C’était Noël. Et quel Noël ! Voici les titres de mon quotidien ce jour là sur la « une » : « nos plats préférés », « La bûche pour le dessert », « Les coulisses de la maison Dior », « Le loto de Noël ». Sous le titre principal: « Chapon, foie gras, huîtres… les stars de Noël ».
Pour quoi diable cette célébration solennelle de la grande bouffe ? Pas de réponse, le lecteur reste sur sa faim. Mais c’est sûr, Noël c’est la grande bouffe. Chaque Français (je dis bien chaque Français et non chaque famille) en a été pour 570 €, toujours d‘après mon quotidien.
Dans les églises de la paroisse François d’Ardan de Hazparne, plus de deux mille personnes ont commémoré la naissance, il y a vingt siècles d’ un bébé appelé Jésus.
Il aurait eu une mangeoire pour berceau d’après ce que j’ai entendu. Mais mon quotidien n’ayant pas là-bas de correspondant, pas un mot là-dessus !
Imaginez-vous un article sur le derby Bayonne-Biarritz avec force détails sur les trottoirs encombrés de véhicules, un classement de ces voitures par marques, couleurs et cylindrées mais sans citer une seule fois ni ballon, ni joueurs, ni match ? On passe à côté de l’essentiel pour s’étendre sur les détails .
Bien que, réflexion faite, je me demande si la réalité n’est pas précisément celle décrite par mon quotidien, qui aurait laissé de côté le secondaire. Noël n’est-il pas d’abord dans notre société, la célébration annuelle des orgies détaillées sur la page de titre? Y compris pour une part de ceux qui ont fait un petit tour à l’église ?
Tout le monde économique serait tombé à bras raccourcis sur le journal , qui vit de publicités, si ce dernier n’avait contribué activement à ce déchaînement de dépenses et de rentrées pécuniaires pour le petit et le grand commerce ainsi que pour les restaurants. J’allais oublier les banques !
Dans les églises du Pays Basque, les fidèles étaient plus nombreux à Noël que les spectateurs de Jean Daugé un jour du match. Mais ils n‘y ont pas contribué à la croissance de l’économie, le nouveau dieu du monde moderne qui remplace avantageusement l’ancien, passé de mode. Entre les petites pièces déposées dans le panier de la quête et les billets laissés à la caisse pour payer l’entrée du match ou la carte bleue sortie pour les chocolats, il n’y a pas photo.
Bien que n’étant pas des grenouilles de bénitier, certains esprits chagrins ont trouvé que toute cette ripaille de Noël est en contradiction absolue avec ce qui doit être le souci majeur des esprits un tant soit peu éclairés : l’avenir de cette planète mise en danger de mort, justement par la société de consommation qui pille et gaspille sans mesure les biens destinés à tous les hommes, de tous les siècles, de tous les continents.
Dont ceux d’Afrique qui refusent d’imiter le Lazare de la parabole : se contenter de saliver sagement en se léchant les babines, à la vue des restes tombant abondamment de la table opulente du riche : en France le PIB est de 43.500$ par habitant, de 2,000 pour les Guinéens, le groupe le plus important de ceux qui passent à Pausua, quai de Lesseps.
L’Européen moderne, lui, est préoccupé par le souci de faire grimper son PIB de quelques dollars, encore plus haut, toujours plus haut, quelles qu’en soient les conséquences, pour regarder ces Guinéens qui après tout ne sont que des nègres.
Question subsidiaire : au rythme actuel de nos bombances, nos enfants que nous avons tant choyés à Noël, ont-ils encore un tant soit peu de chances d’atteindre la vieillesse ? Notre boulimie n’aura telle pas rendu l’air irrespirable bien avant que leur premier cheveux ne blanchisse ?
Je suis bien pessimiste ! Je reconnais avoir fait l’impasse sur ces super intelligences formatées dans nos grandes écoles (ENA, Normale Sup, Polytechnique etc.) qui, comme toujours, trouveront une solution à tous nos problèmes. Il suffit d’y croire. On a la foi ou on ne l’a pas. N’est-ce pas à leurs brain-trusts que nous devons déjà le moteur à explosion, les bus écolos qui circulent sans bruit et sans fumée, grâce à l’électricité produite par des centrales type Tchernobyl ou Fukushima ?
N’est-ce pas à eux que nous devons aussi les super-mégapoles dont rêve tout élu qui se respecte, avec leurs embouteillages et leur pollution record. Certains en projettent un qui irait de Saint-Sébastien à Moncayole. Vous voyez un peu l’argument sur une publicité touristique « la mégapole basque »? Sur le ranking, on serait en compagnie de Tokyo, Djakarta , Delhi etc… ! N’est-ce pas à ces paysans hautement qualifiés que nous devons des rendements mirobolants avec veaux aux hormones, vaches folles, lasagnes au cheval , etc ? Les têtes chercheuses de l’industrie pharmaceutique ne créent-elles pas des emplois par milliers pour produire Vioxx, Mediator, Thalidomide etc.?
Je crois avoir entendu que ce Jésus dont j’ai parlé plus haut, aurait dit, à l’âge adulte bien sûr : « Celui qui croira sera sauvé » . Mais à Nazareth, le pauvre, il n’avait pu fréquenter ni Centrale, ni Agro, encore moins Harvard ou Cambridge. Il avait dû se contenter d’une humble yeshiva villageoise.
Une réflexion sur « Quel Noël ? »
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Milesker Xipri, milesker haundi bat!