Rien ne bouge, tout a bougé

RiennebougeRien, ou quasiment rien, n’a bougé entre le vote pour avis cet automne des 158 communes du Pays Basque Nord et celui, définitif, ce printemps pour la création d’un EPCI unique. Deux tiers pour, un tiers contre, à la rare exception d’un ou autre conseiller ou village qui passe d’un bord à l’autre. A l’heure d’écrire cet éditorial, bien que la consultation se poursuive, le résultat est déjà acquis puisque quasiment la moitié des conseils municipaux, représentant plus de la moitié des 298.578 habitants d’Iparralde ont approuvé. Comment expliquer cette  confirmation spectaculaire de l’opinion publique et de ses élus, alors que le vrai débat n’a eu lieu qu’entre les deux tours? Et quel débat! C’est l’émergence d’un noyau irréductible,  cristallisé autour de l’agglomération bayonnaise et d’Amikuze, qui a tenté de forger une alternative d’organisation territoriale différente sur le principe “on est tout aussi défenseur du Pays Basque, non par l’unité mais par la fédération de multiples intercommunalités”.

Ce refus du schéma unitaire soutenu par le Conseil des élus et présenté par le préfet dans le cadre de la loi NOTRe, a agrégé 45 maires qui ont déployé un arsenal de moyens de communication, dont une partie sur fonds publics. Ce débat, hélas tardif, aurait pu enrichir la noblesse de l’affrontement démocratique. Il s’est malheureusement traduit pour certains en règlements de comptes et petite révolution de palais au coeur de l’Acba. Tout ce tohu-bohu pour ça? Car les lignes n’ont pratiquement pas bougé, comme si l’adhésion au territoire basque enfin reconnu dans son unité relevait d’une aspiration profonde, presque naturelle. C’est cette attitude-là, sur un sujet fondamental pour un abertzale, qu’il nous faut comprendre. C’est dans un Iparralde complètement assimilé à la nation française, non par une association enrichissante, mais par le reniement et le remplacement de ses valeurs sociétales, que le mouvement abertzale appelle, dès sa naissance dans les années soixante, à la reprise en main de notre propre destin. “Gu gira Euskadiko gazteri berria, Euskadi bakarra da gure aberria” chante alors Michel Labéguerie dans l’étonnement, voire la réprobation générale.

Le deal politique proposé à nos trois provinces, à moyen et long terme, n’est plus le régionalisme mais le dialogue institutionnel avec le pouvoir central. La reconnaissance territoriale par la création d’un département et un statut de l’euskara. Si à ce jour rien n’est réellement acquis, reste que nous cheminons positivement depuis lors sur cette dialectique.

Le déclic irréversible sera l’engagement solennel du candidat Mitterrand en mai 1981. Après un difficile dialogue entre les premiers abertzale et le nouveau parti socialiste d’Epinay, le territoire basque devient sujet politique français. Dès Mitterrand à l’Elysée, c’est la convocation au ministère de l’Intérieur pour une rencontre avec Defferre de la première délégation basque, celle de tous les conseillers généraux d’Iparralde, sans leurs collègues béarnais, sous la conduite de leur président Franz Dubosq. Si le département Pays Basque n’y a pas vu le jour, c’est cependant la création de la commission Ravail qui, durant plusieurs mois sur le terrain, jeta les bases du financement de Seaska, la création de l’Institut culturel d’Ustaritz appuyé sur le premier SIVU des 158 communes basques pour son financement… Sur notre déception d’une promesse non tenue, s’enclenchait cependant un dialogue permanent avec le pouvoir central qui mena aux Conseils des élus et du développement, à la convention spécifique du plan Etat/Région… Les Basques eux-mêmes s’emparèrent des opportunités de cette stratégie en multipliant leurs propres réalisations. C’est, bien sûr, en premier lieu, le développement de l’enseignement de l’euskara en immersion dont la dynamique Seaska entraîna les enseignements catholique et public, l’émergence des radios et médias basques. C’est à la découverte de Mondragon, le déploiement des coopératives de production, puis la création d’emplois d’Herrikoa. C’est, dès lors, le monde économique qui est touché avec le rattachement de la Soule à la CCI de Bayonne, la création d’une chambre d’agriculture alternative, les GFA et l’organisation de productions agro-alimentaires labellisées. C’est le vote, par le Biltzar, de 64% des maires pour un département Pays Basque… Bref, un immense bouillonnement qui engage, peu à peu, le simple citoyen, les petits et les grands élus dans la réflexion, les pétitionnements permanents parfois conflictuels avec le préfet et les corps constitués du système. Parallèlement se fédère l’expression publique de l’ensemble de ces dynamiques particulières au Pays Basque dans Batera. C’est sous l’influence de tous ces faisceaux que nous vivons spécifiquement ici depuis des décennies. C’est cela qui explique le vote d’adhésion à l’EPCI dès novembre, presque instinctif, des élus municipaux d’Iparralde, à la première proposition formulée par le pouvoir central d’une gestion unique de nos trois provinces. Ils y étaient préparés jusqu’au fond de leur inconscient pour ne pas être dupes d’une apparente alternative de 45 maires porteurs du masque de la basquitude.

Les cinq mois entre les deux votes, s’ils n’ont rien changé à l’adhésion à une institution unique à Iparralde, ont cependant approfondi la qualité de notre vouloir vivre ensemble. Ils ont été mis à profit pour multiplier les rencontres et réunions de travail entre élus et l’administration centrale afin de proposer une intercommunalité originale et, paraît-il, modèle pour les  autres de l’Hexagone. Le paysage politique d’Iparralde en sort bouleversé. Le fait basque traverse désormais toutes les familles de pensée et présidera aux prochaines investitures et  alliances électorales. Seuls le FN et le PC demeurent monolithiquement anti-basques.

Le 1er janvier 2017 nous aurons vraisemblablement franchi la première étape d’un “Pays Basque connu et reconnu”.

 

 

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Une réflexion sur « Rien ne bouge, tout a bougé »

  1. Bonjour,
    Le compteur Linky a déjà été annoncé dans les mairies.
    Un outil particulièrement dangereux, si on croit ce que des spécialistes nous disent. Exemple : http://www.santepublique-editions.fr/index.html (page d’accueil du site)

    Ne devriez-vous pas faire une informations sur votre site d’ENBATA.

    Merci et au plaisir de vous lire. Cordialement. A.M.Andurand

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