Alors que la mobilisation sur la Collectivité Territoriale bat son plein, il est utile de rappeler quelques évidences concernant la problématique de la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde. En premier lieu, la revendication d’une reconnaissance politique d’Iparralde est légitime au titre de l’existence d’une identité nationale. Xabi Larralde rappelle le positionnement de Sortu dans ce débat.
Dans un rapport de 2008, la Commission des Droits de l’homme de l’ONU rappelait à l’ordre la France en lui intimant de respecter les droits des minorités nationales. Pour la gauche abertzale, le cadre de reconnaissance devrait être celui d’un statut d’autonomie, car il correspond notamment aux orientations de décentralisation préconisées au niveau européen, en particulier par le Conseil de l’Europe. Ainsi, la France a ratifié le 17 janvier 2007 la Charte européenne de l’Autonomie locale élaborée sous l’égide de cette instance (évidemment, on attend toujours sa mise en application…). Il convient alors de réaffirmer une première évidence: la Collectivité territoriale à statut particulier telle qu’elle a été définie par le Conseil de développement et le Conseil des élus est loin d’être une revendication abertzale. Mais elle revêt deux aspects très positifs pour tous.
Accord très large
Le premier tient au fait que le projet de la Collectivité territoriale cristallise autour de lui un accord très large, et représente une des rares revendications politiques qui atteignent ce niveau de consensus en Iparralde.
Le second est lié à la méthode d’élaboration du projet de Collectivité territoriale qui est le fruit d’une réflexion partagée par des acteurs de différentes sensibilités sur les leviers d’intervention nécessaires au Pays Basque Nord pour faire face aux défis auxquels il est confronté. Il en a émergé non pas un outil institutionnel standard, mais un cadre spécifique défini en fonction de nos besoins, et en correspondance avec le niveau de consensus large atteignable aujourd’hui au sein de notre société.
Seconde évidence : les choses ne prennent leur sens qu’au regard du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Cela étant, un premier élément clé du contexte politique est lié au processus de paix qu’on essaie actuellement de faire avancer. Personne ne niera que ce processus a favorisé localement le déroulement du débat sur la question institutionnelle. A cet égard, la capacité à se mettre d’accord sur la Collectivité territoriale atteste de la volonté qui anime les différents acteurs d’élaborer en commun pour le Pays Basque de demain un espace du vivre ensemble dans la diversité.
Le second élément clé du contexte politique relève de la séquence du débat sur la décentralisation dans l’Etat français. Rappelons ici que c’est à partir des travaux de la Commission Balladur que la formule des Pays a été remise en cause, ce qui a entériné la suppression de la seule base juridique sur laquelle reposait la contractualisation des dernières années. Or, sans aucune base juridique, et à défaut d’un cadre institutionnel pérenne, le Pays Basque ne bénéficiera plus d’une voie de contractualisation et d’un schéma global pour ses politiques locales qui seront soumises aux aléas du bon vouloir des gouvernements en place.
15 min Xabi Larraldekin Lurralde Elkargoko eztabaida ulertzeko
Fin de cycle
Nous sommes à la fin du cycle ouvert en 1993 avec la réflexion prospective de Pays Basque 2010 (dont certains scénarios, à trois ans près, étaient finalement assez prémonitoires…).
De ce fait, une troisième évidence s’impose à nous: quelle que soit notre sensibilité politique et les motivations de chacun, nous avons tous intérêt à ce que la manifestation du 1er juin soit la plus massive possible. En effet, cette fin de cycle de la démarche Pays Basque 2010 nous situe dans une situation paradoxale dans laquelle la volonté partagée d’un cadre institutionnel propre n’a jamais été aussi forte, mais dans laquelle également, nous savons tous que des débats comme celui des limites des intercommunalités ou des futurs cantons sont l’expression des menaces lourdes pesant à l’encontre d’une acceptation des contours du Pays Basque Nord.
La réalité est que la revendication d’une reconnaissance d’Iparralde n’a jamais été aussi forte, et, dans le même temps, soumise dans les faits à un tel niveau de précarité.
Avec la manifestation du 1er juin réussirons-nous à faire bouger Paris?
Nous nous posons tous sincèrement la question. Mais dans tous les cas, je suis convaincu que le résultat de la manifestation du 1er juin ne sera pas celui d’un statuquo politique. Soit nous réussissons à créer les conditions pour que la dynamique collective qui doit nous mener à une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque Nord aille de l’avant, soit nous nous exposons au risque réel d’un rétropédalage à une position antérieure à celle de la réflexion de Pays Basque 2010.
10 min avec X. Larralde pour comprendre le débat sur la collectivité territoriale