Enargia, I-Ener, Herrikoa, Sokoa,… Se réapproprier nos outils collectifs. Dossier coordonné par Gisèle Lougarot (Partie 2).
Dans Enbata du mois de juin, le premier volet de notre dossier a retracé le déroulé de l’accaparement de Herrikoa et Herkide par Txistu Bergara et Timothée Acheritogaray. Mainmise qui s’est dévoilée à beaucoup lors de la crise de Enargia rendue publique en début d’année. Notre mise à plat ne saurait faire l’impasse cependant sur l’un des autres acteurs, trop rapidement entrevu jusqu’ici : l’entreprise Sokoa, à l’implication concrète dans l’affaire Enargia aux côtés de Herrikoa et Herkide.
Créée en avril 1971 à Hendaye par « 24 pionniers créateurs »(1) autour de Patxi Noblia, Sokoa est le premier outil d’initiative collective visant à la création d’emplois en Pays Basque nord. Quelque 50 années plus tard, le groupe Sokoa compte parmi les chefs de file européens dans la fabrication de sièges et de mobilier de bureau ; il emploie plus de 600 personnes dans quatre usines de production(2) dont celle historique d’Hendaye avec ses 270 salarié.es. Au tout début des années 1980, ce sont les fondateurs de Sokoa, élargis à d’autres, qui créent Herrikoa pour recueillir l’épargne populaire et l’engager dans les PME d’Iparralde afin de contribuer à leur création ou à leur développement. Les liens entre les deux organisations vont toutefois bien au-delà de cette filiation. Elles ont aussi en commun une histoire marquée par Patxi Noblia, PDG emblématique de Sokoa et premier président de Herrikoa jusqu’en 1989. Et Sokoa, c’est aussi aujourd’hui 9% du capital de Herrikoa. Un actionnaire dont l’influence peut s’avérer déterminante, comme l’indiquait l’un de nos témoins du mois dernier : « Additionnés aux votes des institutionnels, de la CCI et de deux ou trois banques, ce groupe d’actionnaires représente la majorité des votes exprimés en AG ».
Durant une trentaine d’années, cinq présidents indépendants de Sokoa se seront succédé à la tête de Herrikoa(3) avant que Txistu Bergara et Timothée Acheritogaray, respectivement président et directeur général de l’entreprise hendayaise, s’installent aux mêmes postes de commande de la société de capital-investissement. Des inquiétudes se sont déjà exprimées sur les risques d’un tel doublé, dont celui d’une implication énergivore des deux dirigeants dans Herrikoa-Herkide au détriment de Sokoa. L’alerte a ainsi été activée lors de l’AG de Sokide (la holding du noyau dur des actionnaires de Sokoa), en septembre 2023, à Sare. De toute évidence, Txistu Bergara et son directeur général n’en ont tenu aucun cas.
Comme nous l’avons signalé dans notre première partie,
nous avons sollicité courant mai, avant publication, les deux dirigeants de Sokoa et de Herrikoa-Herkide
pour ne demande de rendez-vous réitérée à laquelle ils n’ont pas donné suite.
Or, la situation se révèle d’autant plus périlleuse que leur capacité d’action et de décision peut se conjuguer avec une confusion des pouvoirs et/ou un mélange de genres.
Des risques de ne rien dire, aujourd’hui
Pas vraiment évident d’aborder Sokoa. L’exercice suppose de se détacher de ce qu’elle représente dans notre mémoire collective et de se distancier aussi de l’appréhension de certain.es de celles et ceux que nous avons sollicité.es pour recueillir leur témoignage. A leurs yeux, poser publiquement la problématique de la situation pourrait nuire à l’image de l’entreprise, entraîner une perte de confiance chez ses partenaires, et donc la déstabiliser. Ce n’est pas notre dossier qui ébranlera Sokoa ou sera à l’origine d’une fragilité dommageable. Car celle-ci a déjà sa part de réalité. Ne pas l’admettre et/ou ne pas l’évoquer la ferait- elle pour autant disparaître miraculeusement ? Ou, au contraire, participerait à son élargissement ?
(1) « 25 urte… 25 ans… 25 años… », 1996. La lecture de la brochure éditée par Sokoa pour son 25ème anniversaire retrace l’histoire si marquante et singulière de son aventure humaine.
(2) Hors Sorec Solutions et Sorec Metal à La Charité sur Loire (Nièvre), mises en liquidation judiciaire en février dernier.
(3) André Darraidou (1989-1991) ; Jean Thicoipe (1991-2000) ; Michel Etchebest (2000-2002) ; Pierre Mendiboure (2002-2013) ; Peio Bellan (2013-2020).