Par Michel Oronos
C’était sans doute l’intention de Monsieur G. d’Alençon (haut fonctionnaire de l’évêché de Bayonne) lorsqu’il annonça dans Notre Eglise n° 24 de mars 2012 p. 33, la réédition du «best-seller», Pour qu’Il règne , du théoricien de l’extrême droite, Jean Ousset. Aucun doute, l’extrême droite était bien dans la place, je veux dire au palais épiscopal de Bayonne. Je n’avais pas manqué de dénoncer cette publicité de l’organe officiel de l’Eglise de Bayonne.
L’ouvrage étant introuvable à l’évêché et à la médiathèque de Bayonne, j’eus recours au prêt inter-bibliothèques. En fait, pour savoir qui était Monsieur Ousset et quelles étaient ses théories un clic sur Wikipedia suffisait. Théoricien de l’extrême droite au but très affirmé de noyauter la société et surtout l’armée, collusion avec Vichy, la guerre d’Algérie, l’OAS, justification de la torture, théories exportées ensuite en Amérique du Sud, avec l’accord de la France, pour le soutien des dictatures, pour justifier des interrogatoires appuyés par la torture, les exécutions sommaires, la disparition de milliers d’opposants … En temps «normal», dans la ligne de Maurras, la Cité catholique de Jean Ousset préfèrera une élite de chevaliers à une organisation de masse, des cellules discrètes sinon secrètes de laïcs.
Or voici que Monsieur d’Alançon récidive. Habilement, avec perversité, profitant de la recension de deux ouvrages sur Mgr Oscar Romero, il n’hésite pas à rapprocher (innocemment !) le nom de ce martyr assassiné par l’extrême droite fasciste du Salvador avec les noms de J. Ousset et de M. Clément, tous deux théoriciens et porte-parole de l’extrême droite catholique (Notre Eglise n° 66, janvier 2016, p. 44).
Rafraîchir la mémoire, c’était, sans doute, aussi, l’intention de La Découverte/Poche en rééditant le livre de Marie-Monique Robin Escadrons de la mort, l’école française.
Le chapitre 11 traite abondamment du lobby national catholique avec des pages, 151-164, sur Jean Ousset, le «grand chef d’orchestre» de la contre-révolution. Contenu sans surprise, à vrai dire. La surprise (pas tout à fait surprise, d’ailleurs) a lieu à la page 154 où l’auteur fait une rencontre «au 49, rue des Renaudes, dans le XVIIe arrondissement de Paris où la Cité catholique s’est installée en 1964 … (qui) héberge une librairie où sont diffusés tous les ouvrages catholiques et intégristes, de droite et d’extrême-droite … toute l’œuvre du fondateur Jean Ousset. … Finalement (elle) est reçue par l’un des permanents du centre. La trentaine aux allures de cadre dynamique.»
Suit un dialogue révélateur dans sa banalité. De qui s’agit-il ? Vous le connaissez. Vous verrez son visage souriant, dans sa belle maturité, sans béret basque et sans casquette, à la page 3 du n° 70 de mai 2016. Rédacteur en chef de Notre Eglise en alternance avec Madame Violaine Ricour-Dumas de Poncins. Oui, lui. Langue au chat ? Monsieur Olivier Drapé, voyons, autre haut fonctionnaire de l’évêché de Bayonne, chargé de la communication.
Etonnez-vous que La Manif pour tous, Le Front national et l’Action Française fussent présents sous le porche de la cathédrale carillonnant à toute volée, pour soutenir l’évêque du lieu, lors de la manif et de la contre manif du 8 mars.
A qui ne pourrait lire ni Pour qu’Il règne (919 pages) ni Les escadrons de la mort (453 pages) je conseille de consacrer une heure au visionnage du documentaire Les escadrons de la mort et de découvrir l’univers terrifiant dans lequel évoluaient J. Ousset et ses disciples. Il aura une autre surprise : il rencontrera un général au nom fleurant bon le doux Pays Basque, à la cruauté sanguinaire, glaciale.
Qu’on se le dise, Messieurs d’Alançon et Drapé, hauts fonctionnaires, ne sont pas rémunérés par le diocèse de Bayonne uniquement pour vous servir un rafraîchissement au Bar du curé …
(Sur J. Ousset on peut aussi lire : Olivier Landron – A la droite du Christ. Les catholiques traditionnels en France depuis le concile Vatican II, édition du cerf, 2015, 263 p.)