une entreprise privée de spectacle sportif s’est développée avec des supporters devenus, malgré eux, des spectateurs/clients et des
responsables associatifs ont été substitués par des actionnaires/dirigeants. La grande imposture aura été de penser que les supporters/consommateurs pouvaient être consultés et que leur avis restaient prépondérants.
Dans leur grande naïveté, les représentants des supporters (gardons le qualificatif) pensaient jouer un rôle devenu obsolète et n’ont pas pu (pas su ?) prendre la place qu’ils pouvaient revendiquer.
Objectivement, les deux staffs pouvaient légalement se passer d’eux mais humainement, sociologiquement, affectivement ou historiquement, ils commettaient une grossière erreur. Doublée d’un gros mensonge sur la tenue de ces conversations privées. Au final, est-ce que les supporters les plus fidèles ne se sont-ils pas attribués un club qui ne leur appartenait plus, en découvrant la triste réalité aujourd’hui puisque, in fine, tout se décide sans eux ? Avec cette impression tenace d’avoir été “trahis” par les deux clubs oubliant qu’une entreprise privée n’a de compte à rendre qu’à ces actionnaires…
C’est, sans nul doute, le deuil du rugby amateur senior que l’on commence collectivement aujourd’hui à faire…
Fusion : la grande désillusion
Finalement, parmi les supporters opposés à la fusion sur le fond, ce sont les ultras qui se réjouissent. Ceux qui se fichent de voir leur club dans l’élite du rugby : “Je les suivrai
jusqu’en fédérale (amateur) si cela arrive !” s’emporta l’un d’entre eux lors de la réunion publique bayonnaise du mardi 23.
Quitte à participer aux futures pesées du jambon et autres bourriches pour payer le déplacement des joueurs ? (2)
Curieusement, se joignent à ces ultras deux responsables du PS local qui, décidément, n’ont pas d’autre territoire d’appartenance que Bayonne (ville gasconne) et la France (une et indivisible) et quelques abertzale minoritaires pour qui Euskal errugbia ne rime pas avec Euskal zelekzioa. Les autres opposants, moins résistants au changement et souhaitant voir en Pays Basque Nord un club en top 14, n’avaient aucune peine au monde à argumenter l’idée qu’un tel bouleversement ne pouvait se faire sans toutes les parties concernées, dans la transparence et avec du temps. On pourra toujours retenir les maladresses des dirigeants actuels des deux clubs qui n’ont pas su mettre en place une stratégie plus partagée et une communication idoine, oubliant, au passage, la responsabilité des anciens dirigeants et maires des deux soeurs ennemies. Le proche avenir donnera raison, sur le fond, à Manu Merin, (et même au honni Serge Blanco), qui restera parmi les rares présidents issus du milieu populaire bayonnais.
Aujourd’hui, on apprend que l’argument que l’union était là pour sauver le BO et le soldat Blanco de ses affres financières est tombé dans la Nive avec une situation bayonnaise bien plus délicate. Du coup, la quinzaine de joueurs en accord avec la refonte du rugby pro en Pays Basque se cherchent des solutions de repli. Un actionnariat populaire, enfin, se dessine. Mais n’est-il déjà pas trop tard ?
(1) Un point du règlement des statuts du Biarritz Olympique Omnisports exige une majorité des deux tiers et le vote sur la fusion n’a atteint le mardi 23 juin que 56 % des votes exprimés (136 contre 105). Contestation et 2ème vote le mardi 30… La section bayonnaise du rugby amateur a décidé, sans contestation, ce vendredi 26 que la création d’un club professionnel était remis aux calendes basques…
(2) Par ailleurs, il faut aussi avoir à l’esprit que les villes vont devoir compenser la baisse des dotations de fonctionnement accordées par l’État. L’accueil de nouvelles populations sur leur territoire fait partie des solutions envisageables. Les municipalités sont donc très favorables à la construction de nouveaux logements. Les terrains d’Aguilera et de Jean Dauger pourraient permettre la construction de plus d’un millier de logements idéalement situés. La construction d’un stade en périphérie de l’agglomération pourrait finalement les arranger. Mais ce ne serait évidemment pas sans conséquence sur la vie de ces villes.
J’avais répondu à votre premier article. Je ne retrouve aucun de mes arguments dans votre deuxième chronique. Je contestais les vôtres concernant l’appui que cette fusion pouvait apporter à l’identité basque en vous citant l’exemple de l’Attletic Bilbao qu’un amateur du ballon rond aussi éclairé que vous ne doit certainement pas ignorer. je mettais le doigt sur les dangers qui menacent notre rugby en général et qui dépassent largement (selon moi) le cadre Bayonne- Biarritz. Il est vrai que vous ne me classez certainement pas parmi les gens dotés comme vous de la raison infaillible mais plutôt parmi les « ultra » passéistes , vindicatifs, qui par leur attitude absurde vont tout perdre. A-t-on au moins le droit de ne pas être de votre avis, tout simplement?
Je ne vous remercie pas de m’avoir lu comme je vous l’avais dit la dernière fois puisque dans le meilleur des cas vous ne l’avez pas fait et qu’il n’y a aucune raison pour que vous le fassiez cette fois.
Mais puis-je vous dire qu’après vous avoir lu en ce qui me concerne, je vous adresse mes remerciements pour m’avoir convaincu s’il en était besoin que ce projet était mauvais?
J.B;Lalère
Il n’ y ura pas de rugby « de haut niveau » en Euskal Herria. Il n’y en a pas non plus en Catalogne sans que cela vous trouble. Le rugby bigourdan est lui aussi bien malade et le rugby occitan artère principale de ce sport autrefois, ne se porte pas très bien non plus. Mais rassurez-vous, on pourra voir un jour les « Pompom girls » accueillir les joueurs sur les pelouse de Strasbourg, Lille et Rennes. Pour ma part, je reste persuadé qu’ il était possible soit de faire coexister un rugby de provinces franchisées et un rugby de clubs de bon niveau, soit de réorganiser les championnats pro pour maintenir en vie des clubs qui ne disposent pas des budget de Toulon ou autre Stade Français.