Depuis quelques jours, nombre de façades aveugles, de placettes, de coins et recoins de la ville se sont mués en oeuvres d’art à ciel ouvert. Un autre musée bayonnais dont il n’est pas nécessaire de franchir la porte ou de se préoccuper des heures d’ouverture. Et, dimanche ce sont des dizaines de personnes qui ont participé à une sorte de jeu de piste improvisé munies de leur appareil photo ou de leur téléphone, se refilant l’adresse de l’autre peinture à ne pas manquer.
De parfaits inconnus, commentaient l’affaire, faisaient part de leurs impressions se transformaient en chasseurs d’images et d’émotions et j’ai vu des habitant.es venir à la rencontre des passants pour expliquer comment l’artiste avait travaillé, le temps mis pour la réalisation, voire montrer des esquisses qu’ils avaient récupéré.
Jusqu’au “tuktuk” réquisitionné pour un parcours d’artistes en pleine ville. Il reste encore à découvrir, car ce sont parfois de très petites figurines accrochées à un mur, des petits sujets comme des clins d’oeil au coin d’un volet…
Dans un centre historique très (trop ?) protégé, cette irruption d’un art très contemporain est un vrai bonheur et plus à la périphérie sur certains immeubles années 60 une vraie mutation visuelle.
Il en faut parfois peu pour enchanter le quotidien, voir son environnement le plus proche d’une façon différente et discuter des goûts et des couleurs avec ses voisins.
L’espace public mérite des attentions toutes particulières et ce n’est pas ce que jusqu’ici nous avons le mieux réussi…
Inféodés “au tout automobile” nous avons sacrifié tous les autres usages, rendant illisible toute écriture urbaine. Dans d’autres pays, cela fait des années que l’on accorde aux espaces de vie en ville un meilleur traitement, et quand on bouge un peu nous sommes souvent saisis par la créativité qui s’en dégage. A Bayonne, il est incontestable que le travail engagé sur le bâti du centre- ville a produit des effets non négligeables et que le patrimoine domestique très particulier est remarquablement mis en valeur.
La ville va connaitre de profondes modifications encore avec l’aménagement en cours, mais il va nous falloir réussir la mutation de l’espace public et du mobilier urbain. A chaque “portrait de quartier” processus de concertation mis en place par la municipalité, c’est ce qui émerge souvent des échanges et l’on sent bien l’appétence des habitant.es pour cette radicale transformation.
Que ce soit à Saint-Esprit, au Polo Beyris, ou encore Place Patxa leur participation active permettra de transformer rues et places de façon totalement concertée et en prenant sûrement mieux en compte les usages et les fonctionnalités. Cela prend du temps, beaucoup de temps, mais cela a aussi permis d’engager deux inventaires patrimoniaux afin de recenser toutes les maisons présentant des caractères remarquables mais aussi en étendant l’étude sur des espaces végétaux ou des arbres à prendre en compte.
C’est une autre lecture de la ville qui s’offre à nous moins rigoriste car elle fait apparaitre ce qui fait valeur aux yeux de ceux qui l’habitent et qui dépasse sacrément les codes ou les normes de ce qui est reconnu en matière d’urbanisme classique. “Refaire la ville sur la ville” une ambition mais aussi une nécessité avec la création d’un nouvel habitat correspondant aux exigences de ce siècle, en maîtrisant l’évolution et en écrivant de nouvelles règles pour imposer un développement plus harmonieux et acceptable.
Protéger ne doit pas signifier vitrifier,
et il nous faudrait évoluer vers plus d’audace
pour que les marqueurs de notre temps
puissent exister dans nos villes
sans que ce soit fatalement considéré
comme au préjudice de l’existant.
Resterait aussi à pouvoir confronter du très contemporain au bâti le plus ancien, comme l’ont réussi d’autres villes en Europe, je pense à Bruxelles, à Amsterdam… moins coincées que nous dans des règlements pour moi assez obsolètes. Protéger ne doit pas signifier vitrifier, et il nous faudrait évoluer vers plus d’audace pour que les marqueurs de notre temps puissent exister dans nos villes sans que ce soit fatalement considéré comme au préjudice de l’existant.
En plein le vieux quartier de Séville l’insolence des “Parasols” est une surprise mais aussi un modèle d’intégration. Ici trop souvent, on nous refait le coup de l’Histoire, ou de la nostalgie pour s’interdire tout changement… la moindre façade même sans grand intérêt provoque des sanglots longs de façon tout à fait irrationnelle alors qu’il y aurait du bonheur à bousculer un peu les choses trop établies.
Mais dans cela il y a sans doute un brin de folie, une envie irrépressible parfois de changer le cours du temps au lieu de s’accrocher à des décors qui ont fait leur temps.